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Adil, un Rami qui vous veut du bien

Par Ugo Bocchi
Adil, un Rami qui vous veut du bien

Après son match « difficile » face au Cameroun, il a demandé de la patience et de l’indulgence. Des vertus qui lui ont notamment permis d’intégrer le monde professionnel à Fréjus, la ville de son enfance. Reportage.

Les tribunes et le grillage laissent penser qu’il y avait, là, autrefois, un terrain de foot. Car au milieu des fougères, mauvaises herbes et bouteilles en plastique, on devine un reste de pelouse. Depuis que Fréjus et Saint-Raphaël ont fusionné, le stade Pourcin est laissé à l’abandon.

Lui a toujours voulu devenir pro. Mais parfois, on avait du mal à le prendre au sérieux.

Il y a quelques années, pourtant, c’est là qu’Adil Rami débarquait au volant de sa « 205 rouge toute pourrie » , habillé de son bleu de travail, pour distribuer ses vannes et ses tacles bien sentis. « Lui a toujours voulu devenir pro. Mais parfois, on avait du mal à le prendre au sérieux » , explique Dominique Veilex, le premier entraîneur à lui avoir fait confiance. « Mais pas question de me jeter des fleurs, hein. Même Gilbert Montagné aurait vu qu’il avait du talent. Il faisait le con, c’était le champion du monde de la connerie même, mais au fond, c’était un bon et talentueux gamin. »

« Parfois, il faisait n’importe quoi ! »

Son talent, Adil l’a façonné dans la cité de l’Agachon, à quelques kilomètres de là. Pas de grandes barres, simplement quelques immeubles coincés entre un champ, la départementale et un terrain de foot en terre battue. « Une cité conviviale » , pour sa sœur Hafida. Elle le comprend d’ailleurs de sa fenêtre, en regardant les confrontations interminables que les gamins du coin se livrent : « Ils pouvaient jouer pour une bouteille de Coca, ou n’importe quoi, ils se déchiraient tous. Il y avait une énorme rivalité, une vraie culture de la gagne, même s’ils étaient tous potes. Je les vois encore rentrer avec les genoux en sang. »

C’est là aussi qu’Adil s’épaissit, gagne en physique, sans y faire vraiment attention pour autant.

Parfois, il abusait un peu et il dribblait, il faisait n’importe quoi. Et puis au niveau tactique, il était brut.

Sa principale qualité pour Dominique Veilex : « J’entraînais Fréjus en CFA. Lui, il jouait en moins de 19 ans. Et plusieurs fois, l’entraîneur m’avait dit : « J’ai un bon joueur, tu devrais venir voir. » Je vais voir et je vois un potentiel physique monstre, un vrai bon jeu de tête, de la spontanéité, de l’agressivité, de la puissance, beaucoup de qualité dans le jeu long. Mais parfois, il abusait un peu et il dribblait, il faisait n’importe quoi. Et puis au niveau tactique, il était brut. »

Délinquant sportif

Le gros du travail pour Dominique, c’est donc de canaliser cette énergie pour en faire quelque chose de viable et de lui apprendre les rudiments de la défense en zone :

Il ne séchait pas pour faire le con. Il séchait pour jouer au foot. Les profs disaient de lui que c’était un délinquant sportif.

« Quand il faut sortir ou pas, couvrir ou pas, reculer ou pas, fermer la profondeur ou pas… Parce qu’il n’a jamais reçu de formation. » À l’école non plus, ce n’est pas trop ça. Pour ses professeurs, Adil est un garçon charmant, attachant, agréable, mais selon eux, « il n’est pas fait pour les études » . Sa sœur se souvient que sa mère attendait toujours que les portes du collège ne se referment, de peur qu’il ne ressorte pour jouer au foot : « C’est ça le pire ! C’est qu’il ne séchait pas pour faire le con. Il séchait pour jouer au foot. Les profs disaient de lui que c’était un délinquant sportif. »

Car, encore une fois, derrière ses vannes et son apparente indifférence, Adil en est convaincu : il deviendra professionnel : « Une fois, on était convoqué par le proviseur, Adil ne faisait vraiment pas le fier, et le proviseur lui dit : « Qu’est-ce qu’on fait de toi ? Y a quelque chose qui te plaît dans la vie ? » Et il lui répond : « Le foot. » Le proviseur répète, lui dit qu’il a mal compris la question, ma mère était mal à l’aise. Et là, il leur dit : « Non, mais c’est vous qui n’avez pas compris. Je veux devenir footballeur. » Il croyait vraiment à ce qu’il disait. »

« Il a branché ma fille ! »

Alors, puisque Fréjus et Dominique Veilex lui en donnent les moyens – « on lui a notamment trouvé un boulot à la mairie avec des horaires aménagés et un appartement à côté du stade » – Adil fonce sans trop réfléchir. Il enchaîne les boulots de jardinage, de mécanicien et d’effaceur de tags : « Il se levait à 5h du matin, terminait vers midi, mangeait, faisait la sieste et puis il allait jouer au foot. Lui s’en foutait pas mal du métier qu’il faisait, tant qu’il pouvait s’entraîner » , raconte Antoine Mancino, ancien dirigeant du club de Fréjus. Voilà pour la version officielle. Mais entre-temps, Adil a grandi et a aussi découvert les petits plaisirs de la vie.

