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Amauri et Zlatan face aux sept milliards

Par Markus Kaufmann
Amauri et Zlatan face aux sept milliards

Quand on est en haut de la montagne, le vent souffle fort. Pour y rester, il faut du talent, mais ça n'est généralement pas ce qui manque. Il faut surtout une tête, un mental, une envie sans répit. Parce que c'est dur. Même pour les géants. Un jour, Amauri a voulu monter tout en haut de la montagne. Sur son chemin, il a croisé Zlatan Ibrahimović. Fou, ou tout simplement sûr de lui, il pensait pouvoir arriver plus haut que le Suédois.

Zlatan Ibrahimović a gagné 23 titres en 15 saisons. Il a écrit des moments et une époque : un style, un verbe, un charisme. Pourtant, la terre entière aime répéter qu’il est « mauvais » dans les grands moments, en Ligue des champions, parce qu’il n’est jamais tombé au bon endroit au bon moment. Le monde aime le répéter, parce que l’homme aime certainement penser que l’arrogance ne doit pas gagner à la fin. Puisque Zlatan parle tant, le monde a naturellement envie de lui répondre. Et peu importe si le Suédois est l’un des joueurs les plus travailleurs et professionnels qui soient. Xavi, derrière ses airs de petit prêtre du beau jeu, est pourtant plus arrogant que Zlatan. Mais Xavi n’a jamais commis le péché de penser pouvoir devenir le meilleur. Zlatan, lui, vit pour cette quête. Il le dit et il le montre, parce que c’est vrai. Alors, l’arrogance, ça permet de dire la vérité avec le sourire. Mais derrière l’humour et sa légèreté, il y a la haine, la colère, l’envie démente, le combat quotidien. C’est irrationnel de vouloir être le premier parmi sept milliards. « Quand je suis arrivé à Amsterdam, j’étais un tigre prêt à affronter le monde » , raconte Zlatan. Et un jour, un certain Amauri a pensé être assez fort pour participer à cette folie…

Il était une fois, il y a six ans…

En 2008-2009, le binôme Mourinho-Ranieri fait la loi en Serie A. En conférence de presse, les deux entraîneurs se cherchent et se provoquent. Sur le terrain, ils peuvent tous les deux compter sur leur héros, leur buteur, leur bête. D’un côté, Zlatan Ibrahimović. De l’autre, Amauri. La saison précédente, le Brésilien a marqué 15 buts pour Palerme, pas très loin des 17 du Suédois à Milan. L’homme au bouc est alors un personnage de la Serie A. De septembre à décembre, le Brésilien marque 11 buts en 17 journées de Serie A, et se permet même une tête de la victoire contre le Real Madrid en Ligue des champions. Avant d’essayer de le faire venir à Madrid en 2010, José Mourinho affirme que le Brésilien est « le joueur qu’il craint le plus en Serie A » .

Le 16 décembre 2008, Tuttosport annonce la couleur en Une : « Amauri a chassé Ibra » . Justification : « Le Brésilien a démoli les regrets et la colère des tifosi de la Juve envers le Suédois. » Et quand sa Juve affronte Chelsea en huitième de finale de C1, le choc est présenté comme un duel Amauri-Drogba. Rien que ça. Pierluigi Casiraghi, sélectionneur des U21 italiens, présente : « L’Ivoirien a plus d’expérience internationale, mais Amauri a quelque chose en plus, dans le jeu aérien. De la tête, il est unique. » Dans la bouche du grand Guidolin, Amauri est même « le Drogba blanc » . Durant quelques semaines, Amauri est donc sur le ring. Mais au terme de cette saison 2008-2009, un Zlatan transformé par Mourinho finit enfin meilleur buteur d’Italie (25 buts), tandis qu’Amauri perd pied et chute, les ailes brûlées (12 buts).

Le théâtre parmesan

Mais Amauri aussi est capable de numéros extraordinaires. À l’entraînement, il fait certainement toutes les semaines des gestes de grand buteur. Des gestes à la Ibra. En commun, ils ont bien la taille, une coupe de cheveux de sombre chevalier et le goût de la différence. Mais la réalité de la compétition, là où vous êtes « seul contre le reste du monde » comme le dit Dani Alves, est différente. Le meilleur, c’est le meilleur des meilleurs, le plus fort parmi les plus forts. L’attaquant qui marque doit se défaire d’un défenseur entraîné comme un pitbull face à un gardien araignée. C’est jordanesque ! Deux épisodes, ayant eu lieu tous les deux à Parme, reflètent la différence de grandeur et les similitudes des deux héros. Acte I. Le 18 mai 2008, l’Inter se déplace à Parme pour le compte de la 38e journée de Serie A. Une ultime journée décisive dans la course au Scudetto. Le genre de match sur lequel toute une saison se joue : après, c’est le vide, l’été, les vacances, l’Euro aussi, et surtout du temps. Du temps pour se demander ce qui s’est passé, jouir des satisfactions et sangloter sur les désillusions. À Parme, Ibra est blessé. 0-0 à la 51e minute : la Roma est virtuellement championne d’Italie. Alors, Roberto Mancini fait entrer le Suédois, pour l’espoir. Onze minutes plus tard, un crochet sur Couto, une frappe dans le petit filet. 1-0. À dix minutes du terme, Ibra pense aussi à mettre au fond un centre de Maicon pour assurer le succès des siens. 2-0 et un héros qui ne s’arrêtera plus : d’autres victoires et exploits viendront, à Barcelone, à Milan et enfin à Paris.

