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Affaire Noël Le Graët : de quelle Fédération française de football avons-nous besoin ?

Par Nicolas Kssis-Martov
4 minutes
Affaire Noël Le Graët : de quelle Fédération française de football avons-nous besoin ?

L'énième déclaration scandaleuse de Noël Le Graët provoque une vague de condamnation inhabituelle. Des voix de plus en plus nombreuses demandent, de tous horizons, sa démission. La véritable question ne serait-elle pas plutôt de savoir de quelle FFF le foot français et la France ont-ils besoin en 2023 ?

Dimanche soir, Noël Le Graët a peut-être franchi une ligne rouge en s’attaquant à la « légende » Zidane. Il a depuis vaguement fait machine arrière : « Ces propos maladroits ont créé un malentendu. Je tiens à présenter mes excuses personnelles pour ces propos qui ne reflètent absolument pas ma pensée, ni ma considération pour le joueur qu’il était et l’entraîneur qu’il est devenu. » Toutefois, l’ampleur des réactions et des critiques qui s’abattent sur lui, dans une parfaite unanimité, ont fragilisé sa position comme jamais en quatre mandats. Il aura donc été nécessaire qu’il égratigne le héros national que demeure Zinédine Zidane, avec le dédain qui le caractérise depuis sa réélection en mars 2021, à 79 ans… Son profil de dirigeant soviétique, son acharnement à demeurer au pouvoir (il aspire désormais à prolonger son siège au sein de la FIFA pour les quatre prochaines années), son sentiment d’impunité qui l’amène à déclarer sans honte son mépris pour Amélie Oudéa-Castéra, la ministre des Sports, dont il devrait pourtant savoir qu’elle est un proche du président de la République… Autant d’éléments qui auraient dû le conduire depuis longtemps vers la sortie, en temps normal ou sous d’autres cieux. Mais aucune dissidence ne s’est fait entendre au sein du petit monde du football, ni de véritable pression de la part du gouvernement, jusqu’au lancement récent d’un précautionneux audit à la suite des révélations dans la presse concernant des problèmes de management et des soupçons de harcèlements sexuels. De fait, ces derniers temps, Kylian Mbappé a presque occupé le rôle d’opposant numéro 1, par exemple en le contraignant à plier sur les droits à l’image des Bleus ou encore dimanche avec un tweet assassin, consulté plus de 70 millions de fois…

On aurait aimé que l’indignation qui s’empare actuellement du pays et notamment de ses responsables (politiques ou sportifs) s’exprime plus tôt, que ce soit devant ses saillies sexistes sur les Bleues, son mépris envers le sort des travailleurs migrants au Qatar ou encore sa « certitude » que le racisme n’existe pas dans le foot. Enfin le plan social de licenciement adopté en pleine crise du Covid, au sein même de la fédération la plus riche (avec des réserves importantes), aurait normalement suffi à s’interroger sur les méthodes du dirigeant. Impossible donc de comprendre pareille longévité sans prendre en compte la complicité de l’ensemble des notables de la FFF, Comité exécutif et Assemblée générale, qui ne regardaient que les bons résultats financiers (900 000 euros de bénéfices pour le nouveau budget) et les succès des Bleus (son sort était évidemment lié et réciproquement à celui de Didier Deschamps). Arrivé en sauveur après Knysna, il a vécu sur ce capital du « retour à l’ordre » et des poches pleines. Du côté de l’État, celui qui fut un soutien du Parti socialiste, en faveur de la candidature de François Hollande à la présidentielle et qui se targuait de sa proximité avec Emmanuel Macron, se sentait couvert.

Une instance à rebâtir

Certes, ce type de crise ne se retrouve pas que dans le foot. Le rugby offre un spectacle aussi pitoyable : le CNOSF tangue, et Brigitte Henriques est fragilisée. Toutefois, la FFF attire forcément les regards. Les envolées de Noël Le Graët n’en forment que l’écume. Comment éviter alors que son successeur ou sa successeuse ne tombent dans les mêmes travers, tout comme Infantino prit la suite de Sepp Blatter. De fait, il s’imposerait surtout de repenser et rétablir le fonctionnement interne de la FFF, autrement qu’en pointant, parfois à raison, Madame Hardouin, fusible bien opportun. Des pistes existent : instaurer de véritables organes de contrôle en interne d’une véritable vie démocratique – où le président ne choisit pas son dauphin en discutant avec le sélectionneur national qu’il désigne seul par ailleurs -, une meilleure représentation des besoins du foot amateur au-delà du saupoudrage des aides, ainsi que préciser le rapport à l’État qui a officiellement légèrement évolué avec la dernière loi. Le foot tricolore et même la France, eu égard au poids du ballon rond dans notre pays, a besoin d’une fédération à la hauteur des enjeux de société actuel : transparence, racisme – et s’en prendre à un symbole comme Zidane dans le contexte actuel laissera des traces -, égalité homme/femme, lutte contre les discriminations, maintien du lien social, bénévolat, etc. La FFF a besoin d’un De Gaulle, nous avons un René Coty.

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Par Nicolas Kssis-Martov

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