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Angleterre-Allemagne : The Beth Mead Revenge Tour

par Anna Carreau
Angleterre-Allemagne : The Beth Mead Revenge Tour

Meilleure buteuse de cet Euro, Beth Mead est sans conteste la révélation de la compétition. À 27 ans, la boule de nerfs anglaise prend un malin plaisir à martyriser ses adversaires sur son côté droit, usant d'une source de motivation presque sans limite : la frustration. Si l'Euro n'avait pas été décalé d'un an, elle aurait peut-être assisté à la finale de Wembley depuis son salon du Yorkshire. Mais le destin (et Sarina Wiegman) ont bien fait les choses.

le 31/07/2022 à 18:00
Euro 2022
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Cette saison, Beth Mead a explosé un record vieux de plus de 60 ans. En 1960-1961, Jimmy Greaves avait inscrit treize buts sous la tunique des Three Lions, un record sur une saison avec la sélection anglaise. En 2021-2022, Mead a inscrit 20 buts avec les Lionesses, en dix-huit apparitions. And still counting. À l’Euro, la meilleure buteuse du tournoi n’est qu’à une petite réalisation de faire tomber un autre record, celui du nombre de buts inscrits lors d’une même édition du championnat d’Europe. Elle pointe aujourd’hui à six pions, auxquels il faut ajouter quatre caviars, pour l’instant à égalité avec Alexandra Popp, qu’elle retrouvera en finale. Ses buts décisifs ajoutés à ses célébrations pleines d’énergie, mais sans aucun sens, lui valent d’être la chouchoute du public anglais, qui a remplacé son traditionnel It’s coming home par « Your defense is terrified, Beth Mead on fire ! Na, na, na, na… » Autrice d’un but et de deux passes décisives lors de la victoire 4-0 contre la Suède mardi dernier, qui qualifie l’Angleterre pour sa finale à Wembley, Mead est la première à prendre les mains de ses coéquipières pour entonner le fameux Sweet Caroline, repris massivement par les spectateurs présents. Évidemment, à l’issue de la rencontre, c’est elle qui quitte le terrain avec le trophée de joueuse du match, pour la seconde fois de l’Euro.

 Je me déteste d’avoir ressenti cela, mais je me suis retrouvée assise chez moi à avoir des pensées négatives au sujet de certaines joueuses, à vouloir qu’elles jouent mal pour que les gens réalisent que c’était une erreur de ne pas m’avoir prise.

Un Euro qui aurait pu se jouer sans elle

« Quelle nuit et quelle atmosphère incroyable venant des fans. Je suis très fière d’être anglaise et de faire partie de cette équipe », lançait-elle tout sourire au micro de l’UEFA après la rencontre. L’ailière de 27 ans a volé la vedette à Ellen White, celle qui aurait dû être la star des Lionesses, sans son explosion lors de cette compétition. En plus de marquer, Mead le fait bien. À son palmarès, elle compte un lob du pied droit, un slalom qu’elle conclut du pied gauche, une reprise de volée du gauche aussi, un crochet enchaîné avec un but… du gauche et un contrôle orienté du pied droit avant de marquer avec le même pied. L’attaquante d’Arsenal en oublierait presque son pied préférentiel : le droit. Un état de grâce qui lui vaut d’être encensée par Ellen White elle-même, pas jalouse du succès de sa coéquipière : « Nous avons tellement de chance qu’elle fasse partie de cette équipe. Nous l’enveloppons dans du coton. Ce qu’elle apporte à l’équipe est incroyable : les buts, les passes décisives, son énergie. » Sa coéquipière en club et en sélection Leah Williamson ne veut « pas trop l’encenser », mais avoue qu’elle a été « incroyable » : « Si vous avez une joueuse qui marque autant, vous lui donnez le ballon et vous espérez qu’elle fasse le travail. C’est un avantage pour nous. »

