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Antonio Conte, à l’ombre

Par Markus Kaufmann
Antonio Conte, à l’ombre

« L'histoire ne retient que les vainqueurs », répète encore aujourd'hui Carlos Bilardo tous les soirs au fond d'un obscur studio de radio à Buenos Aires. Mais qu'en est-il du mérite d'Antonio Conte si sa Juve, c'est-à-dire celle de Massimiliano Allegri, remporte la Ligue des champions ? En tant que joueur et entraîneur, Conte semble destiné à se retrouver à l'ombre des plus grands succès des siens.

22 mai 1996, Stadio Olimpico de Rome. La Juventus de Marcello Lippi, portée par le trident Ravanelli-Vialli-Del Piero, affronte la génération dorée de l’Ajax de Louis van Gaal. Antonio Conte est titulaire au milieu de terrain, aux côtés de Didier Deschamps et Paulo Sousa. Mais l’Italien est forcé de sortir sur blessure avant la mi-temps, à la 44e minute. Le numéro 8 est alors remplacé par Vladimir Jugović. Aujourd’hui encore, au-delà du chef-d’œuvre de Ravanelli, l’image de cette finale reste le sourire inimitable et le tir imparable de ce même Jugović, dernier tireur turinois. Conte, lui, sera champion d’Europe en jogging, sur le banc, blessé. À l’ombre.

Guerrier de l’ombre

Un an plus tard contre Dortmund, le milieu de terrain n’est pas sur la feuille de match de la finale de Munich. En 1998 à Amsterdam, Conte est remplaçant et entre en jeu à la 77e minute, dix minutes après que le but de Mijatović a décidé la victoire du Real. Cinq ans plus tard à Old Trafford, le remplaçant Conte – entré en jeu à la mi-temps – passera cette fois-ci tout près des gros projecteurs en touchant la transversale sur une tête plongeante, bien avant que le destin de la finale ne soit décidé aux tirs au but. Une séance à laquelle il ne participera pas. Conte était un guerrier de l’ombre. Qui sait alors comment Antonio Conte se sentira-t-il ce samedi soir devant la finale berlinoise ? Peut-être comme en 1996, artisan de la victoire sans en être une grande figure, puis absent du moment fatidique. Ou alors peut-être comme en 1997, en absent tout court.

Enfin, peut-être assistera-t-il au dernier match de la saison turinoise comme un tifoso de plus, encore en jogging, agitant son écharpe au stade ou dans son salon, croisant les doigts au moment de chaque prise de balle de Suárez et Messi, et envoyant au diable les numéros fantaisistes de Neymar. Toujours est-il que Conte ne sera pas assis sur le banc à Berlin. Parce que sous ses ordres, la Vieille Dame n’a jamais réussi à s’envoler sur la scène européenne. Après une première saison sans Coupe, sa Juve aura éliminé Chelsea des poules avant d’exploser le Celtic en huitième et de plier en quarts face au futur champion, le Bayern de Heynckes. Pour sa deuxième participation en C1, la Juve de Conte s’inclinera bien plus tôt dans ce qui est resté comme l’une des surprises les plus importantes de ces dernières saisons, perdant sur le fil et sous la neige face à Galatasaray. En Ligue Europa, Conte aura éliminé le Trabzonspor, la Fiorentina et l’OL avant de tomber en demies contre Benfica. Et c’est tout.

Un père à l’ombre

Malgré tout, il se pourrait aussi que Conte se sente comme un père dont la fille aurait choisi de se faire accompagner par son beau-père ou autre au moment de se diriger vers l’autel. La fille est la Juventus, le mari est la Ligue des champions, et le type arrivé après, c’est Allegri. Après la naissance en 2011, après les premiers cris en 2012, après les premiers bobos en 2013 et surtout après l’âge de la maturité. Parce qu’Antonio Conte est bien le père de cette Juventus de l’époque 2011-2015, pour une raison évidente : il l’a fait naître. Lorsque Conte débarque à Turin, la Vieille Dame a une sale tête. Un visage de 7e de Serie A éliminé en poule de la Ligue Europa. Trois ans plus tard, en mai 2014, Fabrizio Ravanelli lâche ces mots de prestige envers l’homme de cette transformation : « Antonio Conte est le meilleur entraîneur de tous les temps. Il est le Messi ou le Ronaldo des techniciens. Ce qu’il a fait pour la Juve, personne dans le monde n’a réussi à le faire. S’il reste longtemps, il peut gagner jusqu’à cinq ou six Scudetti d’affilée. »

La direction turinoise et Antonio Conte auront fait venir Pirlo, Lichtsteiner et Vidal la première saison, puis Pogba et Asamoah, et enfin Llorente et Tévez. Des onze titulaires d’Allegri, seuls Morata et Évra sont des pièces ajoutées, tout comme son joker Pereyra. Conte aura aussi dessiné les insertions des milieux de terrain et affiné les courbes des latéraux plongeant en direction de la surface, appelés discrètement par les beaux ballons de Pirlo. Enfin, il aura surtout fait naître un groupe à la détermination, au caractère, au mental et à la « méchanceté » calqués sur son image. Une patte, une identité et un héritage qu’Allegri a su embrasser onctueusement. « Après trois Scudetti, Allegri a été une valeur ajoutée à la Juve » , explique Lippi à la Gazzetta dello Sport en attendant la finale de « sa » Juve, celle qu’il a emmenée quatre fois aux portes du toit du monde (1996, 1997, 1998, 2003). D’après Marcello, Allegri a deux mérites. Le premier : « Il n’a retiré aucune certitude à l’équipe de Conte. » Le second : « Il a fait grandir tactiquement la Juve, qui peut maintenant jouer sans problème avec deux systèmes. » Et la conséquence : « Cette Juve a réalisé le même processus de croissance que la mienne : d’abord en Italie, puis en Europe, et peut-être qu’un jour, il y aura aussi l’Intercontinentale… »

Chance et mérite

Le mérite n’est pas redistribué de manière logique en football. Et les bâtisseurs des plus grandes équipes n’ont pas toujours eu la reconnaissance qu’ils méritent. Ceux qui bâtissent les clubs, eux, ne l’ont jamais. Comme les hommes qui ont participé à la construction de cette forteresse qu’est devenu le Juventus Stadium. Comme les dirigeants bianconeri qui ont réussi à faire renaître un grand club à partir de la Serie B. Allegri l’a dit : « Conte et la direction entreront dans l’histoirebianconerapour ce qu’ils ont fait. » Mais ce n’est pas suffisant. La part de la chance n’est pas non plus toujours jugée à sa juste valeur. Qui sait si la Juventus de 2013, celle qui était arrivée invaincue en quarts avant de rencontrer l’irrésistible champion munichois, n’aurait pas pu elle aussi battre le Dortmund chavirant de 2015, l’AS Monaco de Jardim et un Real Madrid si désordonné ? Personne, en fait. D’ailleurs, personne ne sait non plus si un peu de neige, une déviation musclée de Drogba et un tir chirurgical de Sneijder en auraient fini avec cette Juve d’Allegri. Mais le football offre toujours des revanches. Un jour, Antonio Conte atterrira peut-être sur le banc d’un presque-champion d’Europe et en fera un champion sous les projecteurs de tout le continent. Peut-être. Mais l’histoire ne dit pas s’il portera alors un jogging.

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Par Markus Kaufmann

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