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Viva San Lorenzo !!!

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Viva San Lorenzo !!!

Almagro est l'un des 41 quartiers de la gigantesque Buenos Aires. Moins typique que celui de la Boca, il est néanmoins l'un des plus populaires de la capitale argentine. Encerclé par le tramway, les abattoirs et les nombreuses églises construites par les immigrés basques et italiens, le cœur d'Almagro bat au verbe du cercle des poètes disparus, les ‘boedistas' (un mouvement littéraire local pro-communiste et néoréaliste né dans le quartier) et vit pour son club de foot : le désormais centenaire San Lorenzo de Almagro.

Il y a quelques jours les Azulgranas porteno ont fêté leur centenaire en grande pompe. Viggo Mortensen, Diego Maradona himself et Cristina Kirchner, la présidente botoxée de la république rendaient hommage au troisième plus grand club de l’histoire du football du pays.

Après Boca et River, San Lorenzo est en effet l’institution qui a accueilli le plus de spectateurs dans le pays. Rien ou presque n’explique la ferveur que peut soulever San Lorenzo. Le club de Boedo n’a pas le palmarès le plus garni du pays, ni même le jeu le plus flamboyant du championnat, d’ailleurs il est l’un des seuls ‘historico’ (Racing, Boca, River, Independiente) à avoir connu les affres de la deuxième division en 1981. Pire, San Lorenzo n’a jamais fourni de grand joueur à l’Albiceleste. Mais paradoxalement, ce club semble toujours avoir feinté l’anonymat.

Il y a quelques années, Menotti avait déclaré que si « Maradona avait évolué à San Lorenzo au lieu de Boca, los Cuervos serait aujourd’hui le plus grand et le plus aimé des clubs argentins » . Dieu a préféré Boca, mais la dimension mystique a toujours plané autour des Azulgranas.

San Lorenzo, club mystique

Tout commence en 1908, lorsqu’un gamin, Juan Abbondanza, est fauché par un tramway alors qu’il joue au football avec ses camarades. Le drame se transforme en véritable aubaine pour le curé de l’église San Antonio, un certain Lorenzo Massa.

Peinant à trouver des enfants de chœur pour l’aider le dimanche à la préparation de la messe, l’homme en noir propose de donner aux amis d’Abbondanza un terrain vague appartenant à l’église en échange de leur présence le jour du Seigneur.

Une poignée de jours plus tard, le 1er Avril 1908, San Lorenzo de Almagro est né. Son nom rend bien évidemment hommage au père Massa, mais aussi à la bataille de San Lorenzo remportée par le père fondateur de l’identité argentine, le général San Martin Fierro.

Pieux, mais coco, le curé se charge également personnellement de choisir les couleurs du club, du bleu synonyme d’idéal, mais aussi du rouge « pour le sang, le Christ, la souffrance, la passion et la lutte » . Le poids des mots, le choc du maillot et un état d’esprit qui en 100 ans n’aura pas bougé d’un iota.

Rapidement les rapports du club avec l’église inspirent les supporters adverses. Surnommés les “Santeros” (“les Homme Saints”), puis los Cuervos (“les Corbeaux”), du fait de la présence de plusieurs moines dans l’équipe titulaire de Boedo au début du siècle, les joueurs de San Lorenzo glanent plusieurs championnats d’Argentine à une époque où le professionnalisme n’existe pas encore. Le premier “vrai” titre, le club l’enlève facilement en 1932 : Le “Ciclon” saccage alors toutes les défenses adverses, avec 142 buts en une saison.

10 ans plus tard, San Lorenzo se paiera le luxe d’enfiler 12 pions à la sélection espagnole en match amical et 10 buts à la sélection portugaise. De leur périple européen, les Azulgranas ramèneront avec eux deux jeunes Basques fuyant le franquisme : le premier, Langara, réalisa le premier retourné jamais vu en Argentine ; le deuxième, Angel Zubieta, plus jeune international espagnol de l’histoire, deviendrait l’un des mythes du club en empilant les buts.

L’heure des Carasucias

Plus tard viendra l’époque bénie des “Carasucias”. “Les Sales Gueules”, des mômes du quartier qui s’appellent “Bambino” Veira, Scotta et Rinaldi. Du talent à l’état pur mâtiné de folie douce.

Veira, meilleur buteur de l’histoire du club et premier meilleur buteur du championnat à l’âge de 18 ans (bien avant Maradona, qu’il entraînera plus tard à Boca, après avoir essayé de le faire venir chez les Azulgaranas) sera le premier joueur médiatique du pays.