Si Mead explose aujourd’hui, les chemins de sa gloire furent jusqu’alors pavés d’embûches. La principale intéressée reconnaît elle-même que si la Covid-19 n’avait pas contraint l’organisation de l’Euro à repousser la compétition d’un an, elle n’aurait certainement pas fait partie de la sélection. « Je n’étais pas bien l’été dernier », a-t-elle récemment raconté au Telegraph. Williamson la décrit d’ailleurs comme « une personne sensible », « mais qui sait ce qu’elle veut ». Victime d’une sale blessure au genou droit en 2019, elle peine à retrouver son niveau et à l’été 2021, la sentence tombe : Beth Mead est écartée des Jeux olympiques de Tokyo par la sélectionneuse Hege Riise, qui l’utilisait alors comme latérale. Une décision qu’elle avait très mal vécue. « Je me déteste d’avoir ressenti cela, mais je me suis retrouvée assise chez moi à avoir des pensées négatives au sujet de certaines joueuses, à vouloir qu’elles jouent mal pour que les gens réalisent que c’était une erreur de ne pas m’avoir prise, avait-elle détaillé. Personne ne me disait ce que je devais améliorer ou la raison pour laquelle d’autres étaient choisies pour les JO et pas moi. Le seul retour que j’ai eu, c’est que j’étais trop agressive dans ma façon de jouer, et je n’arrivais pas à le comprendre. J’ai toujours joué comme ça. »

 Quand Beth avait 13 ou 14 ans, elle a marqué un triplé contre nous en six ou sept minutes. 

Meado l’enragée

Celle qui est surnommée « Meado l’Enragée » (Angry Meado en VO) de l’autre côté de la Manche est en effet connue pour son jeu rude. Née dans la campagne du Yorkshire, dans le nord de l’Angleterre, elle est poussée vers le football par sa mère, qui cherche un exutoire pour cette boule de nerfs. « Elle sera la seule fille ici. Et(les garçons)sont assez durs, ça ira ? », avait averti l’entraîneur, le premier jour à son arrivée. « Quand(ma mère)est revenue, une heure plus tard, il lui a dit en gros que j’étais encore plus dure que la plupart des garçons », a-t-elle raconté au site de la Fédération anglaise. Sa capacité à malmener les défenses masculines, mixtes, puis féminines lui permet de rejoindre le centre de formation du club local de Middlesbrough. « Quand Beth avait 13 ou 14 ans, elle a marqué un triplé contre nous en six ou sept minutes », se souvient Mick Mulhern dans les colonnes du Guardian, ex-entraîneur des Sunderland Ladies à qui Meado fait des misères en championnat junior. « Dès qu’elle a eu 16 ans, je l’ai rencontrée avec son père pour l’engager à Sunderland, poursuit-il, pressé d’avoir Beth Mead avec lui plutôt que contre lui. C’était une vraie buteuse, des deux pieds, de n’importe où. » La serial buteuse du Yorkshire rejoint donc la Women’s Super League 2 en 2011, équivalent du Championship féminin, où elle marque 23 buts en 23 matchs lors de sa première saison dans son nouveau club. Puis 30 pions en 28 rencontres la saison suivante, puis 15 lors de la saison 2014 (la saison se jouant jusqu’en 2016 sur une année civile, de mars à octobre), où les Black Cats remontent en première division.

Bien qu’elle passe professionnelle avec cette promotion, Meado se résout à terminer sa licence à l’université de Teesside et obtient finalement un diplôme en développement du sport. Elle reste aujourd’hui une grande défenseuse des footballeuses qui combinent le jeu et les études universitaires, et a lancé les « Beth Mead Scholarships » , des bourses permettant à quatre joueuses prometteuses de s’inscrire à des cours de premier ou de deuxième cycle à l’université de Teesside. À l’intersaison, elle accepte de retourner travailler comme barmaid dans un pub local en guise de remerciements envers les propriétaires, qui lui avaient fourni des fonds de sponsoring lors de ses premières saisons. Puis tout s’accélère pour celle qui occupe alors le poste de numéro 9. Lors de son premier match de D1, à 20 ans, elle marque et obtient un penalty, permettant à Sunderland de s’imposer 2-1 contre Liverpool, champion en titre. Mais quelques mois plus tard, sa vie a failli basculer du mauvais côté. En voulant éviter une biche qui traversait la route, son bolide fait trois tonneaux avant de finir dans le fossé. Elle s’en sort miraculeusement avec quelques bleus et des égratignures, puis retourne sur les terrains deux jours après pour claquer un triplé contre Chelsea, alors leader du championnat, dans une victoire nette 4-0.

