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Une petite partie de soule ?

Par Gabriel Cnudde
Une petite partie de soule ?

Bien avant l'apparition du football, de ses règles et de ses institutions, les hommes aimaient déjà beaucoup les jeux de balle. En France, au Moyen-Âge, c'est la soule qui occupait les paysans pendant l'hiver. Un sport viril, parfois mortel, que certains essayent aujourd'hui de faire renaître dans une version moins violente.

De tout temps, les hommes ont été attirés par le ballon. Bien sûr, il n’a pas toujours été fait de cuir, et longtemps les vessies d’animaux divers ont servi au divertissement des masses. D’après la FIFA, le plus lointain ancêtre du football est chinois. S’il s’agit certes d’un jeu de balle, Paul Dietschy, historien du sport français spécialiste de l’histoire du football, refuse de parler de lien direct entre ce jeu et notre football : « Au final, ce jeu est plus un jeu d’habileté : il s’agit de jongler et de faire passer une balle dans un cercle. Ça ressemble un peu au pok-ta-pok maya. Ce qui est intéressant dans ce jeu, c’est que ça prouve l’universalité de la balle dans le monde. Tous ces jeux ont un rapport plus ou moins lointain avec le football, mais il faut se méfier des interprétations hâtives. » Et ces jeux-là, ils sont nombreux, surtout lorsqu’on s’attarde sur l’histoire du Moyen-Âge en Europe. Les Italiens s’adonnent au calcio florentino, les Anglais jouent à plusieurs variantes du street football et les Français, quant à eux, participent à de grandes parties de soule, ou de choule, selon les régions. Mais alors, qu’est-ce que c’était que ce jeu ?

Églises et bagarre

Les premiers documents écrits relatant de probables parties de choule remontent au XIVe siècle, mais c’est au XVIe siècle que les écrits à son propos se multiplient. Il faut dire que ce jeu est à bien des égards une curiosité. « L’espace de jeu couvrait le territoire de deux ou plusieurs paroisses. C’est évidemment très vaste. Au XVIe siècle, le sire de Gouberville, un petit noble du Cotentin, disait qu’il fallait poursuivre la soule jusqu’à la mer » , explique Paul Dietschy. Pas de terrain, donc, mais également aucune règle et un but simple : « Les deux équipes se disputent la soule, ou la choule, qui est un petit ballon, une vessie de porc remplie de foin. On peut la prendre par tous les moyens et on doit aller la déposer à un point convenu, qui est bien souvent devant le portail d’une église. » Concernant les équipes, aucune règle en vigueur ne permet de vraiment déterminer des adversaires. Au final, ce sont bien souvent les membres de deux paroisses qui s’affrontent ou, plus rarement, des hommes mariés contre des célibataires. Immenses de par leur nombre de participants, ces parties de choule restaient rares, comme le rappelle Paul Dietschy : « On y joue souvent l’hiver au moment de mardi gras. D’abord parce que c’est la saison morte pour les paysans : il n’y a pas de culture, donc les travailleurs sont tranquilles, et on risque moins d’abîmer les récoltes en jouant. »

Si les historiens ont pu retrouver autant de documents évoquant la choule, c’est aussi parce que cette dernière était d’une violence inouïe. « Tous les coups sont permis, donc forcément, ça créait des problèmes. Il y avait souvent des morts. C’est d’ailleurs grâce à ça en partie qu’on a connu la soule. On a retrouvé plusieurs lettres de rémission qui demandaient au souverain de l’époque la grâce à la suite des crimes commis à la soule » , précise Paul Dietschy, qui explique toutefois que ce déferlement de violence irrégulier permettait au moins de régler les conflits entre villages voisins. Une analyse partagée par Jean-Philippe Joly, président de la Fédération des jeux et sports traditionnels normands et vikings : « Les jeux étaient plus liés à la convivialité, au partage et à une lutte contre la violence. Une fois dans l’année, on avait le droit de se taper dessus pour éviter de le faire les autres jours de l’année. Un village affirmait sa suprématie par rapport à l’autre, gardait la choule dans son village, puis remettait son titre en jeu l’année d’après. Il y avait un côté pacificateur malgré la violence. »

Interdiction et renaissance

Tout comme le calcio florentino en Italie, la soule finit par être interdite en France au XIXe siècle. « C’est un sport extrêmement bien documenté, dont on connaît d’ailleurs la date de fin. Les dernières grandes soules sont interdites par des préfets vers 1845. Au même moment d’ailleurs où on interdit les dernières formes de football populaire en Angleterre. On considère ces jeux comme des fauteurs de troubles à l’ordre public » , raconte Paul Dietschy. Seulement, dans certaines régions de France, dont la Normandie, la soule ne disparaît pas totalement et évolue. La tradition demeure, et le bouche-à-oreille familial fait naître chez Jean-Philippe Joly une idée pour le moins singulière. « J’ai toujours baigné dans ce sport. Avec des documents que me donnait ma grand mère, des photos, des textes, qui parlaient des derniers joueurs officiels de 1850. Mon arrière-grand-père y a joué, par exemple. Grâce à internet, j’ai cherché d’autres fous comme moi qui avaient le projet de remettre ce sport au goût du jour. » Avec beaucoup de patience et d’abnégation, Jean-Philippe Joly réussit à mettre sur pied des règles pour la choule normande. Restait encore à convaincre d’autres amoureux du jeu.

« En 2001, j’ai cherché partout et je suis tombé sur une journée en Normandie autour des jeux du Moyen-Âge. J’ai proposé aux organisateurs de lui amener mes nouvelles règles de la soule. La principale caractéristique, c’est de jouer sur la sécurité » , explique Jean-Philippe Joly, qui aimerait éviter d’avoir à envoyer des lettres de rémission à François Hollande. « En 2002, 2003, 2004, on a fait d’autres représentations avant de sortir des bals costumés pour aller vers le sport réel. À force de jouer, les règles ont évolué. On a commencé à jouer très sérieusement en championnat en 2007 et 2008. On avait à peu près 60 équipes. Ce n’est pas facile parce qu’on a très peu de subventions » , déplore-t-il aujourd’hui. Malgré ces difficultés financières, la choule normande continue d’attirer de plus en plus de joueurs de tous les âges, tous les sexes et tous les horizons, ce qui fait la fierté du président de la Fédération. « Nous, on fait jouer les 8 ans comme les 80 ans et on fait jouer les filles et les garçons en même temps. On fait jouer tout le monde à tous les niveaux. On s’en fout de prendre 15 à 0. On peut jouer de 10 heures du matin à 8 heures le soir. On peut faire jouer 500, 600 personnes. » Avis aux amateurs et à ceux qu’un petit test physique n’effraie pas.

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Par Gabriel Cnudde

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