C’est un grand dragueur. Une fois en boîte de nuit à la Playa, ma fille, qui a son âge, le voit et il la branche…

Quand Dominique va inspecter son appartement, il n’est pas rare qu’Adil n’y soit pas, ou bien qu’il n’y soit pas seul : « C’est un grand dragueur. Une fois en boîte de nuit à la Playa, ma fille, qui a son âge, le voit et il la branche. Il ne la connaissait pas. Mais ma fille, oui. Il lui fait un baratin : « Moi, je gagne 3000 euros par mois à Fréjus, bla, bla, bla… » Alors qu’il devait gagner 500 euros, pas plus. Ma fille lui dit : « Mon père aussi est un fan de foot. » Il lui dit : « Ça tombe bien, moi je vais passer pro. » Et là, elle lui dit : « Tu le connais d’ailleurs je crois. C’est ton entraîneur ! » Il était tard, il devait être 3h du matin et il s’est retrouvé un peu con. Mais voilà, à côté de ça, c’est un super mec. J’aurais aimé avoir plus de joueurs comme ça. »

Garde-folie

Un garçon qui a surtout besoin de « garde-fou » pour sa sœur : « C’est un boute-en-train. Presque hyperactif. Encore aujourd’hui, il le dit : il a besoin d’affectif, d’être bien entouré, d’être canalisé. » Même constat pour Veilex : « Il devait avoir 12 ou 13 ans dans sa tête. » Ce n’est pas pour rien qu’il connaît tous les Walt Disney : « C’est sa grande passion. Quand il parle avec un enfant, c’est presque lui qui va apprendre des trucs au gamin. » Et c’est encore et toujours Rhamouna, la maman d’Adil, qui est sur son dos pour éviter qu’il ne s’égare.

Sur le terrain, c’est à peu près la même chose. Dominique Veilex :

Un quart d’heure de jeu, il met un gros tacle à Gigliotti, carton rouge. L’autre a dû le brancher et il a répondu. Je lui ai dit qu’en pro, ce n’était pas possible ça.

« Quand je l’ai fait monter en équipe première, il est arrivé avec trois autres joueurs. Dans le vestiaire, eux, tous timides, ils sont restés debout. Mais Adil, lui, il s’est assis à la place de Bruno Calegari. Et il lui dit : « Ça, c’est ma place, moi je suis fréjussien. » Je me suis dit : sacré caractère. Et puis, il faisait des tchips aussi à l’entraînement. Ça rendait fous les autres joueurs. C’était drôle, mais je me suis dit qu’il fallait vraiment lui apprendre ce qu’était le professionnalisme. » Ce qu’il fait petit à petit, avec plus ou moins de réussite : « Une fois, on va à Monaco, un match difficile en CFA. Je le fais jouer en 6. Je lui parle de Gigliotti qui avait fait une saison monstrueuse : « Attention, il va te provoquer. Ne tombe pas dans le panneau. » Un quart d’heure de jeu, carton rouge, il lui met un gros tacle. L’autre a dû le brancher et il a répondu. Je lui ai dit qu’en pro, ce n’était pas possible, ça. »

Tonneaux sur l’autoroute et Isabelle Adjani

Surtout que des clubs commencent à s’intéresser à lui. Jean Fernandez, alors entraîneur d’Auxerre, le rate de peu. Et puis finalement, il se décide à aller à Lille, séduit par Claude Puel. Un homme à poigne qui aura les moyens, selon lui, de finaliser son apprentissage. Et puis, quelques jours avant de rejoindre le Nord de la France, un autre événement lui donnera enfin envie de se calmer : un accident sur l’autoroute où il finit dans le décor. Antoine Mancino explique : « C’est un de ces événements qui te font relativiser et qui te donne envie de vivre tes rêves à fond. » Parmi eux, jouer pour l’équipe de France, donc.

Mais Adil a aussi ce goût pour le cinéma, la comédie, le jeu, et pourrait, un jour, l’assouvir.

C’est toujours lui qui met l’ambiance, il détend, il anime, dans le bus, dans l’avion, il joue à des jeux de rôles, il a un don pour détendre l’atmosphère en deux secondes.

Même si ça attendra la fin de l’Euro, et certainement celle de sa carrière, sa sœur raconte : « Il a déjà reçu au moins trois scénarios. Dont un avec Isabelle Adjani. À Lille, Michel Seydoux, frère de, lui a dit : « Après ta reconversion, il faudra qu’on en rediscute parce que tu es fait pour ça. » Et je comprends pourquoi. C’est toujours lui qui met l’ambiance, il détend, il anime, dans le bus, dans l’avion, il joue à des jeux de rôles, il a cette capacité, il a un don pour détendre l’atmosphère en deux secondes. » Un autre talent qui n’est peut-être pas étranger à sa sélection de dernière minute.

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