Accroc aux femmes, aux petits enfants, et à tout ce qui se fait de pire dans ce monde, Bambi Veira avait le don de se faire remarquer, et indirectement de faire de la pub à son club. Lors d’un match amical au Mexique, il brilla par son absence après avoir été engagé sur place pour être figurant dans un western américain à deux balles…

Mais si San Lorenzo est si populaire c’est avant tout parce qu’il représente à lui tout seul les séquelles d’un pays en crise perpétuelle. L’injustice subie par les Azulgranas a quelque chose de romantique, de fusionnel, capable de dépasser toutes sortes de clivages, qu’ils soient footballistiques, sociaux ou politiques.

A la fin des années 70, le mythique stade du Gasómetro tombe en ruine. Surnommé le Wembley Porteno, et accessoirement plus grande enceinte du pays jusqu’en 1978, l’endroit est considéré comme un monument du quartier et le plus bel écrin du football argentin, devant la Bombonera et le Monumental de River Plate.

Un endroit différent, inspirant à la fois admiration et crainte, témoin le déjanté gardien de Boca Juniors Hugo Gatti qui y inventa même le fameux “merdomètre” : « Aucun stade dans le monde ne peut te soulever les tripes comme celui-là. Quand tu vas là-bas tu as le merdomètre à zéro. Un conseil, il vaut mieux avoir un caleçon de rechange » .

Cacciatore m’a tuer

Avec la Coupe du Monde argentine, les dirigeants, qui n’ont pas une thune, pensent pouvoir s’offrir gratuitement un ravalement de façade offert par la dictature. Ce ne sera pas le cas. Situé dans le sud de la ville, Almagro compte plus d’immigrés, d’opposants politiques et d’ouvriers que les quartiers du nord, plus bourgeois. Pour travestir la misère qu’il a engendrée, le régime va alors décider de renouveler le Monumental de River et d’oublier les endroits « où se cache la vermine du pays » , selon Cacciatore, alors maire de Buenos Aires.

Cacciatore, fidèle du régime et ami personnel du Général Videla, va couler le club à lui tout seul, en décidant de faire détruire le Gasómetro pour initier « une révolution urbanistique » , un peu à la Haussmann, mais sans brio.

Pendant des semaines, les habitants manifestent contre l’expropriation pure et simple des terrains appartenant à San Lorenzo de Almagro. Finalement l’ancien militaire Cacciatore parvient à ses fins en rachetant les 14000 mètres carrés pour une bouchée de pain, à savoir 900 000 euros. Des terrains qu’il revendra plus tard au supermaché Carrefour…

Rien ne fut pareil dès lors, San Lorenzo devint un club sans stade, amputé de ses racines, et condamné à trainer sa misère institutionnelle et sportive sur tous les stades d’Argentine, y compris sur ceux de D2.

L’équipe des Cambodgiens

Un nouveau surnom qualifie alors San Lorenzo : “Les Cambodgiens”. Luis Malvarez, défenseur uruguayen, se plaint effectivement dans la presse de l’état lamentable dans lequel se trouve le club : « On ne nous paye pas, il n’y a pas de terrains d’entrainement, nous n’avons pas de stade, et peu de ballons, on est seuls au monde avec nos supporters, mais on est toujours en vie. En fait on est des Cambodgiens, on se contente du minimum » .

Ce sera le cas jusqu’en 1993, année de l’inauguration du nouveau stade Pedro Bideguain, le nouveau Gasómetro. L’année suivante, le club remporte avec Veira sur le banc son premier titre depuis 21 ans. Deux mois plus tard, le très câlin El Bambino Veira est accusé de relations sexuelles avec un jeune garçon de 14 ans…résultat un an de taule pour l’actuel commentateur de la télévision argentine et une vie foutue pour Alessandro, aujourd’hui devenu Muriella, après une opération de chirurgie esthétique…

Pellegrini en 2001, puis Ramon Diaz en 2007 parvinrent également à reproduire le miracle du titre. San Lorenzo est aujourd’hui revenu dans le gotha du football sud-américain. Pour le seul club du championnat argentin qui compte plus de victoires que de défaites contre Boca Juniors, justice est désormais faite. San Lorenzo est un rescapé du football, une réalité incontournable, devenu légende il y a bien longtemps. Puisse-t-elle perdurer encore 100 ans.

Par Javier Prieto Santos

(1) – « Nous sommes des écrivains réalistes parce que nous avons la conviction que la littérature comme le football doit être pour le peuple aussi sincère et courageuse que possible, affirmait l’écrivain Leonidas Barletta. Ce sont des choses qui doivent contenir les aspects amers de la réalité, sans aucune limitation et le silence insoutenable de la misère et de la souffrance » .

(2) – Retrouvez l’interview de Bambi Veira et Oscar Ruggeri, deux gloires du club dans le blog Maradona.

Voir également l’article sur le titre conquis avec Ramon Diaz.

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