Élue jeune joueuse de l’année en 2016, elle pose ses valises à Arsenal à l’hiver 2017, après avoir marqué 77 buts en 78 matchs pour Sunderland en tant qu’avant-centre. Avec l’arrivée de la superstar néerlandaise Vivianne Miedema six mois plus tard, la numéro 9 de 22 ans est envoyée sur l’aile droite. Moins performante et obligée de se reconvertir en serial passeuse, elle est sélectionnée avec l’Angleterre en avril 2018 par Phil Neville, l’ancienne star de Manchester United, avec qui les relations sont un peu tendues. Il l’accuse d’être « trop décontractée » et d’être seulement « heureuse » lorsqu’elle se rend à Whitley Bay, une station balnéaire du nord-est de l’Angleterre, pour « manger un fish and chips ».

 Je dis à Beth qu’elle saura qu’elle est en bonne voie lorsque les gens arrêteront de parler de sa forme et s’attendront à ce qu’elle soit toujours à ce niveau.

La renaissance sous Wiegman

L’arrivée de la sélectionneuse néerlandaise Sarina Wiegman lui permet de renouer avec les Lionesses. Élue joueuse de l’année à Arsenal, Beth Mead cumule 14 buts et 19 passes décisives en 40 matchs, remise en confiance avec l’arrivée de Jonas Eidevall sur le banc des Gunners. « Je dis à Beth qu’elle saura qu’elle est en bonne voie lorsque les gens arrêteront de parler de sa forme et s’attendront à ce qu’elle soit toujours à ce niveau », commentait l’entraîneur suédois juste avant l’Euro, lui qui l’a repositionnée dans une position plus axiale et lui a permis de retrouver son jeu explosif, en passant dans une tactique basée sur les contres. Un jeu très vertical que tente aussi d’instituer l’ancienne sélectionneuse des Pays-Bas avec l’Angleterre, qu’elle est chargée d’emmener vers la victoire finale à l’Euro. Forcément, l’alchimie entre les deux femmes fonctionne. « Elle est très directe, commente Beth Mead à son sujet. On pourrait dire abrupte pour l’Angleterre, mais c’est très néerlandais. Elle va toujours droit au but. On avait besoin de cette franchise (…). J’adore jouer pour elle. » Depuis que Sarina Wiegman est sur le banc anglais, la numéro 7 a marqué 20 fois en 19 matchs et délivré 13 passes décisives.

La serial buteuse admet aussi que sa non-sélection pour les JO de Tokyo a été un déclic pour elle : « Cela a allumé un feu en moi. Je ne voulais pas le ressentir de nouveau. Au contraire, cela m’a donné encore plus de détermination et de concentration. Je joue mon meilleur football quand je suis en colère. » Une rage qu’elle dit avoir réussi à « canaliser », mais qu’elle garde suffisamment en elle au moment de frapper dans la surface, dans ce qu’elle appelle son « équilibre ». « Je sais que cela ne fait qu’un an, mais je pense que j’ai mûri en tant que joueuse, explique-t-elle sereinement aujourd’hui. J’ai commencé à me concentrer davantage sur moi-même. J’ai joué avec beaucoup plus de liberté cette année et c’est quand je joue librement que je pratique mon meilleur football. Je ne me prends pas la tête et je prends de meilleures décisions. » Vivant sa revanche de la plus belle des manières, l’attaquante révèle d’ailleurs n’avoir « jamais rêvé » de vivre une telle compétition. Depuis, cet Euro a été rebaptisé le « Beth Mead Revenge Tour » (la tournée de revanche de Beth Mead en VF, NDLR) par les supporters anglais. En espérant que la tournée se conclue en apothéose à Wembley.

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par Anna Carreau

Propos issus des conférences de presse, sauf mentions.

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