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  • Un jour, un transfert
  • Épisode 11

Alessandro Nesta au Milan : le déchirement

Par Éric Maggiori
7 minutes
Alessandro Nesta au Milan : le déchirement

Le 31 août 2002, Alessandro Nesta est vendu à l'AC Milan par Sergio Cragnotti, le président de la Lazio. Le club romain n'avait plus d'argent, et a dû se résoudre à vendre son plus beau joyau. Au grand dam des tifosi et... du joueur lui-même, qui rêvait de faire toute sa carrière à Rome.

26 mai 2013. L’arbitre siffle la fin de la finale de Coupe d’Italie entre la Lazio et la Roma. Les Biancocelesti se sont imposés 1-0 et ont ainsi remporté le derby capitolino le plus important de l’histoire. La Curva Sud de la Roma se vide en moins de deux minutes, celle de la Lazio est prête à faire la fête tout l’été. Quelques minutes plus tard, le capitaine éternel de la Lazio, Alessandro Nesta, brandit le trophée dans le ciel de Rome, devant son meilleur ennemi de toujours, Francesco Totti. Pour Nesta, il s’agit là de l’apogée de sa carrière, et pour cause : le défenseur disputait là son dernier match, le 624e toutes compétitions confondues, avec le maillot bleu ciel, le seul et unique qu’il ait alors porté. Cet épilogue, les tifosi de la Lazio en auraient rêvé. Or, s’ils ont bien remporté cette Coupe d’Italie le 26 mai 2013, ce n’est pas Nesta qui a soulevé la Coupe, mais Stefano Mauri. Car la romance entre Alessandro Nesta et la Lazio a pris tristement fin le 31 août 2002. Retour sur un transfert qui, sur le coup, aura rarement rendu un joueur aussi triste, de son propre aveu.

Je ne sais même pas combien de familles vivaient là-dedans. Mais une seule était de la Lazio : la nôtre. Toutes les autres étaient de la Roma.

De ramasseur de balles à capitaine

Entre Alessandro Nesta et la Lazio, c’est un coup de foudre au premier regard. « Il faut savoir que toute ma famille était laziale, racontait-il à So Foot il y a quelques années. Nous vivions à Cinecittà, un quartier très populaire de Rome, dans une immense barre d’immeubles. Peut-être 500 mètres d’appartements les uns à côté des autres. Je ne sais même pas combien de familles vivaient là-dedans. Mais une seule était de la Lazio : la nôtre. Toutes les autres étaient de la Roma. Forcément, quand tu es dans ce cas, tu deviens un supporter encore plus fervent. Puis, de supporter, je suis devenu ramasseur de balles, et enfin joueur. » Pourtant, le petit Alessandro avait été repéré par Francesco Rocca, recruteur de la Roma. Mais pour son papa, hors de question que le fiston rejoigne l’ennemi. Ce sera la Lazio ou rien. Et le choix est payant : Nesta fait ses débuts en équipe première quelques jours avant de fêter ses 18 ans. Élégant, fort, beau : il ne tarde pas à devenir l’un des piliers du club tout juste racheté par Sergio Cragnotti.

L’ambitieux président achète des stars à tous les postes, mais en défense centrale, pas besoin : ce sera le gamin du cru. La suite de l’histoire est incroyable : le 29 avril 1998, c’est Nesta qui inscrit le but vainqueur en finale de Coupe d’Italie, face à l’AC Milan, mettant un terme à 24 années sans trophée pour la Lazio. « Ce soir-là, j’avais 22 ans, j’étais un vrai supporter. Après le match, je planais », confiait-il. Un déclic puisque, dans les deux années qui suivent, les Biancocelesti vont remporter le Scudetto (2000), à nouveau la Coupe (2000), la Supercoupe d’Italie (1998, 2000), la Coupe des coupes (1999) et la Supercoupe d’Europe (1999). Chaque trophée, c’est Nesta qui le brandit, brassard de capitaine autour du biceps. Il est enfin la bandiera dont les tifosi avaient rêvé. La rivalité avec Totti, capitaine de la Roma et lui aussi né à Rome, rend l’histoire encore plus belle. L’un est défenseur, l’autre attaquant, les deux sont des enfants de la Ville Éternelle, et leur rivalité semble partie pour durer jusqu’à la fin de leur carrière.

Je suis à San Siro, et là, je vois Crespo avec le maillot de l’Inter, alors que le matin même, on faisait ensemble un toro avec le maillot de la Lazio ! Il me dit : « Ils m’ont vendu moi aussi. » Je me suis demandé s’il restait quelqu’un à la Lazio. C’était un vrai bordel, le club n’avait plus d’argent.

