Il y a quelques semaines, Marly Gomont est revenu sous les feux des projecteurs. Non pas que Kamini a ressorti un nouveau rap de province, mais plutôt que le club du village, classé en championnat amateur senior en 2e division de district de l’Aisne, s’est ramassé un 20-0 contre Tupigny en jouant avec un gardien de 61 ans qui avait lui-même remplacé le premier dernier rempart, parti pour un vêlage… En ce jour des 35 ans de Kamini, alors que l’ASMG vient d’en prendre 13 contre le FC Vaux Andigny, retour avec Alain Braghieri, le président, sur le fonctionnement de cette formation de village qui fait évoluer des gamins avec – presque – leurs grands-pères et sur le véritable contexte de ce match fou contre Tupigny.
Comment vous êtes-vous retrouvé président de l’AS Marly-Gomont ?
Je suis arrivé il y a 27 ans parce que je viens du Sud-Est de la France. Je suis arrivé à Marly-Gomont suite à une mutation pour La Poste.
C’est un peu le même parcours que dans les Ch’tis, ça…
C’est le même parcours ! La seule différence, c’est que moi, ça n’était pas par mesure disciplinaire. Sinon, il y a la même ambiance, je me suis beaucoup retrouvé dans le film.
Vous avez joué pour Marly-Gomont ?
J’ai eu une carrière de footballeur moyenne qui m’a amené finalement ici à l’âge de 30 ans. J’ai enchaîné en tant qu’entraîneur des jeunes, puis de l’équipe première avant de me retrouver président quand mon prédécesseur a lâché la main, ça va faire presque 20 ans.
Quelle est la relation entre le club de foot de Marly-Gomont et ses habitants ?
Pendant un moment, dans les 70-80, il n’y avait que le football comme activité. Après, depuis Internet, les Play Station… il y a un peu moins de relationnel. Il y a moins d’intérêt pour le foot de la part des jeunes. Déjà, ils n’ont pas la même mentalité, ils n’ont pas le même goût de l’effort qu’on avait à l’époque, ils n’ont pas les mêmes dispositions psychologiques, et puis maintenant il y a aussi le tennis et le basket à Marly-Gomont.
Quel est l’objectif d’un club comme le vôtre : jouer uniquement avec les gars de la région ou tenter d’aller le plus haut, quitte à payer des salaires à des joueurs d’ailleurs ?
Ho non, nous, ce qu’on veut, c’est des gens locaux. On est un club avec des moyens, on a des maillots, des ballons, tous les équipements qu’il faut, mais pas assez de joueurs. On veut les récupérer localement. Concernant les salaires, moi, j’aurais pu connaître cela quand j’étais joueur, mais je n’ai pas voulu l’instaurer ici. Il faut qu’on permette à nos jeunes de se refaire plaisir en jouant au foot, donc la prime de match est à zéro, ce qui permet de la doubler ou la tripler plus facilement à la fin des rencontres.
Est-ce que Kamini a fait changer les choses à Marly-Gomont ?
Non, pas au niveau du village même ou des environs. Par contre, maintenant, le village est connu mondialement, j’en suis content parce qu’il n’y a pas beaucoup de façons de faire parler de nous, et là on en profite pour parler de nos pilules au second degré, même s’il faut remettre dans le bon contexte ce qui se passe pour le moment.
Et justement, quel est ce contexte ?
Il faut savoir qu’il y a trois ans, on a fait le ménage au club. On s’est tiré une balle dans le pied, mais on a pris la décision de ne pas renouveler des joueurs qui n’étaient pas sérieux. Certains ne s’entraînaient pas du tout, il n’y avait plus de respect vis-à-vis des dirigeants et de l’arbitrage, il y avait des problèmes de drogue et d’alcool – oui, à la campagne, ça arrive aussi –, et donc nous avons laissé neuf joueurs libres pour la saison d’après. Le problème, c’est qu’il y en a sept autres qui ont suivi parce qu’ils avaient peur que le niveau soit trop faible… C’est donc l’équipe des vétérans qui a joué aux pompiers pendant deux ans avec une moyenne d’âge de 48 ans tous les dimanches.
Et puis au terme de ces deux saisons ?
En juin, on n’était pas sûrs de repartir, on avait trop d’anciens… Puis on a eu un coup de chance et quatre jeunes de 16 ans sont arrivés ! On s’est donc relancé sur de nouvelles bases en faisant le lien entre les jeunes et les anciens, qui ont jusqu’à 61 ans.
