Entorse, expulsion et percussion
La formule et le montant de son transfert laissent évidemment beaucoup de monde sceptique de l'autre côté des Alpes. Avec les caisses exsangues des clubs italiens, 20 millions suffisent pour finir parmi les recrues les plus onéreuses du dernier mercato estival transalpin. Qui plus est, on parle là d'un joueur qui, avant d'arriver, n'avait disputé que 37 (bouts de) matchs en quatre saisons de Liga. Ce qui n'a rien de déshonorant, en soi, quand on connaît les titulaires merengues. Mais malgré son indiscutable redimensionnement, l'Italie se voile la face et conserve ce degré d'exigence clairement en décalage avec la nouvelle réalité. Morata n'arrivait donc pas en terrain conquis. Et la malchance s'y est mise. Présenté le 20 juillet à la presse, il se fait une entorse au genou le lendemain lors de l'un de ses premiers entraînements. Résultat, un mois et demi d'indisponibilité et préparation estivale loupée.
Morata fait finalement ses débuts à la mi-septembre, en partant du banc de touche. C'est progressif, une minute contre l'Udinese, quatre contre Malmö, sept contre l'Atlético Madrid. Point trop n'en faut. Suffisant toutefois pour discerner quelques bribes de son talent. Contre les Suédois, il hérite d'un ballon au milieu de terrain, part en percussion jusqu'à la limite de la surface adverse, se fait faucher et obtient le coup franc du 2-0 de Tévez. Jolie carte de visite. Son premier but arrive contre l'Atalanta suite à une énième entrée en jeu. Un rôle de joker qu'il met à profit lors du choc contre la Roma. Morata pose un tacle musclé provoquant ainsi la réaction et l'expulsion de Manolas. Mais aussi la sienne. Toutefois, le petit fait preuve de caractère, ce qui n'est pas pour déplaire dans les travées du Juventus Stadium.
Concurrence, schéma tactique et Selección
Cela sent donc la montée en puissance. Après deux mois d'apprentissage, arrivent novembre et trois buts inscrits en championnat, dont un doublé lors de la démonstration contre Parme, 7-0. Des prestations crescendo qui n'ont pas échappé à Del Bosque. Le moustachu le fait ainsi débuter dans la foulée avec la Roja. Une marque d'estime qui ne va cependant pas émouvoir plus que ça son entraîneur en club. En fait, on a beau retourner le problème dans tous les sens, Morata est de trop dans l'équipe type. Le duo d'attaquants n'a pas changé sous la houlette d'Allegri. Ce qui se comprend concernant Tévez qui marche sur l'eau depuis un an et demi. Un peu moins pour Llorente. Le Basque est un vrai diesel et a une nouvelle fois eu du mal à mettre le moteur en route. Mais une fois que ça a suffisamment chauffé, difficile de l'arrêter : 4 buts sur ses 8 derniers matchs et cette entrée salvatrice contre l'Olympiakos à la place de... Morata. Ce dernier ronge donc son frein sur le banc, pas d'entrée en jeu contre la Fiorentina (où on lui préfère Coman) et l'Atlético, alors que la physionomie des rencontres auraient laissé à penser que…
Llorente reste surtout un point d'ancrage important dans la tactique d'Allegri qui s'en sert un peu comme il utilisait Zlatan au Milan, dans le 4-3-1-2 qu'il a récemment et définitivement mis en place, mais qui est en fait un sapin de Noël à la Ancelotti. L'Espagnol devant, épaulé par Tévez, et en plus, un milieu de terrain avancé. Pas de place pour trois avants-centres. Ce sont Pereyra et Vidal qui sont associés avec l'Apache pour combiner phases offensive et défensive. Un travail pas vraiment fait pour Morata. On ne plaisante pas avec l'équilibre en Italie. Ce n'est donc pas encore gagné pour le Madrilène. Certes, rien ne presse, la saison est encore longue, mais il ne faudrait pas que cette situation bancale ne s'éternise trop longtemps. Son étrange situation contractuelle pourrait vite créer des complications de son point de vue, mais aussi de celui des dirigeants. Faut-il miser coûte que coûte sur lui ou endiguer sa progression pour éviter un retour à la Maison Blanche ? Une équation compliquée et un précédent presque similaire qu'a connu Bojan Krkić entre le Barça, le Milan et la Roma. Le voilà aujourd'hui à Stoke City.
Par Valentin Pauluzzi
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