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Sifflet s’est trompé

Par Julien Duez
Sifflet s’est trompé

Depuis le début du Mondial, l’arbitrage a trop souvent fait parler de lui. Ce n’est pas normal. Les différentes polémiques liées à la VAR ou aux réformes des lois du jeu sont la preuve que l’évolution de la législation footballistique a mal été anticipée et c’est un événement majeur qui en pâtit.

Le 4 juin, à trois jours du début de la Coupe du monde, les médias du monde entier sont conviés à assister à une séance d’entraînement des 77 arbitres centrales et assistantes qui officieront pour le Mondial. Sur les pelouses de l’INSEP, en banlieue parisienne, de jeunes joueurs venus de Créteil et d’Ivry servent de cobayes pour que ces dernières répètent différentes phases de jeu. Coups francs, penaltys, corners, hors-jeu, phases offensives et défensives, les gamins répètent mécaniquement leurs gammes pendant que les femmes en noir, sifflet à la bouche ou drapeau à la main, se chargent à tour de rôle de valider ou non l’exécution de tel ou tel geste. Sur la ligne de touche, certaines patientent en exécutant des exercices de pratiques visant à tester leurs réactions et leur rapidité dans la prise de décision.

Dans les tribunes, rares sont les journalistes qui ont répondu présent. En revanche, on remarque un groupe de jeunes arbitres licenciées qui assistent au spectacle avec un air émerveillé. Pour elles, officier un jour dans un match international serait une forme de consécration, à en croire Laura Georges, ancienne internationale française, aujourd’hui secrétaire générale de la FFF.

Des vedettes au rendez-vous

Et les arbitres ont aussi leurs stars. Parmi elles, Stéphanie Frappart évidemment. L’Essonnienne, en charge de deux matchs de Ligue 1 cette saison (une première en France), s’apprête à disputer sa deuxième Coupe du monde, quatre ans après avoir sifflé quelques parties au Canada, en 2015. Pour elle, ce Mondial à domicile a forcément une saveur particulière, même si, comme elle l’affirme, « la pression est là, comme pour n’importe quel match. »

Et l’autre grand nom qui attire les regards, c’est évidemment Bibiana Steinhaus. Depuis cette saison, l’Allemande fait partie des arbitres officielles de Bundesliga après, comme Frappart, plusieurs saisons passées à faire ses preuves en deuxième division. « Ce qui est vraiment bien avec le foot féminin, c’est tout le positivisme qui se dégage des joueuses, mais aussi des fans qui sont là pour supporter le beau jeu. C’est cette atmosphère que je préfère, par rapport au football des hommes » , explique aimablement la native de Basse-Saxe. Et pourtant, il s’agirait bien là de la seule différence entre les deux à en croire Stéphanie Frappart : « Ce qui change, c’est le style de jeu, exactement comme entre la Ligue 1 et la Ligue 2. Pour le reste, c’est un match de foot avec des décisions à prendre sur le terrain. On a prouvé qu’on avait les qualités et les compétences pour arbitrer au plus haut niveau, et ce Mondial, c’est la meilleure manière de prouver que davantage de femmes y ont leur place. »

Égalité technologique

Pour favoriser le développement de l’arbitrage féminin en même temps que le reste de la discipline, la FIFA n’autorise plus que des femmes à officier en Coupe du monde depuis 2003. Au niveau technologique, l’instance faîtière du football mondial tend également vers l’égalité. Après la goal-line technology en 2015, c’est la VAR qui fait son apparition en 2019. En plus des 77 arbitres retenues pour la compétition, ce sont quinze hommes qui sont en charge de l’assistance-vidéo depuis le car-régie. Car contrairement à Frappart et Steinhaus, toutes n’ont pas eu l’occasion de se familiariser avec l’outil dans leur championnat respectif. Pour pallier cette carence, la FIFA a organisé trois stages d’initiation au Qatar et aux Émirats arabes unis. « Le temps d’apprentissage a été bref, mais suffisant, les filles très bien préparées. On est super confiants, ça va bien se passer. Ce ne sont pas des arbitres de D7 ou D8 qui sont là, c’est l’élite mondiale » , explique ainsi un porte-parole de l’organisation. Stéphanie Frappart se montre également confiante : « En tant qu’arbitre, on va tâcher de montrer notre meilleure performance sur le terrain et derrière, peut-être que la VAR nous sauvera une ou deux situations sur toute la compétition. »

