- Éliminatoires Euro 2016
- Groupe A
- Turquie/Kazakhstan (3-1)
Affaire Volkan : la Turquie au bord de l’éruption
Dimanche soir, le portier turc, Volkan Demirel, a quitté le stade avant le match contre le Kazakhstan, remporté par la Turquie 3-1. Une affaire qui révèle le malaise qui règne au sein du football turc.
Ce devait être un match sans histoire contre la modeste équipe du Kazakhstan. L’occasion de se refaire une santé après la déroute contre un Brésil convalescent, 4-0 à domicile, la semaine dernière. Mais le départ précipité du gardien de but turc, Volkan Demirel, avant le début du match, a mis en lumière la crise interne que traverse l’équipe nationale et rappelé la rivalité tenace qui oppose les clubs stambouliotes. Alors qu’il s’échauffait sur la pelouse de la Türk Telekom Arena, le stade de Galatasaray, le portier turc, qui joue en club pour le Fenerbahçe, est la cible de quolibets. Dans un premier temps, Volkan Demirel, dont le nom signifie en turc « main de fer » , décide de la jouer gant de velours en demandant au public de le laisser en paix. Puis, après un échange avec un supporter qui semble le narguer en levant le pouce, Volkan fait volte-face, retire ses gants et quitte le terrain.
En Turquie, Volkan Demirel est connu pour ses coups de sang, mais ce geste désarçonne tout le monde. Le sentiment de crise est aggravé par les images spectaculaires de journalistes passés à tabac par les responsables de la sécurité du stade au moment où Volkan Demirel quitte le stade en voiture.
L’évènement fait la une en Turquie. Un commentateur turc célèbre s’emporte contre le gardien de but, qu’il qualifie de « chacal » , une insulte infamante en Turquie, plus qu’en France. Le supporter au pouce levé est même retrouvé et interrogé par la télévision. Il assure qu’il n’a pas insulté le portier turc : « Ce sont les supporters de Galatasaray qui l’ont injurié. Moi, je lui ai juste dit : « Tu es un joueur professionnel, occupe-toi du jeu ». »
Barbe et coup de genou
Volkan est souvent la cible des supporters de Galatasaray. Lui-même s’est trouvé à de nombreuses reprises en première ligne de la rivalité entre son club, le Fenerbahçe, et les « Lions » . En Turquie, tout le monde a en mémoire le coup de genou porté en 2008 à l’entre-jambes de Cassio Lincoln, qui jouait alors à Galatasaray. Le tout sous le regard de l’arbitre. Il avait fallu l’intervention d’une dizaine de stadiers et de joueurs des deux équipes pour retenir le fauve. Plus récemment, lors de la finale de la Supercoupe, Volkan bondit sans raison apparente sur Felipe Melo qui vient de rater son penalty pour Galatasaray.
Le gardien de but entretient son image d’homme au sang chaud, qui doit autant à ses châtaignes généreusement distribuées qu’à une pilosité sauvage. Sa barbe fournie lui a d’ailleurs valu d’être apostrophé, le week-end dernier, par le président du club ankariote de Gençlerbirliği, Ilhan Cavcav, qui a décidé d’interdire la barbe à ses propres joueurs. « Alors quoi, on est dans un lycée religieux ? » , s’est-il emporté, citant quelques « mauvais exemples pour la jeunesse » . Parmi lesquels Volkan, qui s’est également forgé une solide réputation de gaffeur. L’année dernière, lors d’une conférence de presse retransmise en direct, il décrit en ces termes un tir de l’attaquant d’Eskişehirspor Umit Karan (ex-Galatasaray), déclenchant l’hilarité des journalistes : « Sa frappe a rebondi contre le poteau, puis m’a frappé le cul. »
Adultère et revolver
Outre la personnalité du gardien, l’ « affaire Volkan » exprime surtout un profond malaise au sein de l’équipe nationale turque. L’entraîneur, Fatih Terim, s’est contenté de déclarer : « Nous allons discuter ensemble de ce qui s’est passé » . Mais cette crise est un nouveau coup dur porté à l’autorité de « l’Empereur Terim » . Avant le match contre le Kazakhstan, la Turquie pointait à la dernière place du groupe A. Elle est aujourd’hui quatrième. Surtout, une affaire rocambolesque de menace de mort sur fond de rivalité amoureuse a refait surface lors du dernier match contre le Brésil. Comme le rappelle le journal britannique The Guardian, un supporter brandissait le maillot de Hakan Çalhanoğlu, le talentueux milieu de terrain qui évolue au Bayer Leverkusen. Celui-ci, de même que son coéquipier Ömer Toprak, n’a pas été sélectionné depuis le mois de mai 2013, malgré un niveau de performance élevé, poussant les observateurs à s’interroger.
Dans une interview à la chaîne allemande ZDF, Hakan Çalhanoğlu raconte qu’après un match contre les Pays-Bas, en mai 2013, Ömer Toprak et lui ont été victimes d’une intimidation à main armée. Gökhan Töre, qui évolue au Beşiktaş, se serait introduit dans leur chambre d’hôtel avec un comparse armé d’un revolver. Ce dernier les aurait tabassés et menacés de mort. Gökhan Töre reprochait à un ami d’Ömer Toprak d’avoir eu des relations sexuelles avec son ex-petite amie à lui… Comme quoi, le volcan de la sélection turque n’a pas forcément attendu le coup d’humeur de son gardien pour entrer en éruption.
Par Gokan Gunes, à Istanbul (Turquie)