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Abdou Doumbia : « Miccoli, c’est le Totti de Lecce »

Propos recueillis par Valentin Pauluzzi
7 minutes
Abdou Doumbia : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Miccoli, c&rsquo;est le Totti de Lecce<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Sept ans qu'Abdou Doumbia évolue en Italie, parti du Blanc-Mesnil avant sa majorité, l'attaquant franco-malien s'est installé à Lecce depuis deux saisons où il fait son trou.

Abdou, quel est ton CV en France ?

J’ai fait mes débuts au Blanc-Mesnil, c’est aussi la ville natale de Jonathan Biabiany que je connais très bien, je suis même allé à son mariage. Ensuite, je suis passé par le Paris FC, puis Noisy-le-Sec en 18 nationaux, l’équipe une jouait en CFA ou CFA 2 avec Nasser Sandjak comme coach.

Donc été 2008, tu files en Italie, mais tu as tenté ta chance en France avant ?

Bien sûr, j’ai fait des essais à Toulouse, Châteauroux, Angers, Grenoble, mais je n’ai jamais été pris. C’est un pote à moi qui jouait au Mans qui m’a donné le numéro d’un agent qui ne me connaissait même pas. Il m’a proposé de faire des essais en Italie, j’ai pris mes affaires et je suis parti à l’aveugle. Je me méfiais un peu parce qu’on ne sait jamais, mais en même temps, c’était la dernière des solutions. Là-bas, un autre agent, italien cette fois, m’a reçu et il m’a emmené à Benevento, Giulianova et Pescara où je signe.

Et là tu te retrouves tout seul à l’étranger, et à 17 ans, faut en avoir une belle paire pour partir à l’aventure comme ça, non ?

Ah ça, d’autant que je ne connaissais pas la langue et que j’étais le seul renoi ! Loin de la famille, pas de salaire parce que ce n’était pas un contrat pro, on me donnait juste un petit billet de temps en temps pour m’acheter des trucs, mais c’était rien. La première année, ce n’était vraiment pas évident. Mais ma famille et mes potes m’ont bien soutenu, ils m’appelaient souvent « lâche pas gros, ça va payer ! » Ma mère s’est pratiquement occupée de tout.

Tu joues alors avec les U19.

Que l’on appelle la Berretti, c’est un peu l’équipe réserve du coup aussi. J’ai même fait mes débuts en pro lors d’un match de coupe de Serie C, un bon quart d’heure contre Celano.

Pourquoi ne passes-tu pas pro avec Pescara ? Tu avais pourtant l’opportunité de jouer en 3e division avec eux.

C’est à cause des indemnités de formation que ça a bloqué. Pescara ne voulait pas les payer, alors c’est moi qui ai dû partir faire le tour des clubs français où j’avais joué. Le président du Blanc-Mesnil, je le connaissais bien, et il m’a dit pas de problème, en revanche Noisy-le-Sec et le Paris FC n’ont rien voulu savoir et réclamaient leur dû. Du coup, je me suis retrouvé libre et je signe en Serie D.

L’été 2009, à la Sant’Egidiese, soit le club de Sant’Egidio sulla Vibrata, ça c’est un nom qui fait rêver !

(rires) C’est une petite ville de 9000 habitants dans les montagnes des Abruzzes, pas loin de Teramo. Au début, j’étais un peu circonspect, aller en 5e division, j’étais pas venu en Italie pour ça à la base. Mais mon agent me rassurait en me disant que le foot va très vite. En plus à ce niveau-là, c’est que des contrats d’un an, le règlement n’autorise rien d’autre. Heureusement, ça s’est bien passé, on joue les play-offs pour la montée, et je fais une bonne année. J’ai gardé un très bon souvenir de mon passage là-bas, j’ai même encore des contacts avec le magasinier.

Et en une seule saison, tu arrives même à signer à Parma, jackpot !

Et surtout un sentiment de revanche par rapport à la France où j’ai été recalé. Si j’y étais resté, est-ce que je serais arrivé à ça ? Oh le club de Thuram, de Buffon, ce n’est pas rien. Bon évidemment, ils m’ont prêté directement, j’arrivais de Serie D, je ne pouvais pas prétendre à rester dans un effectif de Serie A.

À partir de là, tu commences un joli petit tour d’Italie, avec des étapes intéressantes. L’Atlético Roma, soit le 3e club de la ville à l’époque. Est-ce possible d’exister dans l’ombre de la Lazio et de la Roma ?

C’est compliqué, d’ailleurs le club n’existe même plus maintenant… Au stade, il n’y avait personne, c’est comme si tu ne jouais que des amicaux. Au début, j’avais la confiance du coach, mais au final, ils sont allés chercher des joueurs de l’élite parce que la direction voulait monter en Serie B. J’ai côtoyé des mecs comme Franceschini, Baronio ancien capitaine de la Lazio, Mauro Esposito, Babu. Du coup, j’ai joué peut-être six matchs avec la coupe, et c’est pour ça que je suis parti dès janvier à l’Ascoli. C’est la seule fois où j’ai joué en Serie B d’ailleurs, mais je n’étais pas affuté physiquement, en plus le club jouait le maintien, donc ce sont les anciens qui étaient alignés.