Acte II. Six ans après cet épisode parmesan, le football allait à nouveau faire appel aux grands esprits le dimanche 19 mai 2014 pour la 38e journée de Serie A au Stadio Tardelli. Loin des projecteurs internationaux, le Parma de Donadoni joue sa qualification pour la Ligue Europa contre Livourne. Ce dimanche, Amauri n’est pas blessé, mais il est sur le banc parce qu’il n’a tout simplement jamais su gagner sa place dans le onze du Mister. Le Brésilien ressemble à un vieux boxeur à l’âme blessée. Une saison à 6 buts, quoi. Donadoni lui préfère le trident Cassano-Biabiany-Schelotto, trois anciens Intéristes. Alors, le destin le pousse une fois de plus dans ce précipice qu’est le dangereux parallèle avec Zlatan. Comme six ans plus tôt, passée la mi-temps, le score est de 0-0. À la 53e, Roberto (encore, tiens) demande à son buteur de remplacer Schelotto, autre oriundo. Neuf minutes plus tard, sur un corner tiré par Cassano à la Cassano, Amauri saute plus haut que toute la planète pour le 1-0. Puis, une deuxième fois, à dix minutes du terme – encore – Amauri s’impose dans les airs. Bardi s’interpose. Mais Amauri reprend. Un but en deux fois, en galère, à l’image d’une carrière qui aura mis du temps à trouver son chemin. Mais qui aura fini au fond des filets. Comme Zlatan, Amauri fête ce doublé comme s’il venait de sauver le monde à lui tout seul, avec cette joie unique du buteur salvateur, cette sensation chimique d’être quelque chose entre Achille et Tiger Woods. Bizarrement, pour une histoire d’égo et de chemin parcouru, Amauri se sent certainement plus que jamais Amauri à ce moment-là. Mais si l’exploit est complètement amauresque, c’est aussi parce qu’il s’avérera tout à fait inutile, puisque Parme sera privé de coupe européenne par l’UEFA pour des raisons financières.

Numéro 9 et combat de boxe

Entre 2009 et 2014, Amauri aura joué pour les couleurs de la Juve, Parme, la Fiorentina, Parme encore, et enfin le Torino. En tout, tandis qu’Ibrahimović aura marqué 119 buts, il n’aura fait que 31 célébrations. Comme à Parme, il aura parfois rappelé qu’il a eu la chance de se battre une fois les yeux dans les yeux avec Zlatan. À San Siro, il aura aussi marqué un but du talon, et il aura mis quelques bicyclettes. Mais rappeler ce combat contre Zlatan, c’est rappeler une défaite… Comme pour boucler la boucle, après treize saisons et neuf clubs en Italie, Amauri s’est engagé cet été avec le Torino. Une équipe à son image, celle d’un club à forte personnalité qui vit aux yeux de tous dans l’ombre d’un géant, intimement persuadé d’être plus grand. Malgré l’histoire, et malgré les défaites.

Quand on est si fort, et que l’on se croit encore meilleur, tomber sur encore plus fort peut s’avérer cruel. Plus généralement, dans n’importe quelle profession, qu’il est dur d’affronter ses limites. Un job qui nous file entre les doigts, un concours manqué, une fille dont le regard ne s’illumine pas. Un peu plus au nord de l’Italie, un autre buteur a préféré ne jamais en faire l’expérience, par peur de se brûler les ailes : Antonio Di Natale. Lui, il a refusé la Juve comme il aurait refusé de grimper la montagne. Silvio Baldini, son entraîneur à Empoli, l’expliquait ainsi : « Il préfère être le Saint-Père à l’Udinese qu’un bon joueur à la Juve. » Sans vouloir se plonger dans la psychologie d’Amauri, Amauri semblait s’entraîner pour battre Zlatan. Ses records à la Juve, son titre de meilleur buteur, sa réputation. Il aura même joué pour l’équipe nationale italienne pour convaincre le pays. Mais au contraire, dans sa propre quête, Zlatan a toujours répété qu’il ne pensait qu’à son propre jeu, parce qu’il était tout simplement persuadé qu’il était meilleur que tous les autres. Les numéros 9 sont des boxeurs en crampons. Et en 2009, la carrière d’Amauri avait été mise KO par un Suédois aux manières de Mohamed Ali.

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Par Markus Kaufmann

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