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Toros Neza : l’entertainmenent à la mexicaine

Par Marcelo Assaf et Thomas Goubin
Toros Neza : l’entertainmenent à la mexicaine

Teintures de cheveux peroxydées, célébrations de buts loufoques, entrées de rock stars, masques d'horreur ou d'hommes politiques vissés sur la tête. De 1993 à 1997, les banlieusards de Toros Neza ont fait le show en première division mexicaine. Il y a exactement vingt ans, les entertainers en disputaient même la finale...

Les années 1990 ont été celles d’un certain retour à la sobriété : le grunge supplantait le hair metal, la montée des chiffres du chômage rendait caduc le reaganisme triomphant, et le préservatif s’imposait aux ardeurs du temps. Loin d’être monochromes, les années 1990 ont aussi été celles des décolorations et tenues fluo d’André Agassi, de l’âge d’or de Silvio Berlusconi, ou de celui de Palema Anderson gambadant en maillot trop échancré sur les plages de Malibu. Toros Neza, club de la banlieue de Mexico monté en première division en 1993, se situait dans ce deuxième courant, réticent à accepter une rupture avec les années 1980. Son esprit aussi potache qu’électrique était contenu dans le corps d’un attaquant argentin en constant surpoids, puissant comme un taureau et doté d’une technique exquise : Antonio Mohamed, dit « El Turco » . Arrivé au Mexique à seulement 23 ans, après être notamment passé par Boca et Independiente, cet entertainer allait progressivement transformer les Toros Neza en coqueluche de tout le Mexique. Son goût pour le show pouvait, par exemple, le conduire à faire une razzia dans un magasin de jouets pour que son équipe se présente sur le terrain masques vissés sur la tête : de Titi à Freddy Kruger, du chanteur de Kiss à Bart Simpson, en passant par l’ex-président mexicain Carlos Salinas de Gortari (1988-1994), particulièrement haï par son peuple. « Cette idée a surgi quand est sorti le film Mask » , déchiffre son ex-coéquipier et compatriote, Germán Arangio, meilleur buteur de la courte histoire de Neza. Car, oui, les années 1990 ont aussi été celles de Mask

Foot, lucha libre et rock n’roll

Les Toros représentaient Nezahualcóyotl, immense et imprononçable ville, longtemps considérée comme le plus grand bidonville du monde. Un coin où l’urbanisation a fini par se structurer, mais où il vaut toujours mieux fermer ses portières quand l’on circule. Ce qui peut d’ailleurs ne pas suffire. Le champion du monde brésilien Bebeto, passé brièvement par le club, en 1999, pourrait en témoigner. « Bebeto était juste devant moi, se rappelle Arangio. Et deux types, un avec un pistolet, l’autre avec un bâton, ont voulu le braquer. Je suis alors sorti et je leur ai dit : « mais qu’est-ce que que vous faites ? C’est Bebeto ! » Ils l’ont alors laissé filer. Voilà ce pouvait engendrer le football à Neza. » Comme le rappelle Arangio, les joueurs des Toros ne vivaient pas dans leur bulle, mais au contact de la population, dans un environnement où pullulaient carrosseries, stands de tacos et petites épiceries. Pour Jörg Stiel, gardien suisse arrivé à Mexico, en 1993, le contraste était saisissant. « De la Suisse à Neza, c’est un choc, nous dit-il. Les Mexicains me disaient de faire attention, car mes cheveux blonds allaient attirer l’attention, mais il ne m’est jamais rien arrivé. » Pour son unique saison au Mexique, Stiel, alors troisième gardien de la Nati, ne jouera jamais vraiment à domicile, le stade Neza, pourtant hôte du Mondial 86, n’étant pas aux normes pour accueillir des matchs de première division. Avant d’être le trublion du championnat, Neza en était la Cendrillon, contraint de se faire prêter une enceinte, à Pachuca, à plus d’une heure de route de son siège. Mais il n’inspira pas de pitié bien longtemps…