Tu files ensuite à Como, tu as l’art de choisir tes villes…

Ah là-bas, c’est super au bord du lac, mais je n’ai pas beaucoup joué non plus. En fait, en deux saisons, je connais trois clubs et je dispute une petite dizaine de matchs. Je n’arrivais pas à m’adapter à la tactique italienne. En France, c’est tout en technique et coordination, ça n’a rien à voir. Moi quand je suis arrivé, je dribblais un joueur et je l’attendais pour le redribbler, mais les Italiens n’aiment pas ça. Bon évidemment, j’ai changé ma façon de jouer avec les années.

En 2012, te voilà à Saint-Marin, c’est un pays qui aime le foot ?

C’était pareil qu’à l’Atlético Roma, stade désert. Le pays, lui, c’est comme l’Italie, mais avec de l’argent en plus, et plein de banques. Ils sont pas très foot, jusqu’au moment où on a joué les play-offs pour monter en Serie B. En fait, ils ont plus tendance à aller regarder les matchs du championnat national, mais attention, c’est du niveau DH voire excellence, ce sont des pâtissiers et des plombiers qui jouent. Ce sont eux qui ensuite prennent des 7-0 contre l’Angleterre ! Mais c’était bien Saint-Marin, Rimini est juste à côté, et puis j’y ai rencontré ma femme.

Ce n’est pas fatigant d’être constamment trimbalé en copropriété ou en prêt ?

Des fois, j’en avais vraiment marre. À un moment, j’ai fini en copropriété à Sienne, en contrepartie d’un joueur important. Toi, tu sais rien en fait, d’un jour à l’autre tu changes de club. Et ça veut même pas dire que ton nouveau club t’a voulu, faut pas croire qu’ils t’ont observé ou quoi que ce soit.

Pour la première fois, tu enchaînes deux saisons au même endroit, à Lecce qui, entre nous, n’a rien à faire en Lega Pro.

Non c’est clair, les gens ici se croient encore en Serie A d’ailleurs, ils te parlent de Cuadrado, de Muriel. Mais bon, tu te sens important, c’est une ville qui aime le foot. En plus, je suis content, j’ai signé trois ans et, surtout, j’ai quitté Parma au moment où ça commençait à sentir le sapin et à ne plus payer. Là, on est dans le groupe Sud de la Lega Pro, c’est le plus relevé, beaucoup plus que celui du centre et du Nord. On joue souvent devant plus de 10 000 spectateurs, il y a la Salernitana, Foggia, plein de clubs de la banlieue de Naples. L’an dernier, on était proches de la montée, mais on perd en finale des play-offs contre Frosinone.

Ton capitaine Miccoli a encore de beaux restes ?

Lui, c’est comme Totti à la Roma, même si c’est la première fois qu’il joue à Lecce. C’est le joueur le plus emblématique. Moi qui le voyais jouer à la Juve, Palermo, Benfica… En plus, c’est un mec très simple et qui déconne toujours.

Et la barbe de Moscardelli, tu ne lui tapes jamais la bise ?

Bah non, mon fils de 9 mois a peur de lui ! Mais lui aussi, il est top ! En fait, les mecs qui ont joué en Serie A et qui redescendent de deux divisions, au final, c’est les plus simples ! Mais Moscardelli, il fait trop rigoler, c’est une star ici en Italie, sur les réseaux sociaux, il est super populaire.

Cela fait huit ans que tu es en Italie, tu penses que la France du foot se souvient de toi ?

Personne ne me connaît, je n’ai joué que dans des clubs amateurs. Si je veux retourner en France, on va me demander de faire des essais, je n’ai même jamais eu l’occasion de revenir.

Pourtant, sur internet, il y a eu une rumeur de 2011 qui disait que le PSG s’intéressait à toi…

Oui, je suis au courant, mais ce n’est pas vrai, je ne sais pas qui a écrit cet article. Je suis à Côme, en troisième division, je ne joue pas, et je vais signer au PSG ? Faut arrêter deux minutes (rires).

Tu as également un passeport malien, tu jouerais avec la sélection ?

Quand j’étais jeune, j’ai fait un tournoi avec eux à Angers, donc ils me connaissent, mais depuis, je n’ai pas eu de nouvelles. C’est rare aussi que la sélection du Mali regarde en Italie, eux ils cherchent plus en France, donc c’est compliqué pour moi.

D’ailleurs, pas trop dégoûté de la façon dont le Mali a été éliminé de la CAN ? (tirage au sort, ndlr)

Bien sûr que si, faut changer les règles ! Pourquoi pas pierre-feuille-ciseaux, tant qu’on y est !
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