- Mondial 2022
- 8es
- Pays-Bas-USA
Pulisic, Captain Not America

Câest peut-ĂȘtre lâun des surnoms les moins Ă©vidents de la planĂšte foot : Christian Pulisic aka Captain America. Depuis qu'il y a fait ses premiers pas en 2016, lâattaquant de 24 ans symbolise le renouveau de la sĂ©lection amĂ©ricaine, sans pour autant jouer les meneurs dâhommes. Rien dâun super-hĂ©ros.
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Chacun son histoire prĂ©fĂ©rĂ©e. Il y a celle de Marvel qui traverse les Ă©poques et relate lâacte hĂ©roĂŻque de Steve Rogers, sombrant dans la glace Ă bord dâun vaisseau dâHydra le 5 fĂ©vrier 1945 pour sauver la planĂšte. Et celle Ă©crite mardi dernier par Christian Pulisic, donnant son corps pour la nation pour permettre aux siens de se qualifier en huitiĂšmes de finale de cette Coupe du monde 2022. Lâun restera endormi dans la glace pendant 70 ans. Lâautre passera quelques heures Ă lâhĂŽpital avant de ressortir presque indemne. Quoi quâil en soit, les deux hĂ©ros se font appeler de la mĂȘme façon. Mais Ă la diffĂ©rence du vrai Captain America, Christian porte mal le costume.
Un bon soldat tout de mĂȘme
«âJâai rĂ©ussi Ă marquer, mais jâen ai payĂ© le prix, confie Pulisic en confĂ©rence de presse, Ă deux jours du dĂ©but des huitiĂšmes de finale du Mondial ce samedi. Weston McKennie mâa donnĂ© un super ballon, je lâai bien touchĂ©, mais jâai surtout pris un genou, juste dans la zone du bassin. CâĂ©tait Ă©videmment trĂšs douloureux, mais je me sens mieux maintenant. JâespĂšre que les gens qui nous regardent, surtout ceux aux USA, pourront se dire :« Ces gars-lĂ donnent vraiment tous les uns pour les autres, pour ce pays », et câest ce qui nous rend vraiment spĂ©ciaux.â» Leader technique sur le terrain, le pensionnaire de Chelsea est bien rentrĂ© dans ce Mondial : une belle offrande sur le but de Timothy Weah lors de lâentrĂ©e en lice des Ătats-Unis (1-1), une performance intĂ©ressante contre les Three Lions (0-0) et donc ce but face Ă lâIran (0-1). Percutant sur le flanc gauche de lâattaque amĂ©ricaine, Pulisic enchaĂźne les bonnes copies et compte dĂ©sormais 22 rĂ©alisations en 55 apparitions sous la tunique des Yanks. De quoi marquer un peu plus lâhistoire de sa sĂ©lection aprĂšs avoir Ă©tĂ© le plus jeune joueur Ă participer Ă un match de qualification pour la Coupe du monde et Ă marquer un but (17 ans et 253 jours).
Et pourtant, mĂȘme avec tous ces artifices, rien ne colle avec la force, le charisme, la puissance et le caractĂšre du super soldat des Avengers. «âPour ĂȘtre trĂšs honnĂȘte, je nâaime pas vraiment ce surnomâ», avait mĂȘme rĂ©vĂ©lĂ© Pulisic dans les colonnes de GQen dĂ©but dâannĂ©e, assurant avoir Ă©tĂ© proche de la dĂ©pression en 2021 Ă la suite de la lourde pression autour de son rĂŽle en sĂ©lection.«âCâest beaucoup parfois. Quand je viens en Ă©quipe nationale, câest toujours :« Comment ça se passe Ă Chelsea ? Câest quoi le problĂšme ? Que se passe-t-il ? » Oui, câest difficile. Câest durâ», avait-il rajoutĂ©. Meilleur buteur de lâhistoire des USA et aujourdâhui consultant pour CBS Sports, Clint Dempsey avait volĂ© au secours de son ancien coĂ©quipier : «âIl y a beaucoup de joueurs qui nâont pas rĂ©ussi Ă sâimposer Ă Chelsea. Regardez Salah, De Bruyne ou mĂȘme LukakuâŠâ» Mais au-delĂ de cette difficultĂ© Ă sâimposer sur le Vieux Continent, et donc Ă rĂ©pondre aux attentes placĂ©es en lui, le feu follet de 24 ans nâendosse pas le rĂŽle de meneur dâhommes de ce groupe.
Mais un simple soldat tout de mĂȘme
«âOui, Messi le fait avec lâArgentine. Oui, Ronaldo le fait pour le Portugal. Mais non, vous ne pouvez pas demander Ă ce gars de faire pareil que ces monstres avec les Ătats-Unis. Nous devons ĂȘtre rĂ©alistes, chez nous câest impossibleâ», a rĂ©cemment dĂ©clarĂ© Landon Donovan, du haut de ses 157 sĂ©lections, au micro de The Athletic. Lâancien joueur du LA Galaxy a beau lui aussi dĂ©fendre la star de cette sĂ©lection, il y a quand mĂȘme un problĂšme dans cette histoire : difficile dâĂȘtre capitaine sans brassard. «âAvec nous, Tyler Adams remplit un rĂŽle trĂšs spĂ©cifique. Câest le gĂ©nĂ©ral. Câest le stratĂšge. Câest le gars qui va Ă un endroit, nâimporte oĂč, pour montrer lâexemple. Quand il parle, les gens lâĂ©coutent.â» VoilĂ ce que le sĂ©lectionneur amĂ©ricain Gregg Berhalter a indiquĂ© aprĂšs le succĂšs face Ă lâIran le 29 novembre dernier (1-0).
Pour ce Mondial, câest donc bien Tyler Adams qui porte le brassard de capitaine. Plus jeune dâune annĂ©e, et avec pas moins de trente sĂ©lections au compteur, le milieu de terrain de Leeds semble mieux endosser les responsabilitĂ©s de leadership. Vite convaincu, Donovan sâĂ©tait mĂȘme rendu compte que lorsque Pulisic avait cĂ©lĂ©brĂ© son but face Ă la Team Melli, «âil semblait quâil Ă©tait soulagĂ©. Et pas heureux. Ăa nâĂ©tait pas vraiment de la joie. Je connais ce sentiment, jâai pu le voir sur son visage.â» De quoi confirmer les dires de certains de ses anciens coĂ©quipiers comme Geoff Cameron qui parle de Pulisic comme quelquâun de «âtimideâ» et «âtrĂšs introvertiâ» .
Alors, Ă©videmment, si on ne connaĂźt pas lâhomme derriĂšre le costume, difficile de comprendre la vague de critiques de certains admirateurs des Yanksautour du «âLeBron James du soccerâ», surnom donnĂ© au jeune attaquant depuis une publication Instagram du King en juillet 2018.«âAvec tout ça, je pense que parfois, je rĂ©flĂ©chissais beaucoup trop et jâessayais dâexceller, alors que je nâĂ©tais dĂ©jĂ pas bon. Ce nâĂ©tait pas nĂ©cessaire de se mettre cette pression, avait lancĂ© Pulisic dans une interview pour ESPN en fĂ©vrier dernier,mais ce qui est sĂ»r câest que je nâai pas besoin de ça, et mĂȘme de quoi que ce soit, pour faire mon travail correctement.â» Non, absolument pas. Ni de pression ni dâun brassard, et encore moins dâun bouclier.
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Par Matthieu Darbas