En parallèle, les arbitres ont dû apprendre la dernière mise à jour des lois du jeu validée au mois de mars par l’IFAB, l’organisme chargé des règles sur le terrain. Parmi elles, la suppression de la notion de main involontaire, la possibilité de distribuer des cartons au banc de touche et surtout, la suppression de l’obligation pour les gardiens d’avoir les deux pieds sur la ligne au moment d’un penalty. « Ces changements ont été utilisés lors du Mondial U20 et nous avons reçu l’écho que tout s’est bien déroulé » , se réjouit Pierluigi Collina, président de la Commission des arbitres de la FIFA, non sans marteler le credo sacré de cette dernière : « Nous sommes prêts. »

Deux poids deux mesures

Effectivement, les circuits de la VAR ont surchauffé. Pendant le premier tour, la vidéo a été utilisée pas moins de dix-sept fois, soit une moyenne de 2,12 recours par match. On est donc très loin du total escompté par Stéphanie Frappart. Et sur ces 36 matchs, dix-huit penaltys ont été sifflés, dont sept grâce à la VAR. Sans oublier les trois qui ont dû être retirés à cause d’un mouvement trop brusque de la gardienne et, dans le cas du duel entre l’Argentine et l’Écosse, les conséquences que l’on connaît. Ce soir-là, l’internationale polonaise Katarzyna Kiedrzynek en était venue à poster son incompréhension (ou indignation, c’est selon) devant cette vision millimétrée du football, où le moindre petit geste est scruté par une vidéo sans âme qui ne laisse plus aucune place à l’interprétation de l’arbitre.

Car si ces dernières ont eu le temps d’apprendre par cœur leur manuel et de se former à l’utilisation de ces jouets censés leur faciliter la tâche, les joueuses, elles, ont avant tout servi de rats de laboratoire. Elles débarquent en effet dans le tournoi le plus important sans avoir eu le temps de se familiariser avec toutes ces nouvelles règles en match officiel. Une situation déséquilibrée qui conduit à un décalage entre les deux camps, en dépit du bilan jugé très positif par Pierluigi Collina à l’issue du premier tour. Pire encore, la FIFA a obtenu de l’IFAB la suspension temporaire de la sanction à l’encontre d’une gardienne si celle-ci bouge de sa ligne, mais uniquement en cas de séance de tirs au but. Un aveu d’échec criant quant au caractère inadapté de ces règles et un camouflet pour le football féminin qui se retrouve victime de la mise en pratique prématurée d’un travail bâclé, surtout lorsque l’on sait que le syndicat des arbitres anglais a d’ores et déjà affirmé qu’il ne recourrait pas à la VAR pour faire retirer un penalty dans le cas où le gardien ne serait pas sur sa ligne. De son côté, Collina a admis auprès du site de la FIFA « que certaines erreurs ont été commises. C’est compréhensible, mais ça ne devrait pas arriver. J’en suis désolé. » Mais sans plus de détails.

Pas sûr que les choses s’arrangent d’ici la fin du tournoi. En huitièmes de finale, nombreuses ont été les décisions polémiques. Qu’il s’agisse des penaltys sifflés en toute fin de rencontre pour les États-Unis ou les Pays-Bas, de celui refusé à la Suède pour une position de hors-jeu pas vue par la femme en noir ou du but refusé au Cameroun face à l’Angleterre pour les mêmes raisons, le football est définitivement passé dans une ère où, au même titre que la notion d’intention de faire main, l’interprétation de l’arbitre n’a plus sa place. Une vision du football peut-être plus « juste » , mais en tout cas totalement déshumanisée. Et ce ne sont pas que les perdants qui le disent : « Lorsqu’il y a eu la VAR, j’étais totalement irritée. Je ne savais ni quoi ni comment ni pourquoi ! En match, c’est un grand point d’interrogation quand tu ne sais pas ce qui est vérifié et pourquoi » , déclarait ainsi l’attaquante Alexandra Popp après la victoire de l’Allemagne face au Nigeria. Un avis partagé par la gardienne Almuth Schult : « Les longues interruptions ont cassé le rythme du match. Il n’est pas possible qu’il se passe déjà deux minutes avant que l’arbitre ne décide d’aller elle-même regarder l’écran. »

Au lieu de chercher à tout prix à faire se ressembler les footballs masculin et féminin, peut-être la FIFA et l’IFAB feraient-ils mieux de tenir compte des échecs à répétition de leurs réformes technologiques et de l’avis de celles et ceux qui sont les premiers concernés. Même les arbitres pourraient bénéficier de ce regain de confiance quant à leurs prises de décision. Se rappeler que l’erreur est humaine n’est pas forcément un aveu d’échec.

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Par Julien Duez

Propos recueillis par JD, sauf mentions.
Photos : JD.

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