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«Arrêtons de dire que Rennes a fait un non-match»
Il était une fois, dans une petite commune de Haute Normandie, une équipe nommée Quevilly. Nain de la compétition, le club de CFA s'imposa contre l'ogre rennais. Plein d'étoiles et encore sur un nuage, Régis Brouard, l'entraîneur, revient sur ce conte de fées, avant de retomber dans le quotidien du championnat.
Comment avez-vous fêté la victoire ?
De manière très calme et très tranquille. Nous sommes allés boire un verre ensemble. Les joueurs ne sont pas rentrés très tard. Il faut pas oublier qu’on est dans la semaine. Il y a un match à préparer. C’était tranquille.
Qu’est-ce qui a changé à Quevilly depuis hier soir ?
Quand on s’est levés ce matin, tout le monde ne nous parlait que de ça. Il y a eu une déferlante médiatique autour du club. Il y a eu une osmose entre le public et cette équipe. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont découvert l’équipe de Quevilly, on a Rouen juste à côté. Ils s’y sont identifiés à travers le match d’hier et les exploits qu’on a pu faire en éliminant Pacy-sur-Eure ou Angers aux tours précédents.
Comment gérer cette soudaine médiatisation ?
Pour le moment, les joueurs sont au repos et je les laisse profiter de toutes ces joies. Ça fait partie du jeu que les médias s’intéressent à eux. Pourquoi ils n’en profiteraient pas ? C’est eux qui ont été les acteurs de cet exploit. Que les médias les sollicitent, je trouve ça tout à fait normal. Après, à un moment ou un autre, il va falloir que ça cesse, car il va falloir revenir à l’essentiel qui est notre championnat à nous. Mais aujourd’hui, je n’ai aucune raison de leur interdire de pas profiter pleinement de ces moments-là car ça n’arrive pas tous les jours.
Vous en êtes où en championnat ?
Notre championnat est un peu tronqué en ce moment car on a trois matchs de retard en raison de notre parcours en Coupe de France. On est calés en milieu de tableau. Si on arrive à faire un résultat positif lors de ces matchs, on se calerait dans les trois premiers.
Comment aviez-vous réagi en tirant Rennes ?
Quand j’ai assisté au tirage, je n’étais pas content que Rennes soit sorti de la boule. Pour ne rien vous cacher, ça m’a gonflé sur le moment, je considère que c’est une équipe avec un gros potentiel tactiquement, individuellement, collectivement. Ma première réaction ? « Oh ca va être compliqué » . Mais après au fur et à mesure des choses, on a préparé le match, on a mis tous les ingrédients de notre côté pour essayer de créer un exploit. Au fur et à mesure, on s’est aperçu de certaines choses, qu’il y avait peut-être moyen si on était cohérents dans ce qu’on voulait mettre en place. Il y a des soirs où tout va bien, tout marche bien. Il y a des soirées magiques.
Comment avez-vous préparé le match ?
J’ai regardé entre six et huit vidéos, j’ai pris des renseignements à droite à gauche. J’ai passé beaucoup de temps, jusqu’à regarder deux-trois fois le même match pour voir si je n’avais rien d’oublié, le moindre détail… On fait une synthèse de tout ça, on fait voir des images au joueur, on leur propose quelque chose, on leur dit « On veut ça » .
Vous aviez détecté une brèche ?
On connaissait leurs qualités, mais comme toutes les équipes du monde, ils ont aussi des défauts sur lesquels on pouvait les contrarier. Sur les situations arrêtées, on savait qu’ils étaient vulnérables et qu’ils prenaient des buts. Sur certaines phases de jeu, on savait pourquoi on pouvait amener plus de profondeur et de vitesse dans certaines circonstances. On savait qu’on ne pouvait pas se permettre de relancer court après la récupération parce qu’on sait que c’est une équipe qui joue avec un bloc équipe assez haut. Leur but, c’est de récupérer le ballon haut et d’aller vite à l’essentiel au but avec deux ou trois passes. On savait qu’on ne devait pas leur donner ces ingrédients, leur donner à manger. On les a fait déjouer, il fallait écarter leur ligne car c’est une équipe qui joue très serrée.
Et quel a été votre discours ? « Profitez du moment » ?