À Rome le matin, à Milan le soir

Oui, mais voilà, tout ne s’est pas vraiment passé comme prévu. À force de dépenser des millions et des millions, le président Cragnotti se retrouve dans le rouge. Dès l’été 2001, il se voit obligé de vendre ses pépites pour sauver le club d’une faillite qui se profile. Pavel Nedvěd et Juan Sebastián Verón sont les deux premiers à en faire les frais : le Tchèque et l’Argentin sont respectivement envoyés à la Juve et à Manchester United. La saison 2001-2002 est néanmoins très compliquée pour la Lazio avec, entre autres, cette cinglante défaite 1-5 lors du derby, probablement le pire match de la carrière de Nesta, remplacé à la mi-temps. À la fin de saison, les Laziali accrochent in extremis la sixième place, mais les comptes sont plus que jamais dans le rouge. Pour survivre, il faut vendre. Pendant tout l’été, des rumeurs envoient Nesta un peu partout. À la Juve, à l’Inter, au Milan, au Real Madrid, à Manchester United. Les jours passent, et le capitaine est pourtant toujours là. Mais le dernier jour du mercato, le 31 août 2002, tout bascule. Sergio Cragnotti décide de le vendre à l’AC Milan pour 31 millions d’euros, tandis que Hernán Crespo signe à l’Inter pour 36 millions. Un coup double que Nesta nous avait lui-même raconté, avec une émotion toujours palpable dans la voix.

« C’était irréel, se souvenait-il. J’étais tranquillement en train de faire un toro à Formello (le centre d’entraînement de la Lazio, NDLR) avec mes coéquipiers. Là, le fils de Cragnotti débarque, et me dit :« Ale’, tu vas aller à l’AC Milan. »Je le regarde, je rigole et je lui réponds :« Comment ça ? Moi ? Ah non, pas du tout. »Sauf que ce n’était pas une blague. Ils m’avaient vraiment vendu au Milan… » Le joueur a à peine le temps de saluer ses coéquipiers qu’il doit déjà faire ses bagages et se rendre à Milan. Il est attendu pour la présentation officielle à San Siro, à l’occasion d’un match amical de charité entre l’Inter et le Milan. « Quelques heures plus tard, je me retrouve propulsé à San Siro, pour la présentation officielle. Je suis sur la pelouse, je me tourne, et là, je vois Crespo avec le maillot de l’Inter, alors que le matin même, on faisait ensemble un toro avec le maillot de la Lazio ! Il me dit :« Ils m’ont vendu moi aussi. »Je me suis demandé s’il restait quelqu’un à la Lazio. C’était un vrai bordel, le club n’avait plus d’argent. »

L’AC Milan venait de dépenser plus de 30 millions pour moi, et moi, j’étais triste. Galliani l’a remarqué, il est venu me voir juste avant le début de l’interview et m’a fait comprendre qu’il valait mieux que je souris un peu, au moins devant les caméras.

De l’amour et des bouteilles sur la tronche

La scène la plus cocasse a lieu juste après la rencontre. Les journalistes veulent recueillir ses premières impressions en tant que rossonero, sauf que le joueur est encore sous le choc de son départ. « C’était dramatique… Après le match de charité, j’ai dû faire une interview en direct pour la TV italienne. L’AC Milan venait de dépenser plus de 30 millions pour moi, et moi, j’étais triste. Galliani l’a remarqué, il est venu me voir juste avant le début de l’interview et m’a fait comprendre qu’il valait mieux que je sourie un peu, au moins devant les caméras… Mais les premiers jours, cela a été vraiment difficile. » D’autant que les tifosi de la Lazio ont du mal à comprendre ce départ, eux qui pensaient que leur capitaine terminerait sa carrière à la Lazio. À peine un mois plus tard, le 28 septembre, Nesta fait son retour à Rome pour un Lazio-Milan. Lui qui s’attendait à recevoir l’amour de ses tifosi va finalement recevoir un message plutôt sec sur une banderole ( « 18 ans de Lazio : tu as beaucoup donné, tu as beaucoup reçu, et pourtant, de ta part, aucun au revoir. Nous le faisons à ta place : ciaooo » ), des sifflets et… des bouteilles sur la tronche. « Tout le monde disait que c’était moi qui avais voulu aller à Milan, alors que la vérité, c’est que j’ai été forcé d’y aller, assurait-il. C’était évident que la Lazio était en train de faire faillite, les gens le savaient. Alors pourquoi ils m’en voulaient ? Ils auraient pu en vouloir au président, mais pas à moi. »

Le temps et les innombrables succès avec le club milanais panseront évidemment les plaies. Avec Milan, Nesta remportera deux Scudetti (2004, 2011), une Coupe (2003), deux Supercoupes (2004, 2011) et surtout deux Ligues des champions (2003, 2007), en plus de deux Supercoupes d’Europe (2003, 2007) et d’un Mondial des clubs (2007). « Maintenant que ma carrière est finie, je peux dire que signer au Milan a évidemment été la chance de ma vie, rembobinait-il. Mais quand vous devez quitter d’un coup votre ville, votre famille, et votre club de cœur, vous avez du mal à prendre un tel recul. »

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Par Éric Maggiori

Propos d'Alessandro Nesta recueillis par EM, pour une interview à So Foot.

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