On aurait aussi pu marquer des buts, hein, mais on a été maladroits.
Après six défaites de suite, vous partez affronter Tupigny le dimanche 9 novembre pour un match qui va rester dans les annales…
C’était un match tout à fait normal, au départ. Mais ce dimanche-là, on avait 14 absents pour maladie, blessure, repas de famille… donc on n’est parti qu’à douze. En plus, le copain, qui est aussi l’entraîneur, était blessé, donc il s’est mis dans les buts. Comme il est agriculteur, il nous avait prévenus qu’il pouvait être appelé si les vêlages ne se passaient pas bien chez lui, mais normalement, ça ne devait pas arriver. Pour finir, moi, j’ai joué arrière latéral. À 61 ans…
Le décor est planté. Comment ça se passe à partir du coup d’envoi ?
Au bout de 25 minutes, on est menés 5-0, classique dans ce genre de match. Mais à ce moment-là, je sors : je devais tenir le meilleur attaquant adverse, donc si c’est pour voir uniquement son numéro et sa tête passer, ça ne sert à rien. En rentrant au vestiaire, j’entends un GSM sonner, et ça fait tilt. Après avoir demandé au copain agriculteur où était son portable, je vois qu’il a cinq appels en absence. Comme on connaissait bien l’arbitre, je lui demande d’arrêter le match, le gardien appelle et apprend qu’il doit rentrer chez lui, à 30 minutes de là, car un vêlage se passe mal et une vache risque de perdre son veau. Alors le copain me donne le maillot et les gants, et me voilà au goal pour la première fois.
Un baptême qui s’est plutôt mal passé, d’ailleurs…
Pourtant, sur la première action, longue balle, j’arrive et, comme si j’avais 20 ans, je tacle l’avant-centre et je renvoie le ballon, tout le monde est content. Sauf qu’après, ouais, là, ça a été la déconfiture. À la mi-temps, les jeunes de 16 ans se sont excusés, mais les anciens les ont remotivés, avant que je lâche la phrase qui tue tout le monde : « Les gars, on est dans la même galère, on a tous des rames, et on va tous ramer ensemble ! » Bon, on en a repris 10 en seconde période, mais on aurait aussi pu marquer des buts hein. L’autre équipe a même changé son gardien pour qu’on puisse en mettre un, mais on a été maladroits. On pourrait en faire un film de ce match. Je crois même que je vais envoyer le scénario à Dany Boon, on ne sait jamais…
À la fin du match, qu’est-ce qu’on dit dans ces cas-là ?
J’ai dit aux jeunes « Quand on voit des résumés sur Canal, vous voyez des joueurs qui touchent tout le temps le ballon. Ben nous, chaque fois qu’on a fait un engagement, le premier a donné le ballon au second et ainsi de suite jusqu’au cinquième qui le perdait, ça fait six joueurs qui ont touché au moins 20 fois le cuir. » Il faut positiver autrement.
Comment fait-on pour garder tous les joueurs motivés au fil des matchs ?
On organise plusieurs trucs. Par exemple, chacun a son maillot personnalisé avec devant la pancarte du village « Marly-Gomont » , et derrière le surnom et le numéro au choix. Puis on fait une soirée moules-frites, une vente de calendrier. Bon, pour le moment on est que deux à les vendre, mais j’espère qu’on va récupérer un peu de monde.
Quel est l’objectif que vous vous êtes fixé avec les joueurs pour la fin de saison ?
On est toujours dernier au classement et ça ne changera pas à mon avis, sauf s’il y a une cascade de forfaits généralisés. On avait deux objectifs en début de saison : marquer au moins un but, c’est fait, et gagner au moins un match. Mais pour revenir au foot en lui-même, on ne fait pas comme certaines autres équipes qui arrêtent de jouer à 3 ou 4-0. Non, nous, on veut s’amuser, jouer au foot, peu importe qu’on en prenne 8 ou 20. On a un gars qui fait 80 kilomètres pour jouer avec nous, donc si on commence à arrêter nos matchs à la 40e minute, il aura passé plus de temps dans sa voiture que sur le terrain, et c’est pas la douche après le match qui va arranger ça (rires).
Bon, évidemment, après ça, impossible de se passer de Marly-Gomont
L’Atalanta conserve la bonne Dea