Bien sûr, je leur répétais assez souvent qu’ils devaient profiter du moment dès la veille quand on est partis à la mise au vert. Moi mon rôle, c’est de remettre les choses. Ça reste de la compétition, et la compétition, c’est la gagne. Le plaisir, on doit le retrouver à travers l’efficacité, leur faire comprendre qu’on est dans la compet’ et que ça rigole plus. Mais c’est un groupe qui arrive à se mobiliser très vite par rapport à un évènement. Ils peuvent se détacher une demi-heure avant le match et se mobiliser au moment où ça va commencer. Ça fait du bien, ce sont des bons mecs.
[page]Rennes a battu Bordeaux le week-end dernier. C’est un peu comme si vous aviez battu le champion de France par procuration…
Rennes a battu Bordeaux, ils en avaient mis quatre contre Grenoble juste avant. Ils ont marqué huit buts en deux matchs. Oui, on a battu l’équipe qui a battu les champions de France et qui est leader aujourd’hui de Ligue 1. Mais on a aussi battu l’équipe qui était finaliste de la Coupe de France l’année dernière. Leur objectif, c’était de retourner en finale parce qu’ils avaient perdu contre Guingamp l’année dernière. Il n’y a vraiment pas eu de faute professionnelle de leur part, il y avait deux adversaires. Ils avaient la réelle volonté de se qualifier. Quand vous voyez Antonetti à la mi-temps qui fait vite des changements, et qui n’attend pas 20 minutes ou 30 minutes de la fin pour revenir dans le match parce qu’ils sont menés… A la mi-temps il a réagi de suite pour faire entrer deux joueurs de très haut niveau avec beaucoup de classe et qui étaient sur un nuage : Leroy et Marveaux. Je suis désolé, ça veut tout dire.
Ça ne vous énerve pas qu’on enlève les mérites de votre équipe ?
De toute façon, ça fait partie du jeu. La presse les a encensés parce qu’ils ont fait un match fantastique contre Bordeaux. Ils vont perdre contre une CFA et automatiquement c’est l’équipe de Rennes qui n’a pas été à son niveau. Alors, peut-être qu’ils n’ont pas été à leur niveau, mais c’est peut-être nous qui les avons rendus comme ça. C’est une analyse pas toujours juste et trop facile. Moi je pars du principe que l’on n’a rien sans rien et qu’on a le droit de mettre en valeur une équipe qui a gagné des matchs. Surtout une équipe de CFA et de National qui bat une équipe de ce calibre. Ils sont peut-être passés à côté mais ce n’est pas la première fois. Il faut arrêter de dire qu’ils ont fait un non-match. Ça arrive qu’ils aient des trous dans un match. Antonetti, lui-même, m’a confirmé qu’il lui manquait 5-6 points à cause de performances moyennes, et qu’ils étaient capables de tout et de rien. Et ce qu’il s’est passé hier.
Financièrement, c’est important une victoire en Coupe de France pour un club comme Quevilly ?
C’est pas négligeable. Après je vous ne cache pas que ce n’est pas mon souci premier. C’est pas mon problème, c’est celui des dirigeants. Pour les clubs amateurs, c’est un plus important. Aujourd’hui c’est pas très simple pour ces clubs de vivre, ou de survivre. Une rentrée de la sorte, c’est bien pour le club. On avait un déficit important avant le début de saison, à cause de la crise économique. Le club avait demandé de faire un minimum un 32e pour éponger un petit peu ce déficit. Comme vous pouvez vous en douter, le club sera dans le positif.
Vous avez une préférence pour le tirage à venir ?
Aujourd’hui, le tirage m’importe peu. Il ne faut pas oublier que le match sera le 23 mars, pratiquement dans un gros mois, il va se passer beaucoup de choses d’ici-là. Nous, on va retourner dans notre quotidien du championnat. On va rejouer samedi, contre le Racing. Je n’ai pas de souhait particulier. Aujourd’hui, on se retrouve en quarts de finale, je vais tenir le même discours que lors des tours précédents. Quand vous vous engagez dans une compétition comme la Coupe de France, le but c’est de passer des tours. Si on a l’opportunité de passer, on ne va pas se gêner. La seule chose positive, c’est qu’on va recevoir automatiquement, on va rejouer dans un stade à nouveau plein.
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