Au pays de la lucha libre, le grand guignol des joueurs de Neza reçut un accueil enthousiaste. Car, une fois installés en première division, les Toros ne se contentaient pas de se présenter masqués. La créativité de Mohamed les conduisaient ainsi à arborer des teintures de cheveux du plus mauvais goût : souvent jaunes, parfois rouges, ou même vertes. Soigneusement travaillées, leurs célébrations de buts égayaient également chaque week-end de football. La plus fameuse ? Quand la moitié de l’équipe s’alignait au sol en attendant que le buteur l’enjambe. « Tout était extravagant dans cette équipe, se rappelle Arangio. À commencer par le propriétaire qui s’habillait en pantalon blanc, chaussures rouges, et chemises à carreaux roses et blancs. » Pas trop du genre à investir dans les infrastructures, Juan Antonio Hernández, un concessionnaire auto qui avait fait fortune en proposant des solutions de crédit innovantes, se montrait toutefois bien plus généreux au moment de recruter.

Outre le talent d’El Turco Mohamed, l’équipe de Neza pouvait ainsi compter sur le rude défenseur argentin Federico Lussenhof – qui fera ensuite carrière en Espagne –, sur le futur sélectionneur mexicain, Miguel « El Piojo Herrera » – devenu célèbre au Mondial 2014 pour ses célébrations de but explosives – ou sur le spectaculaire attaquant brésilien Nideson de Melo, pourtant aux prises avec de gros problèmes d’alcoolisme… Jörg Stiel, lui, était arrivé après avoir reçu une offre équivalente à ce qu’il gagnait en Suisse. « Mais c’était du net » , précise celui qui avait été tenté par une aventure en Amérique latine, après avoir été séduit par Santiago du Chili lors d’un stage de pré-saison. Dès 1994, le gardien reviendra pourtant en Europe. « Je n’aurais pas dû partir si vite de Neza, regrette aujourd’hui l’ex du Borussia Dortmund. Ce fut une grande erreur de revenir à ce moment-là. » Dans les buts de Neza, Stiel sera remplacé par Pablo Larios Iwasaki, gardien aussi élastique que fantasque, qui perdra une partie de son nez à cause d’une addiction à la cocaïne.

« On était une équipe gitane »

Avec un tel casting, Neza ne faisait forcément pas seulement le show en marge du jeu, mais aussi sur le terrain. Les Toros allaient même devenir la deuxième équipe de cœur de tous les Mexicains, à partir de 1996. Petit, modéré et diplomate, l’entraîneur, Enrique Meza, débarque alors à Nezahualcóyotl, et va vite comprendre qu’il doit laisser s’exprimer sa meute pour en tirer le meilleur rendement. « C’était une équipe joyeuse » , résumait-il, sobrement, dans une interview accordée cette année à la télé mexicaine. Avec Meza, Neza va commencer à allier spectacle et résultats. En 1996, les Toros sont ainsi finalistes de la Coupe du Mexique et demi-finalistes du championnat. Toujours en proposant une orgie de jeu. « On était une équipe gitane » , formule Arangio. En 1997, Toros Neza sera ainsi à la fois meilleure attaque et plus mauvaise défense de la saison régulière. Ce qui ne l’empêche pas de vivre le sommet de sa brève histoire. Le 1er juin, à Guadalajara, El Turco, El Piojo et consorts jouent la finale retour du championnat, face aux Chivas. Après le nul de l’aller (1-1), l’espoir d’un titre n’a alors rien d’une chimère. Mais fidèle à sa tendance à passer du tout au rien, Neza va dérouiller au stade Jalisco, et prendre un set (6-1). Le départ, l’année suivante, d’Antonio Mohamed va signifier le début de la fin pour l’équipe banlieusarde, aussi victime d’une certaine folie des grandeurs, symbolisée par le recrutement de Bebeto. En 2000, Toros Neza descend, et disparaît deux ans plus tard. « C’est vraiment triste, estime Arangio. Cette équipe était vraiment spéciale et je dis toujours que si j’avais vingt millions de dollars, j’aimerais relancer cette aventure. » N’est-on pas en plein revival des années 1990 ?

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Par Marcelo Assaf et Thomas Goubin

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