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Adriano Valerio : « Le foot, c’est un prétexte pour partager  »

Tous propos recueillis par Christophe Gleizes
Adriano Valerio : « Le foot, c’est un prétexte pour partager  »

Adriano Valerio présente aujourd'hui à la Mostra de Venise Les Aigles de Carthage, son court-métrage qui revient sur le sacre épique de la Tunisie à la Coupe d'Afrique des nations 2004. Le réalisateur italien donne la parole à des locaux qui se souviennent, quinze ans plus tard, d'une journée qui a profondément marqué l'histoire du pays.

Il paraît que tu es un grand tifoso de l’Inter… Comment vas-tu depuis la défaite en finale de C3 ? Mal, très mal. Il va me falloir plusieurs semaines pour retrouver le sourire. On a bien joué par séquences, mais on est tombés sur une équipe plus expérimentée, qui maîtrise la dramaturgie des finales. C’est dur à avaler.

Qu’est-ce qui vous a manqué selon toi ? Peut-être une petite touche de folie et d’inventivité. L’Inter, c’est une équipe très carrée, presque mathématique. On manque de poésie. Eriksen, c’est le seul artiste qu’on ait dans l’équipe, et il ne joue pas. En revanche, on est très pragmatiques, très efficaces, que ce soit en défense, en attaque ou pendant les phases de transition. On occupe très bien l’espace.

En matière de foot, j’adore me poser des questions tactiques : comment faut-il occuper le terrain pour arriver à déstabiliser l’adversaire ? C’est ma petite obsession.

Une qualité qui doit forcément plaire au cinéaste que tu es…Effectivement ! L’occupation de l’espace, c’est le seul point commun que j’arrive à trouver à mes deux passions. En matière de foot, j’adore me poser des questions tactiques : comment faut-il occuper le terrain pour arriver à déstabiliser l’adversaire ? C’est ma petite obsession. Et souvent j’ai la même obsession quand je suis derrière la caméra. Comment est-ce que je vais cadrer ? À la base, le plus important, c’est l’émotion que tu veux donner. Il faut trouver comment la raconter par le biais du décor et des personnages dans un cadre, un espace cinématographique.

Globalement, quel bilan dresses-tu de cette saison ? Cette année, le plus dur à assumer, c’est qu’un ancien capitaine de la Juve soit devenu l’entraîneur de l’Inter… Mais bon, cela ne m’a pas empêché de prendre mon pied. La quantité de plaisir que je ressens chaque dimanche soir quand l’Inter gagne, semaine après semaine, c’est juste dingue. Avec le foot, je vis quelque chose d’infantile et de passionnel, qui me fait perdre la tête. Quand je parle de cinéma, je suis réfléchi, je parle doucement, mais quand je parle de foot, je m’enflamme à chaque fois.

On vit dans une époque où on a de moins en moins de rituels, de rites, d’évènements sacrés. Alors le fait d’avoir, une fois par semaine, 90 minutes où tu t’assois devant la télé, pour moi, c’est une bénédiction.

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce sport ? Le plaisir partagé. On vit dans une époque où on a de moins en moins de rituels, de rites, d’évènements sacrés. Alors le fait d’avoir, une fois par semaine, 90 minutes où tu t’assois devant la télé, pour moi, c’est une bénédiction. C’est quelque chose de vraiment essentiel. Bien sûr, pour tous ceux qui ne font pas partie de la secte des amoureux du football, ça peut paraître très bête. Moi, j’ai perdu mon père quand j’étais jeune, mais il m’a transmis cette passion. Et maintenant, j’essaie de la transmettre à mon fils. Il est encore petit, mais je rêve du jour où je pourrai l’amener voir un Fiorentina-Inter, l’amener manger dans la meilleure trattoria de Florence, aller voir le match ensemble puis revenir à la maison… Le foot, c’est avant tout un prétexte pour partager.

Cette question de la transmission, on la retrouve dans Les Aigles de Carthage, le court-métrage sur le football que tu présentes aujourd’hui à la Mostra de Venise. Effectivement, il y a dans ce film un personnage qui vit une relation très similaire à celle que j’avais avec mon père dans son rapport au foot. C’est un jeune homme qui n’était pas né en 2004, quand la Tunisie a enfin remporté la Coupe d’Afrique des nations, mais il raconte la finale contre le Maroc comme s’il l’avait vécue au stade, à travers tout ce que lui a raconté son père. Je pense que c’est un des meilleurs passages du film. En tout cas, c’est l’un des plus émouvants.


Quel souvenir ton père t’a-t-il transmis ? La passion de l’Inter, tout simplement. Son joueur préféré, c’était Mariolino Corso… Un génie qui a gagné deux Ligue des champions dans les années 1960. Apparemment, c’était un joueur très paresseux, qui préférait toujours rester du côté ombragé du terrain. (Rires.) Il n’aimait pas courir, mais il avait un pied gauche béni, qui le rendait absolument intenable dans les bons jours.

Si tu devais réaliser un film sur un joueur, lequel choisirais-tu ? C’est difficile de répondre à cette question, il y en a tellement… Mais ce qui est sûr, c’est que je prendrais un joueur atypique. Sans doute Cantona… Ou peut-être Gigi Meroni, le George Best italien. C’était l’ancien ailier gauche du Torino. Je ne suis pas sûr qu’il soit très connu en France, mais son histoire est formidable. C’était un parfait anarchiste, le genre de mec qui n’aimait pas marquer sur penalty, car il trouvait que c’était trop simple. À un moment, il devait signer à la Juve, mais on lui a demandé de couper ses cheveux, alors il a dit non… Il était toujours habillé comme un dandy et apparemment il se promenait dans les rues de Turin en tenant un poulet en laisse. Bref, c’était un véritable artiste, sur et en dehors du terrain.

