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Un triste mois au Maracanã

Par Léo Ruiz, à Rio
Un triste mois au Maracanã

Après des longs mois d'inutilisation, Jeux olympiques obligent, le Maracanã a rouvert ses portes aux quatre grands clubs de Rio pour la dernière ligne droite des championnats de première et deuxième divisions brésiliennes. L'espoir d'un coup de pouce pour des équipes lassées de leur vie de nomades. Espoir déchu : entre prix trop élevés, crise économique, sièges vides et mauvais résultats, l'ambiance n'était pas vraiment au rendez-vous.

Fluminense 2-2 Vitória

33e journée, 20 005 spectateurs

N’y avait-il pas mieux qu’un vendredi soir pour programmer ce match ? C’est la question que se posent les fans du Tricolor qui s’entassent devant la billetterie du secteur sud du Maracanã, cinq minutes avant le coup d’envoi. La plupart sortent juste du boulot, comme Felipe, venu directement en costard. « Regarde ça, c’est magnifique » , dit-il en filmant depuis le pont du métro son arrivée au stade, dont le toit est illuminé en vert et rouge pour l’occasion. Confisqué pour les Jeux olympiques, le Maracanã a rouvert ses portes aux clubs de Rio une semaine plus tôt, lors du match nul entre Flamengo et Corinthians (2-2). Comme ceux de leur rival rubro-negro, les supporters de Fluminense n’avaient plus foulé ces gradins depuis la fin du championnat précédent, il y a onze mois. Une éternité, même si ces coupures sont devenues une habitude depuis le début de la rénovation du stade en vue du Mondial, en 2010. Cette saison, Fluminense a été trimbalé à Volta Redonda (à 130km de Rio), à Cariacica (500km), à Brasilia (1200km), avant de trouver un accord avec l’America Football Club pour louer son petit Giulite Coutinho (13 000 places), situé à Mesquita, à « seulement » quarante kilomètres du centre de Rio. Pourtant, en entrant dans le stade, surprise : seul le secteur sud, c’est-à-dire un quart du stade, est ouvert et rempli. Le reste, entièrement vide, expose ses sièges bleu et jaune de mauvais goût. « Avant, il y avait 200 000 personnes dans ce stade ! » insiste Felipe, entre deux selfies, qui raconte la finale de la Copa Libertadores 2008, perdue aux tirs au but contre Liga de Quito ( « devant 86 000 supporters, une défaite terrible » ), ou encore le « match historique » qui a vu Resende, le club de sa ville d’origine, battre Flamengo en demi-finale du championnat carioca de 2009.

Ce soir, le jeune employé d’une boîte d’informatique s’est placé au premier étage du virage. Ici, on apprécie les nouveaux sièges à bascule et la proximité avec le terrain, on vient avec les enfants, on part s’acheter des bières en plein match et on lâche rarement le smartphone. Entre tout ça, on prend quand même le temps de fêter les deux buts des siens qui, emmenés par sa jeune promesse Gustavo Scarpa, numéro 10 dans le dos et fusil sniper à la place du pied gauche, renversent le score juste avant la pause contre un candidat au maintien. Après quatre matchs sans victoire, Fluminense comptait sur ce retour au Maracanã pour relancer la machine et remplir son objectif : la qualification pour la prochaine Copa Libertadores. C’est raté. Après des mois de vie de nomade, le Maracanã devait être l’atout du sprint final. Mais c’est le contraire : acculé devant son but, à l’opposé du quart de stade occupé, le Tricolor concède l’égalisation dans les dernières minutes. Le deuxième étage du secteur sud, celui qui est debout, qui chante, qui tape sur les tambours, gronde, impuissant. L’histoire se répétera lors de la rencontre suivante à domicile, un match décisif contre l’Atlético Paranaense (1-1) : un match nul, un pic à 40 000 supporters, un péno raté dans les arrêts de jeu, et un basculement dans la deuxième partie de tableau pour conclure l’année. « Je crois qu’il aurait mieux valu qu’on finisse la saison au Giulite Coutinho, constate Felipe, amer. C’est petit et moins prestigieux, mais on avait de meilleurs résultats. Là, c’était un peu triste. » En déprogrammant du Maracanã le dernier match de la saison, contre l’Internacional, pour le faire jouer au Giulite Coutinho, le club lui donnera raison. Le motif ? Trop peu de monde + loyer trop cher = manque à gagner.


