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Zacharie Noah, le sanglier indomptable

Par Nicolas Kssis-Martov
Zacharie Noah, le sanglier indomptable

Zacharie Noah, le père de Yannick et donc le grand-père de Joakim, est mort ce dimanche à Yaoundé au Cameroun, à soixante-dix-neuf ans. Pour beaucoup, il reste à jamais cette figure paternelle dans les bras duquel son fils se jeta, ivre de joie, ce beau jour du 5 juin 1983, après sa victoire en finale de Roland-Garros. D'autres en revanche, surtout du coté des Ardennes, gardent d'abord en mémoire cet inoubliable défenseur des Sangliers de Sedan. Un joueur noir qui, au début des années 60, bien avant son fils, fit d'une certaine façon bouger les lignes.

Il n’est pas inutile de se souvenir de ces émissions politiques des années 80, lors desquelles Jean-Marie Le Pen, en pleine ascension médiatique et électorale, mettait en doute le statut de « vrai Français » de Yannick Noah – pourtant gloire nationale depuis sa victoire à Roland-Garros –, parce qu’il avait proclamé aussi son attachement à la patrie de son père : le Cameroun.

Cependant, quelque part, le leader du parti d’extrême droite avait bien senti tout ce que cristallisait cette famille qui le répugnait, ce couple mixte dont le destin soulignait tant les non-dits de la société française. Le père de Zacharie s’appelle Simon Noah, un ancien tirailleur devenu notable « local » et qui perdra la vie en 1985 lors d’une tentative de coup d’État. Comme beaucoup des élites naissantes des « colonies » et protectorats, il envoie sa progéniture poursuivre ses études en « métropole » . Seulement, le démon du football finit par prendre le dessus. Il existe beaucoup de similarité entre le parcours de Zacharie et celui de Raoul Diagne, star emblématique des Pingouins du Racing Club de Paris. D’avant-guerre, donc. Sa carrière en crampons se révélera en revanche davantage modeste. Il tracera sa route en toute humilité, dans la chaleur de ces clubs artisans du tout petit professionnalisme à la française. Comme le Stade Saint-Germain en région parisienne, puis surtout à l’UA Sedan-Torcy, où ce défenseur consciencieux va connaître ses quelques moments de gloire balle au pied.

Sedan son amour

Pourtant, lorsqu’il y débarque en 1957, il détonne dans l’environnement de cette ville laborieuse de province. De toute manière, à l’époque, on ne compte pas plus d’une trentaine « d’Africains » dans l’élite. Sedan s’identifie à l’époque aux valeurs ouvrières (au sens culturel et non idéologique du terme), un club où l’on travaille encore jusqu’à 17h avant d’aller s’entraîner. Un club qui ne brille pas forcément dans une première division à laquelle il vient tout juste d’accéder, et dominée par les voisins de Reims ou, plus loin, Saint-Étienne. Néanmoins, comme souvent pour ces modestes héros ordinaires du foot tricolore, la Coupe de France offrira largement de quoi nourrir la légende locale et garnir un peu l’armoire à trophées. Le 31 mai 1961 à Colombes, dans ce temple dédié au roman national du ballon rond, devant près de 40 000 spectateurs et le général de Gaulle, qui songe surtout à se débarrasser du fardeau de la guerre d’Algérie, les Sangliers prennent le dessus sur les Nîmois, notamment grâce à leur attaquant Mohammed Salem, futur international algérien, auteur du but victorieux. Une victoire qui reste gravée dans les annales, et un dernier titre qui compte. L’occasion aussi, l’année suivante, de rencontrer furtivement en Coupe d’Europe des vainqueurs de coupes l’Atlético de Madrid, emmené par José Villalonga Llorente, celui-là même qui remportera l’Euro avec l’Espagne deux ans plus tard.

« Dans ma famille, on ne voulait pas entendre parler d’une blanche. Et dans celle de Marie-Claire, on ne voulait pas plus d’un gendre de couleur. »

La vie de Zacharie Noah avait pris aussi une autre dimension, dans un registre plus personnel. Il est tombé amoureux et a épousé une fille du cru, Marie-Claire, belle basketteuse, blonde, supportrice et surtout fille de Marcel Perrier, correspondant local de France Football et de L’Équipe. C’est peu dire qu’en 1959, cette union passe mal. « Dans ma famille, on ne voulait pas entendre parler d’une blanche. Et dans celle de Marie-Claire, on ne voulait pas plus d’un gendre de couleur » , racontera plus tard le principal concerné. Résultat : une cérémonie « en cachette » et un dîner à huit dans une auberge, en toute discrétion, en l’absence des deux familles. Capulet contre Montaigu à la sauce coloniale. Pire, le père de la mariée, qui suivait donc les Sedanais pour la presse, n’encaissera jamais et trouvera un moyen peu glorieux de se venger. « Il devait attribuer un certain nombre d’étoiles aux joueurs de l’équipe selon leur performance sur le terrain. Avant notre mariage, j’en avais souvent quatre ou cinq. Depuis le jour où j’ai épousé sa fille contre sa volonté, il ne m’a jamais attribué plus de deux étoiles » , se rappelait le Camerounais. Seule l’arrivée du petit Yannick en 1960 permettra de calmer les esprits et de rassembler tout le monde autour du berceau. Un bonhomme qui portera au départ des vêtements de fille, son géniteur, persuadé qu’il s’agirait d’une fille, n’ayant pas les moyens de tout racheter. À l’époque, les salaires des pros poussaient peu à l’évasion fiscale.

Finalement, quelque temps plus tard, le même Yannick tiendra encore un rôle assez similaire en remportant un tournoi du grand Chelem, conduisant de force une partie de la France à accepter – ou du moins constater – la réalité de sa multiculturalité affichée par le spectacle de ses parents épanouis et fiers de la réussite de leur garçon. Un garçon qui avait découvert le tennis à Yaoundé, où la famille était retournée s’installer après la grave blessure qui éloigna définitivement Zacharie des pelouses. Le destin est parfois facétieux.

JO : l’important n’est ni de gagner ni de participer

Par Nicolas Kssis-Martov

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