- CAN 2010
Angola : L’avenir dure longtemps !
L'Angola était au plus mal lorsque l'an dernier, elle décida de confier les clefs de sa sélection à un coach miracle, aussi compétent que méconnu. Depuis les Palancas negras ont retrouvé une âme et même un futur.
Mai 2009 : dans quelques mois, l’Angola organise la CAN et la fédération est inquiète. La sélection ne cesse de dégringoler. Le sélectionneur Luis Gonçalves de Oliveira a jeté l’éponge après la débâcle des éliminatoires au Mondial (1). Son adjoint, Mabi de Almeida, lui a succédé avant d’être viré à son tour. Zeca Amaral, l’adjoint de Almeida a assuré l’intérim. Seule constante : la médiocrité des résultats. Pas question pourtant de se rater, l’image du pays est à ce prix. Un des membres du board finit par céder aux injonctions d’un de ses amis, qui fraye dans l’import-export, afin qu’il rencontre un entraîneur portugais qui a eu quelques résultats en Égypte. Rencart organisé, renseignements pris, le coach en question s’appelle Manuel José Jesus Silva et son CV ressemble à un bottin téléphonique. Au Portugal, il a entraîné Benfica et le Sporting. En Égypte, il est devenu une icône absolue en empochant quatre ligues des Champions africaines avec Al Ahly.
« Depuis qu’il est là, il a fait un job incroyable dans une période où le temps pressait. Il est arrivé avant l’été et il a transfiguré l’équipe » assurait Kali, le défenseur d’Arles-Avignon après la rencontre contre le Ghana. « Nous voulons poursuivre notre route avec ce coach, avec sa mentalité pour nous donner les meilleures chances pour la prochaine compétition au Gabon » confiait pour sa part Rui Marques, le capitaine. Manuel José (63 ans) est apprécié en Afrique depuis ses exploits égyptiens même si sa notoriété a tardé à parvenir jusqu’à Luanda. Depuis neuf mois, et en quatorze matchs, les Palancas negras ne se sont inclinées que deux fois –en Estonie en amical en décembre et contre le Ghana, dimanche dernier. « Tout le monde est heureux avec lui plaide encore Rui Marques. Il a créé une excellente atmosphère entre les joueurs et modifié notre façon de jouer et d’approcher les matchs. Tous les joueurs seraient ravis qu’il reste » .
L’ossature présente au Ghana (Manucho, Flavio, Gilberto) bénéficie du renfort de jeunes étoiles qui se sont aguerries dans le championnat local (Stelvio, Mabina, Chara, Djalma, Job). « Nous étions plus forts qu’il y a deux ans et nous sommes un peu amers de sortir si tôt. Après le premier tour, on se voyait déjà en finale. Nos supporters ignoraient qu’un grand nombre d’entre nous étaient blessés. On a donc essayé de faire de notre mieux mais avec ces limites » précise Kali.
Seul désagrément à cette quinzaine idyllique, José a appris, peu de temps avant le quart de finale, la mort de son père et il s’en est retourné à Lisbonne sitôt le match terminé après avoir fait ses adieux aux joueurs. Marques : « Il a un fort caractère mais il n’est jamais facile de connaître ce genre d’épreuves. Il a été incroyablement fort, professionnel, comme si rien n’était arrivé même si nous savions qu’en son for intérieur, il était dévasté. Nous voulions gagner le match pour lui mais nous étions trop handicapés par les blessures » .
La pression à domicile est devenue trop rude à gérer au fur et à mesure. Un Ghana très amoindri ne pouvait plus être le favori de la rencontre. La lassitude psychologique aussi a fait son office puisque le squad angolais cohabitait ensemble depuis deux mois et demi dans l’attente de cette CAN à domicile. « Nous sommes sortis du tournoi mais nous pouvons être fiers de nous-mêmes. C’est ce que le coach nous a dit avant de partir : “Rentrez chez vous et gardez cet état d’esprit, restez concentrés avec vos clubs et soyez prêts pour la prochaine fois” » a raconté Manucho en partance pour Valladolid.
Entre le Mondial 2006 et les trois dernières CAN, l’Angola s’est peu à peu fait un nom sur la carte du football mondial. Son économie émergente, ses richesses (pétrole, diamants, uranium), ses stades rutilants, un championnat d’un niveau honnête, « tout incite à l’optimisme » assurait encore Manucho. « C’est un pays qui est dingue de foot, qui ne vit que pour lui et qui mérite quelque chose de mieux que ce qu’il a eu pendant longtemps » . A trente-deux ans, Rui Marques ne sait pas encore combien de temps il répondra à l’appel de sa sélection mais il demeure attaché à l’idée que son sport peut unifier son pays où tant de gens ont connu l’enfer. « On l’a vraiment ressenti lors de notre victoire contre le Malawi, l’atmosphère était fantastique, tous les spectateurs étaient en transe. C’est quelque chose que nous pouvons donner à ces gens, qu’ils soient riches ou pauvres, ils ressentent les mêmes émotions dans un stade » .
Pour Kali, une nouvelle vie commence après la coupe d’Afrique. Il vient de quitter Arles-Avignon pour rejoindre son pays et le championnat local en signant à Primeiro de Agosto. Il a touché, avec ses coéquipiers, un bonus record de 150 000 dollars pour l’accession aux quarts de finale. Mais la meilleure prime que pourraient accorder leurs dirigeants aux Palancas negras serait de prolonger au plus vite leur sorcier portugais avant d’embarquer pour les éliminatoires de la CAN 2012. Qu’ils se pressent. Un magicien pareil ne reste pas sans chapiteau bien longtemps.
(1) : Les Palancas negras n’avaient pas réussi à se glisser jusqu’au troisième tour des éliminatoires. Ils tombèrent au deuxième tour dans un groupe qui comprenait le Niger, le Bénin et l’Ouganda.
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