Flamengo 0-0 Botafogo

34e journée, 49 382 spectateurs

Les déménagements successifs, Flamengo connaît aussi. Privé de son Maracanã, le club le plus populaire du Brésil a « reçu » cette année à Brasilia, Natal, São Paulo, Juiz de Fora et Volta Redonda. Alors, pour le retour à la maison contre Corinthians (2-2, le 23 octobre), la foule s’était mobilisée, avec près de 65 000 supporters présents et de longues files d’attente aux billetteries dans la semaine. Ce dimanche pluvieux de début novembre, c’est un autre retour : celui du derby, contre Botafogo, le quatrième club de la ville. Dans le métro, Thiago arbore son maillot tout neuf, floqué Diego – rentré en juillet après douze ans en Europe. « Enfin, on joue à Rio, souffle cet employé de L’Oréal à Rio, originaire du centre-ville. Si on gagne tout, on peut encore être champions. » À la descente à l’arrêt Maracanã, les supporters des deux clubs rejoignent ensemble le stade, sans heurt ni provocation. Pas une surprise. À l’image du Mondial, le public présent est majoritairement du profil de Thiago : blanc et aisé. En virage, les places sont à plus de vingt euros. Résultat : moins de monde (49 000 spectateurs) et un public local qui donne de la voix seulement lorsque « o time do povo » s’approche du but adverse. Si les autorités du club critiqueront la partie fermée du secteur sud (pour séparer les torcedores des deux équipes), ils n’expliqueront pas les centaines de sièges vides dans le reste du stade, ni les demandes en mariage et les bisous dans des cœurs sur les quatre écrans géants.

Déçu par le peu de spectateurs du match entre Fluminense et Vitória, Cian, un Irlandais fan de Shamrock Rovers de passage à Rio, est revenu malgré la pluie pour le derby. « C’était mieux, dit-il. Surtout quand Flamengo poussait. Le foot brésilien est étonnant : les deux équipes attaquent sans arrêt, il y a plein d’espaces et d’occasions. Niveau ambiance, j’ai quand même préféré le match de Serie B entre Bahia et Bragantino, au Fonte Nova, à Salvador. » Pour trouver plus de bruit, il faut en fait rejoindre le kop de Botafogo, toujours dans le secteur sud, où environ 5000 fans se sont entassés sous une immense banderole à l’effigie du Loco Abreu (63 buts en 106 matchs avec Botafogo). Plus petit des quatre gros clubs cariocas avec ses deux titres de champion (1968, 1995), l’Alvinegro compense avec des fans fidèles et particulièrement anti flamenguistas. « Favela, favela, silence dans la favela » , hurlent-ils en cœur, avant de pousser sans relâche pendant 90 minutes pour un but qui ne viendra pas (0-0). Tant pis, le nul laisse Palmeiras s’échapper dans la course au titre, ce qui suffit à leur bonheur. Botafogo, qui a depuis 2007 officiellement laissé le Maracanã pour louer le stade olympique – lui aussi réquisitionné -, finira sa saison au Luso-Brasileiro, à côté de l’aéroport international, sur l’île Governador. Un stade que louera la saison prochaine… Flamengo, à qui la victoire échappera à nouveau au Maracanã lors du match suivant, contre Coritiba (2-2), malgré sa paire Diego-Guerrero en attaque. Devant moins de 40 000 supporters-consommateurs.


Vasco 2-1 Ceará

38e journée Serie B, 56 426 spectateurs

Le Vasco, lui, n’a pas les mêmes problèmes de logement. Propriétaire de son Sao Januario vieux de presque 90 ans, dans le quartier voisin Sao Cristovao, il dispute néanmoins sa « finale » au Maracanã. Relégué la saison dernière malgré Nenê élu meilleur joueur du championnat, le Giganta da Colina doit s’imposer face à Ceará pour s’assurer le retour dans l’élite. Cette fois-ci, le stade est plus garni (billets à six euros) et le public plus coloré. Et quand Ceará ouvre le score de loin, la tension, déjà palpable depuis l’avant-match, monte d’un cran. Depuis sa loge, le président du club, Eurico Miranda, est insulté par tout le stade, les joueurs essuyant eux des « time sem vergonha » . Les deux buts encaissés par Náutico, à la lutte avec Vasco pour la montée, redonneront un peu de moral aux troupes dans les tribunes. « On est ridicules, et vous fêtez les buts d’une autre équipe ? » , s’indigne un fan aux bras démesurés, tandis qu’un autre, hors de lui, va voir les quelques supporters assis pour les lever et les forcer à chanter.

À la pause, Geovanne, un peu plus calme que les autres, se confie. « La situation financière du Brésil plombe nos clubs. Il n’y a plus d’argent pour acheter et payer les joueurs. Louer le Maracanã à l’État de Rio coûte cher. Ce match-là, on le joue ici pour faire rentrer du monde, mais aussi et surtout parce que c’est plus sûr que le Sao Cristovao. » Numéro 23 dans le dos, Geovanne montre du doigt les quatre immenses écrans du stade, le toit, puis ces sièges à bascule. « Avant, il n’y avait pas tout ça. C’était moins confortable, mais plus chaleureux et populaire. Alors oui, maintenant on a les écrans, les toilettes impeccables, les sandwichs, etc. Mais on a perdu en ferveur. » Le deal du football moderne, qui après l’Angleterre, la Belgique ou le Parc des Princes, gagne le Brésil et ses stades flambants neufs depuis la Coupe du monde. La fin d’après-midi sera plus heureuse pour les fans du Vasco : deux buts de Thalles en quelques minutes mettront le stade en transe. Pleurs, sprints dans les travées, prières, chants assourdissants : une quinzaine de minutes durant, le Maracanã semble retrouver sa passion. Le Vasco de Gama retrouvera Fluminense, Flamengo et Botafogo en Serie A la saison prochaine. Une année que les fans cariocas espèrent moins mouvementée.

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