Récit d'un récital
Pour réciter sa partition à la (quasi-)perfection, il faut une entrée en matière tonitruante. Alors que le brouillard des fumigènes se dissipait à peine, c’est devant un Juan Bernat lancé dans la surface que Lafont a brillé. Puis c’est Leo Messi qui a buté sur lui. Puis Kylian Mbappé. Puis Idrissa Gueye sur un nouveau face-à-face. La demi-heure de jeu n’est pas encore passée, Neymar n’a pas encore tenté sa chance et va à son tour déchanter une première fois face au dernier rempart nantais. En seconde période, le Brésilien trouvera la clef pour tromper la vigilance du jusque-là invincible Lafont avant d’être ridiculisé sur penalty par le joueur formé au TFC.Au-delà d’un manque de réalisme évident des Parisiens, il faut surtout pointer du doigt la performance du gardien français qui a forcément affecté cette méforme offensive du leader. En seconde période, Mbappé a par exemple tenté à plusieurs reprises de le dribbler plutôt que de tirer en première intention et c’est loin d’être anodin. Plus que ses arrêts, Lafont a aussi été impeccable dans sa lecture du jeu et son placement : c’est sa sortie qui pousse Mbappé à ne pas cadrer en position idéale face au but à 73e minute de jeu, et une autre qui empêche Messi de filer au but sur une magnifique ouverture. Au total, Alban Lafont a réalisé neuf arrêts face à Paris, avec en prime l’honneur d’avoir stoppé trois des quatre derniers penaltys arrêtés dans le championnat de France. Une performance monstrueuse, dans la lignée de ce que l'ancien Toulousain propose depuis la fin de saison dernière, logiquement saluée en conférence de presse après la rencontre par Antoine Kombouaré : « Tout le monde est très fort, mais Alban particulièrement. (...) Il est en train de monter en puissance depuis la fin de saison dernière. Il fait de très, très grands matchs, et si on a ce classement aujourd’hui et qu’on est très forts défensivement, il y a une grande part de son travail qui est à mettre en avant. »

Pourquoi pas les Bleus ?
Dans les travées de la Beaujoire, Lafont la jouait pourtant modeste devant la pluie d’éloges qui s’abattait sur lui : « Je le vis comme un match de championnat : c’est le PSG, c’est plus médiatisé, mais à la fin, il n’y a que trois points à la clef. Chaque match, j’essaye de donner le max, et aujourd’hui ça s’est bien passé. » Mais encore ? « Oui, c’est l’un de mes meilleurs matchs depuis que j’ai commencé en pro. (...) Tant que mes parents sont contents de moi et que le coach aussi, moi ça me va je suis content. » Pas une once de vantardise ou d’enflammade à l’horizon. Et pour cause : Alban Lafont n’est qu’au début de sa carrière, mais a déjà une sacré expérience au compteur.Depuis ses premiers pas au TFC en 2015 à 16 ans et 10 mois, dans la peau du plus jeune gardien titulaire en L1 de l’histoire, il a connu les louanges, l’Italie et la Fiorentina où son explosion n’a pas eu lieu, avant de revenir à Nantes et de bosser en silence jusqu’à ces mois heureux. À moins d’un an de la Coupe du monde au Qatar, derrière Hugo Lloris et Mike Maignan, une place est à prendre et l’homme qui a gardé les cages des U16 français aux Espoirs pourrait avoir des rêves de Golfe. En attendant, Lafont pose les bases d’un futur proche brillant qui lui était déjà promis dans l’ancien monde : « C’est le top, c’est magnifique on est contents, mais il faut rester humble. » Indice : ce sont entre ces mots murmurés que se cache la clef du succès.
Par Andrea Chazy, avec Jérémie Baron à La Beaujoire
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