On a hâte de voir ça ! Pourtant, il faut bien l’avouer, les films sur le football sont rarement des réussites. C’est vrai, ce sont deux univers qui ont souvent du mal à communiquer, parce que les sports d’équipe sont très dynamiques et difficiles à filmer. Pendant le confinement, j’ai regardé sur Netflix le documentaire sur Sunderland, j’ai trouvé ça très bien. Mais en matière de fictions, c’est plus compliqué… (Il réfléchit) Il y a très longtemps, j’ai vu The Damned United et je n’en ai pas gardé un mauvais souvenir… J’ai aussi aimé Fever Pitch (Carton Jaune en VF, N.D.L.R.). Ce n’est pas un film sur le foot en tant que tel, mais cela suit la vie d’un supporter d’Arsenal. À un moment donné, la femme qu’il courtise lui sort une phrase exceptionnelle : « Mais c’est juste un match de foot ! » Et le mec répond : « Tu ne comprends rien. » Sinon, récemment, j’ai apprécié L’Uomo in più de Paolo Sorrentino. Cela parle d’un gars qui se fait les ligaments croisés et qui décide de devenir entraîneur. Chacun des films que je viens de citer montre des facettes très intéressantes du foot, mais c’est vrai qu’il n’y a pas de film absolu sur ce sport. Cela viendra peut-être bientôt.

J’ai eu envie d’essayer de raconter cette finale historique au travers d’un kaléidoscope de personnages qui se souviennent de ce match épique quinze ans plus tard.

Ton court-métrage a le mérite de proposer un angle novateur pour (re)vivre un match : celui de la multiplication des regards. Oui ! Je suis parti de l’idée qu’un point de vue ne suffit pas à donner l’ampleur d’un match. Du coup, j’ai eu envie d’essayer de raconter cette finale historique au travers d’un kaléidoscope de personnages qui se souviennent de ce match épique quinze ans plus tard. C’est d’abord un film sur la passion. Mais c’est aussi un film sur la politique, le sport et la mémoire. Il y a Karim Haggui, un joueur des Aigles, dans le stade olympique de Radès. Il décrit les actions au milieu des tribunes vides : « J’étais là et je l’ai crocheté »… Il y a un jeune immigré tunisien en France, qui regarde le match à Marseille avec ses potes, et qui parle du sentiment d’appartenance. Il y a aussi une fille dont le père a tiré à la carabine au moment du premier but, un groupe de rappeurs rebelles et un anthropologue un peu intello… Puis vient le tour du jeune garçon qui n’était pas encore né. On comprend que la mémoire de ce match, c’est ce qui le relie à la mémoire de son père…


On a donc de multiples dimensions sur le même évènement… L’idée, c’était de faire un portrait de cette victoire qui soit à la fois sportif – pour moi, c’était primordial de garder la tension du score pour maintenir la dramaturgie, un peu comme dans un thriller – mais aussi sociologique et politique. Parce que le foot, ce n’est jamais que du foot. De nombreux historiens pensent que cette victoire a été décisive dans l’histoire du pays. Après tant de défaites, le fait pour les Tunisiens de se rassembler et de fêter ensemble la victoire autour du drapeau leur a fait comprendre une chose : on est plus forts lorsqu’on est unis. Cette victoire a été un déclic qui leur a permis de se découvrir un pouvoir en tant que peuple et d’entamer leur long parcours vers la révolution et les printemps arabes de 2011.

Moi, j’ai vraiment apprécié de pouvoir filmer de manière instinctive, j’ai profité de cette liberté. J’ai débarqué à Tunis et je me suis laissé guider par les gens que j’ai rencontré. C’est ce qui fait l’authenticité du film, à mon avis.

Quel est le point fort du film selon toi ? Il y a beaucoup de vérités, beaucoup de sentiments. Je suis arrivé, par le biais du football, à me rapprocher de mes personnages. Ils se livrent de manière très généreuse devant la caméra. Parfois, faire des films, cela demande une longue recherche de financement parce qu’on tourne avec des fonds très importants. Mais à force de devoir rendre des comptes à la production, on oublie trop souvent le côté instinctif de la fabrication d’un film. Moi, j’ai vraiment apprécié de pouvoir filmer de manière instinctive, j’ai profité de cette liberté. J’ai débarqué à Tunis et je me suis laissé guider par les gens que j’ai rencontrés. C’est ce qui fait l’authenticité du film, à mon avis.

Quel est ton état d’esprit à la veille de cette semaine de la critique ? La première fois, j’avais les jambes qui tremblaient, mais maintenant, j’en suis à ma quatrième, je suis plus relax. C’est un plaisir de venir montrer mon travail à un public qui est toujours très attentif. J’ai hâte de voir les réactions de la salle, et pourquoi pas, si le film plaît, de venir faire la première en Tunisie. Cela me donnerai l’occasion de revenir dans ce pays que j’ai adoré. Les Tunisiens et les Italiens ont plus de choses en commun qu’on ne le pense. Tu savais que Claudia Cardinale venait de Tunis ?

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