S’abonner au mag
  • CM2010
  • Entretien

V.Halilhodžić : «Les Bleus, quel gâchis!»

Par
V.Halilhodžić : «Les Bleus, quel gâchis!»

Sélectionneur éconduit de la Côte d'Ivoire pour une toute petite défaite (en 26 rencontres), Vahid Halilhodzic suit la coupe du monde depuis son canapé...

Que pensez-vous de cette coupe du monde jusqu’à maintenant ?

Jusqu’à maintenant, on n’a pas vu beaucoup de grands matchs, le niveau est moyen. La plupart des équipes sont plutôt bien organisées défensivement. L’enjeu bouffe le jeu. Lors des deux premiers matchs de poules, pas mal de grandes équipes ont rencontré des difficultés car elles entrent mollement dans leurs matchs, elles ont l’air de penser qu’elles vont gagner en marchant tout ça, sans grand engagement. Cela peut avoir des conséquences dramatiques pour certaines de ces équipes qui ne sont pas à 100% dès l’entame car en coupe du monde, pas de petit match.

Les explications : la fatigue, la température, etc. ?

Jouer au football par un temps plutôt frais, c’est presque idéal. De temps en temps, avec la Côte d’Ivoire, j’ai joué certains matchs par 40° et là, c’est un cauchemar de jouer avec de telles chaleurs. Sinon, peut-être que certains joueurs pensent qu’ils vont entrer doucement dans la partie, peut-être sont-ils fatigués, cela dépend aussi du type de préparation qu’ils ont eue avant ce tournoi… je ne sais pas… Les Espagnols, pour leur premier match par exemple, ne voulaient pas accélérer, ils marchaient, ils ont fait 100 000 passes pour progresser de dix mètres et ça suffisait à l’adversaire pour se replacer, pour proposer un bloc défensif dense et compact. Cela devient difficile ensuite d’avoir la possibilité de marquer ou de faire marquer dans des cas comme ça. L’Angleterre aussi a joué un peu comme ça au début. La France, on n’en parle même pas : très, très spécial.

La France justement, son parcours vous paraît-il explicable ?

Les mots manquent. « Quel gâchis » , ils ont fait honte à la nation française. Incroyable. La plupart des équipes ont tout fait pour bien se préparer alors que la France, depuis pas mal de temps, prépare une débâcle annoncée. On ne compte plus les dysfonctionnements dans l’équipe mais tomber aussi bas avec les querelles internes et les problèmes extérieurs, c’est difficile à expliquer, c’est quelque chose qu’on n’a jamais vu dans le milieu footballistique.

Pour l’instant, on a l’impression que les équipes sud-américaines, d’Amérique du Nord et asiatiques s’en tirent mieux que les africaines et les européennes. Y’a-t-il une logique de blocs géographiques ?

C’est une question de volonté, ambition, d’état de groupe et tout ça… C’est plutôt comment vit le groupe, quels sont ses ressorts psychologiques, son envie… Au premier match, encore une fois, l’Algérie et l’Espagne pensaient qu’elles gagneraient presque en dormant. Elles ont ignoré la vélocité, la vivacité, le jeu de passes, les intervalles, non, non, elles n’ont jamais accéléré. Aujourd’hui, toutes les équipes sont bien organisées défensivement avec un bloc très bas de neuf joueurs, c’est presque impossible de marquer si vous manquez de vitesse, d’accélérations, d’enchaînements. L’Argentine, en revanche, était très motivée suite à ses résultats lors des éliminatoires, à cause des critiques de la presse internationale aussi. C’est plutôt ce type de motivation et d’ambition qui explique les résultats des uns et des autres plutôt que la provenance géographique. Le climat tempéré à 5, 10° est presque parfait

Innovations tactiques, originales ?

Je n’ai pas vu beaucoup. L’Espagne a toujours un jeu de passes et une conservation de balle exceptionnelles, elle alterne jeu court et long, utilise la profondeur aux bons moments. L’Allemagne a montré contre l’Australie et le Ghana beaucoup d’allant, beaucoup de profondeur, de bons enchaînements, des latéraux qui apportent le surnombre, de la vitesse de jeu, qui leur permettent de se créer beaucoup d’occasions. Seule vraie innovation que j’ai vue, c’est celle de l’entraîneur argentin du Chili, Bielsa, sa tactique et son animation en 3-3-3-1. Ce système fonctionne quand les automatismes sont très au point, ce qui n’est pas souvent le cas avec une sélection. Ce 3-3-3-1 fonctionne mieux en contre-attaque et il faut que les joueurs aient une très bonne condition physique. Il nécessite aussi une grosse discipline tactique. Tout le monde sauf la France, qui a été ridicule, a son bloc, est suffisamment dans le replacement, dans la générosité. L’Italie est médiocre jusqu’à maintenant mais elle va se qualifier et atteindre les demi-finales, c’est toujours comme ça. Mais au niveau du jeu, ce n’est pas terrible. Après la France hors-concours, c’est la plus grande déception du tournoi pour l’instant…

L’Analogie avec 2002 ?

