Abramovitch : Splendeur et Misère du courtisan
Il porte un nom de mafieux ou d'homme de main à tout faire du KGB. Et mine de rien, il serait peut-être moins détesté s'il l'était vraiment. Une honte. Le tueur du football. Roman Abramovitch ne plait pas. Il n'a jamais plu. Et pas sûr qu'il arrive à plaire un jour. Encore numéro un des milliardaires du football il y a un mois, il est aujourd'hui détrôné par les Qataris et semble plutôt mal en point niveau finances. Décryptage d'une descente aux enfers.
La Splendeur
Tout avait pourtant bien commencé. Une fortune accumulée sur les ruines du communisme. Du pétrole plein les poches, de l’oseille, le plus grand yacht du monde et un club de foot pour le week-end acheté les yeux fermés pour 60 millions de Livres. Et pourtant. Très vite, on le détesta. Cet homme était en train de pourrir les vertes pelouses, tondues à la dent, du football anglais – le seul, le vrai. Il n’y est cependant pas allé avec le dos de la cuillère le Russe, injectant 120 millions dès le départ pour éponger les dettes et investissant comme un porc dans le recrutement. Mais bon.
Car à bien y regarder, le magnat aura quand même été un bon coup pour la Premier League. En déboursant massivement dans les transferts, ses dépenses ont permis une redistribution des richesses. Pour exemple : l’achat en 2003 par Chelsea de Glen Johnson et de Joe Cole, pour un total de 19 millions d’euros, a évité de sérieux soucis à West Ham United, proche à cette époque du dépôt de bilan. Mais voilà, flamber comme un cake, ça coûte cher. Vraiment cher. Bilan : pour l’année fiscale 2005, Chelsea enregistre 180 millions d’euros de pertes. Fin 2006, le déficit annoncé est de 210 millions d’euros.
Pas une pince, le propriétaire n’en reste pas moins toujours critiqué. Son amour feint, selon les supporters, pour le club et ses visites dans les vestiaires à la fin du match ne plaisent pas. Toujours pas de Champion’s League et des titres de champions d’Angleterre obtenus à l’arrache. Que faire ? Il y apporte une réponse en affirmant : « Je réalise mon rêve de posséder une équipe de football majeure. Certains auront des doutes sur mes intentions, d’autres penseront que je suis fou » .
Pas suffisant. Le Russe y va donc de ses gros coups avec les arrivées de grands noms à la pelle, proposant même une pige à son vieux copain Shevchenko – pour 40 millions et que dalle au final – et plus récemment avec l’intronisation de Luiz Filipe Scolari. Mais là encore, l’oseille ne résout pas les problèmes. Et de toute façon, même son pognon commence à se faire la malle.
La Misère
Qu’on se le dise, le bonhomme s’est fait sonner par la crise. Et pas qu’un peu. A la tête d’une fortune de 12 milliards 800 millions d’euros – en chiffres, ça donne 12 800 000 000 – en avril, il ne lui reste maintenant que 3 petits milliards. Pauvre homme. Depuis cette chute de fonds, des mesures ont été prises. Les 50 membres du personnel de son yacht, le “Pelorus”, se voient donc exemptés de prime de Noël. Voilà pour la vie privée.
Côté football, ce n’est pas mieux. Selon l’analyste Philip Beresford, interrogé par le Times, Abramovitch est dans une telle merde que toutes les stars de son effectif vont se voir proposer des renouvellements de contrat à la baisse. A prendre ou à laisser. Pas salaud, il décide en décembre que 15 des 25 scouts (les recruteurs de jeunes) soient gentiment raccompagnés à la porte, au grand damn de Franck Arnesen, leur patron. Bénéfice de l’économie : 420 000 euros par an. Pas de quoi réparer les anti-missiles du bateau.
Pour ce qui est de la vie quotidienne du club, ce n’est pas mieux. Nouveaux temps, nouvelles règles. Fini la cantine gratuite pour les joueurs, interdiction de profiter des largesses du restaurant de Stamford Bridge, maintenant, on paye. Il n’y aura désormais que 3 places gratuites pour la famille et les amis des joueurs, les autres seront payantes, avec les 30% de réduction pour les employés. Faut pas déconner non plus. Plus de voiture de fonction, on vient par ses propres moyens. Mais le pire de tout, c’est quand même l’interdiction de transferts. De fait, Scolari s’est vu refuser toutes ses pistes. Plus d’oseille, plus de joueurs. Et un effectif qui s’énerve.
Les temps sont durs pour le Chelsea FC, qui vient de se faire corriger par Manchester United, d’un sévère 3-0. Depuis que le boss a récemment annoncé avoir hésité entre vendre son bateau ou son club, rien ne va plus. Anelka, l’idole du début d’année, en vient presque aux mains avec son entraineur et Didier Drogba s’en prend à la terre entière dans les magazines.
Mais bon, pas de quoi s’inquiéter, Roman a quand même eu la présence d’esprit d’offrir 40 hectares de lune à sa femme. Il pourra toujours s’y exiler, y monter un nouveau championnat ou y chercher du pétrole, qui sait…
Par Julius Pimp
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