Comme à chaque fois, la plupart des grandes équipes ont commencé doucement, elles essaient de dépenser le moins d’énergie pour atteindre les 1/8ème de finale. Ils commencent ensuite vraiment à jouer car on joue sa vie à chaque match. L’Algérie contre l’Angleterre a fait preuve d’une grosse qualité défensive…

Les difficultés des équipes africaines, une seule qualifiée comme en 2006 (le Ghana), pas eu l’avantage du terrain…

Ils ont été trop optimistes, trop sûrs d’eux. Comme d’habitude, ils ont été, dans leurs paroles, dans leur communication, trop gourmands. « On va jouer les quarts de finale, les demi-finales » , « On veut jouer ça, on est meilleurs » . Quand on connaît les problèmes à l’intérieur et à l’extérieur de l’équipe, il est presque impossible de bien travailler, alors obtenir d’excellents résultats… Ensuite, ces équipes sont rarement collectivement en place. Comme la coupe du monde est une formidable opportunité de se montrer, un grand nombre d’individualités jouent leur propre carte. Ils ont fait preuve d’un optimisme démesuré, il aurait fallu être plus modestes dans leur communication. Ils ont un appétit énorme qui ne correspond pas tout à fait à leurs qualités…

Le Ghana n’est-il pas différent ? Plus collectif, un bon mélange de générations ?

Ils ont une génération sans complexe, qui a gagné le championnat du monde des moins de vingt ans l’an dernier et certains ont disputé la finale de la Coupe d’Afrique des Nations en janvier dernier contre l’Egypte. Leurs vedettes sont blessées et les jeunes plein de talent se battent comme ils le peuvent pour la collectivité. C’est presque un mal pour un bien. Deux grandes équipes comme le Cameroun et la Côte d’Ivoire, c’est toujours la même chose, je ne veux pas parler de ça mais… la question elle est là.

Vous voulez dire que le Nigeria, le Cameroun et la Côte d’Ivoire souffrent toujours des mêmes problèmes d’ego, de querelles intestines, de problèmes administratifs et de dirigeants ?

Avant les compétitions, on est toujours à raconter qu’on est les plus beaux, les plus forts et sur le terrain, à la fin, c’est autre chose.

L’Afrique du Sud ?

Quand on pense qu’elle n’était même pas qualifiée pour la CAN, elle a plutôt fait une super coupe du monde malgré l’élimination. Le dernier match contre la France était un peu bizarre mais bon… Même à onze contre onze, ils ont montré beaucoup de qualités, d’envie de se battre. Elle a raté le coche contre le Mexique où elle aurait dû l’emporter.

On peut parler de la Côte d’Ivoire ?

Ah, non, non, non, pas un mot sur la Côte d’Ivoire !!!

La Serbie et la Slovénie ?

L’ex-Yougoslavie aurait presque pu présenter quatre équipes puisque la Bosnie et la Croatie ne sont pas passées loin de la qualification. Le football de l’ex-Fédération va bien doucement. Il y a toujours de bons joueurs et d’excellents techniciens. On a connu un trou générationnel mais tous ces pays retrouvent leur qualité passée. La Slovénie dispute la coupe du monde alors qu’elle ne compte que deux millions d’habitants, c’est quand même exceptionnel. La Serbie a développé un jeu séduisant, elle a battu la grande Allemagne…

Comme elle tombe dans le groupe de la France et qu’elle a une bonne équipe, la Bosnie va pouvoir se qualifier pour le prochain Euro…

Ils ont de bonnes individualités, pas une bonne équipe. De bonnes individualités et une bonne équipe, ce n’est pas la même chose.

Ce n’est pas le problème des équipes africaines justement ?

Je ne vais pas m’exprimer là-dessus sinon tout le monde va mal interpréter ce que je vais dire.

Ce n’est pas le mal de l’époque ça justement, ces individualités qui n’arrivent pas à composer une équipe ?

Cet individualisme qui dépasse de temps en temps toutes les limites handicape considérablement certaines équipes. Le Portugal, par exemple… C’est bien d’avoir un joueur d’exception mais lui ne pense qu’à sa gueule, que tout le jeu doit passer par lui. C’est catastrophique pour le jeu collectif. Vous imaginez que vous en avez deux comme ça dans votre formation, il devient impossible d’avoir une bonne équipe. Quand il a marqué contre la Corée du Nord, j’ai entendu que Ronaldo n’avait plus marqué en équipe nationale depuis extrêmement longtemps, ce n’est pas très étonnant. En équipe de Yougoslavie, j’ai connu d’extraordinaires manieurs de ballon comme Safet Susic, par exemple, mais ils dribblaient quand le jeu le commandait.

L’absence de superstars chez les Américains, les Slovaques, les Mexicains peut donc les aider à aller loin…

Regardez l’Inter de Mourinho cette année, ils ont réussi à faire déjouer Chelsea, le Barça et le Bayern. Au départ, Manchester et Barça ont de meilleures équipes, de meilleures individualités mais au final Mourinho a réussi, et c’est sa force, à sublimer ses joueurs. La somme des individualités de l’Inter était bien inférieure à celle du Barça ou de Manchester mais pas son collectif. Mourinho a convaincu ses joueurs de se sacrifier pour le collectif, le meilleur exemple, c’est le rôle d’Eto’o. Il sait toucher l’esprit collectif de chaque joueur…

Un des secrets de Mourinho, ce n’est pas le lien qu’il tisse avec ses joueurs ?

Ils savent que c’est un malin, qu’il a un sens psychologique un peu particulier. Les joueurs ont foi en lui, il sait rendre les joueurs minables pour l’intérêt du collectif… Il a un gros sens de l’organisation même s’il n’a rien inventé au point de vue du football. Il peut faire déjouer une équipe comme Barcelone. Sa grande force, c’est la patience de son équipe et la vitesse après la récupération avec deux, trois joueurs qui vont très, très vite sans ballon dans la profondeur. C’est ce qui crée le problème pour l’adversaire…

La greffe Capello avec l’équipe d’Angleterre a l’air de connaître quelques ratés…

Ça marche merveilleusement bien. Ils se sont qualifiés sans faute. Là, ils ont raté un match (contre l’Algérie). Le seul problème, c’est ce qu’il se passe avec Rooney qui est méconnaissable. Il est fatigué, il a des problèmes privés, je ne sais pas… L’Angleterre sans lui, ce n’est plus du tout pareil. Ils n’ont pas de remplaçant pour lui…

Propos recueillis par Rico Rizzitelli

David Pereira da Costa, le dix de cœur du RC Lens

Par

À lire aussi
Articles en tendances
02
Revivez : France-Allemagne (0-2)
  • International
  • Amical
  • France-Allemagne
Revivez : France-Allemagne (0-2)

Revivez : France-Allemagne (0-2)

Revivez : France-Allemagne (0-2)
32
Revivez la victoire de la France face au Chili (3-2)
  • International
  • Amical
  • France-Chili
Revivez la victoire de la France face au Chili (3-2)

Revivez la victoire de la France face au Chili (3-2)

Revivez la victoire de la France face au Chili (3-2)
Logo de l'équipe France
EDF, le coup de la panne
  • International
  • Amical
  • France-Allemagne (0-2)
EDF, le coup de la panne

EDF, le coup de la panne

EDF, le coup de la panne
Logo de l'équipe Géorgie
Willy Sagnol headcoach of Georgia during talks to Ovidiu Hategan (ROU) referee in action during UEFA European Championship Qualifying: Group A match between Spain and Georgia at Stadium Jose Zorrilla on November 19th in Valladolid (Spain) (Photo by Luis de la Mata / SportPix/Sipa/ USA) - Photo by Icon sport   - Photo by Icon Sport
Willy Sagnol headcoach of Georgia during talks to Ovidiu Hategan (ROU) referee in action during UEFA European Championship Qualifying: Group A match between Spain and Georgia at Stadium Jose Zorrilla on November 19th in Valladolid (Spain) (Photo by Luis de la Mata / SportPix/Sipa/ USA) - Photo by Icon sport - Photo by Icon Sport
  • International
  • Géorgie
Géorgie : le roman de Sagnol

Géorgie : le roman de Sagnol

Géorgie : le roman de Sagnol
Logo de l'équipe Allemagne
23 March 2024, France, Lyon: Soccer: International match, France - Germany, Groupama Stadium. Germany's players Jamal Musiala (l) and Toni Kroos react. Photo: Christian Charisius/dpa   - Photo by Icon Sport
23 March 2024, France, Lyon: Soccer: International match, France - Germany, Groupama Stadium. Germany's players Jamal Musiala (l) and Toni Kroos react. Photo: Christian Charisius/dpa - Photo by Icon Sport
  • International
  • Amical
  • France-Allemagne (0-2)
Allemagne : le gros coup de Kroos

Allemagne : le gros coup de Kroos

Allemagne : le gros coup de Kroos

Votre avis sur cet article

Les avis de nos lecteurs:

Dernières actus

Nos partenaires

  • Vietnam: le label d'H-BURNS, Phararon de Winter, 51 Black Super, Kakkmaddafakka...
  • #Trashtalk: les vrais coulisses de la NBA.
  • Maillots, équipement, lifestyle - Degaine.
  • Magazine trimestriel de Mode, Culture et Société pour les vrais parents sur les vrais enfants.
  • Pronostic Foot 100% Gratuits ! + de 100 Matchs analysés / semaine