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Sergio Batista: «Messi n’a encore rien montré»

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Sergio Batista: «Messi n’a encore rien montré»

Champion du monde 86, entraîneur des champions olympiques 2008 et actuel entraîneur des moins de 20 ans argentins, «Checho» Batista s'y connaît un peu en ballon. A l'orée du Mondial, il cause sur l'évolution récente du football et décrypte l'Argentine de Diego et Messi...

Le Mondial 2006 a été celui des coups de pied arrêtés. Est-ce que vous pensez que ce sera la même chose en 2010 ?

Je garde l’espoir qu’on verra un football totalement différent de celui de 2006, mais ça me semble difficile… Pour moi le dernier Mondial a été très défensif, voire carrément ennuyeux et je crains que ce soit le programme qui nous attende tous en Afrique du Sud. Aujourd’hui toutes les équipes jouent à ne pas perdre : « On défend comme des malades et on attend de voir ce qu’il se passe » . Le football ambitieux et racé n’existe plus. La tactique, l’ordre, l’athlétisme, la peur de perdre et les phases arrêtées ont eu sa peau. Je déteste ce football-là mais je suis persuadé que c’est ce que nous allons voir en Afrique.

La spéculation, c’est la clé pour devenir champion du monde ?

A la base le football était un sport joyeux, mais ceux qui l’ont fait évoluer l’ont rendu ennuyeux et étanche à la créativité. Le fait que des équipes comme l’Italie ou la Grèce aient gagné des grandes compétitions en jouant un football rachitique a fait beaucoup de mal à ce sport. Mis à part l’Espagne, la philosophie de jeu du Brésil et les intentions offensives argentines, le reste n’est pas glorieux… L’Italie et l’Allemagne ne jouent pas, elles travaillent, et c’est ce qui fait que ces deux équipes seront encore au rendez-vous cet été. Je suis ravi que les Espagnols s‘ajoutent aux favoris habituels, parce que ce sont vraiment les seuls qui ne pensent pas qu’à défendre.

En 86, la sélection argentine avait trouvé l’alchimie entre la technique et la rigueur offensive. Ce n’est pas ce qu’il manque aujourd’hui à l’Albiceleste ?

Nous avions trouvé l’équilibre juste. Nous avions une équipe dans laquelle chacun connaissait son rôle à la perfection, mais il y a une grosse différence entre la sélection 86 et l’actuelle : nous avons eu du temps pour travailler tous ces automatismes. Pendant quatre ans, nous avons travaillé ensemble le lundi, mardi et mercredi, toutes les semaines de l’année. Aujourd’hui, c’est impossible de travailler comme ça avec une sélection. Les sélectionneurs ne disposent jamais des joueurs ; ils ont à peine 20 jours pour travailler tous ensemble. C’est trop peu… Le destin en coupe du monde de l’Argentine s’est joué durant ses stages de préparation. C’est là que la greffe prend ou non entre les joueurs.

Est-ce que vous pensez que Messi a le niveau du Maradona 86 ?

Pour l’instant, Messi n’a encore rien montré avec l’Argentine. Il n’arrive pas à émerveiller comme il l’avait fait avec moi lors des Jeux Olympiques (il était son entraîneur, nda). Je suis sûr que Lionel va être la star de cette coupe du monde. Les cracks brillent seulement pendant les phases finales, où le jeu est paradoxalement plus ouvert que pendant les éliminatoires. Il ne faut pas croire, les éliminatoires ne sont pas difficiles : ils sont très, très durs. Finalement Messi brillera si Maradona le met dans les meilleures conditions possibles. Pour l’instant, Diego n’a malheureusement pas trouvé de solutions à son plus beau problème.

Comment aviez-vous fait pour que Messi se sente à l’aise à Pekin ?

Je lui ai donné une totale liberté en lui expliquant préalablement ce que j’attendais de lui. Moi je l’ai utilisé comme un milieu de terrain excentré, un peu comme Guardiola à Barcelone cette saison. C’est là qu’il se sent le plus à l’aise, fréquemment en contact avec le ballon. Avec Messi, c’est simple : si tu lui donnes un ballon tous les quart d’heure, il s’endort et il sort de son match. Il faut le faire jouer le plus possible. Il faut le rendre heureux, c’est fondamental pour qu’il exploite tout son potentiel. Personnellement j’ai cherché un système où Riquelme, Messi, Agüero, Di María, et Lavezzi pouvaient se sentir à l’aise. Je n’ai pas honte de dire que j’avais une équipe coupée en deux, avec 5 attaquants et 5 défenseurs. Tactiquement, c’est discutable, mais je peux vous jurer que tout le monde était ravi que ça se passe comme ça, à commencer par Messi.

Est-ce que Messi peut gagner un Mondial tout seul à votre avis ?

Non, aujourd’hui ce n’est plus possible. Messi si tu le laisses se démerder tout seul, il ne va rien faire de bon. Il lui faut des joueurs qui parlent le même langage footballistique à ses côtés. La question, c’est de savoir si ses coéquipiers sont bilingues (rires !).

Le problème, c’est qu’il n’a pas de coéquipier fixe à ses côtés…

Je suis certain que Maradona a dû se poser 10.000 fois la même question : « Mais pourquoi il est le meilleur à Barcelone et pas avec l’Argentine ? » . Les réponses, il les aura à la fin du stage, quand il aura côtoyé Messi pendant quelques jours. Guardiola, quand il a un problème avec Messi, il l’emmène dîner ou lui paie un café au lait. Ce genre de trucs, Maradona n’a pas pu se le permettre durant les derniers mois. Diego n’a pas pu travailler autant qu’il aurait voulu avec Messi et ça il le regrette vraiment parce qu’il veut en faire un clone du joueur qu’il était en 86. Son gros souci et sa principale préoccupation aujourd’hui, c’est d’entourer convenablement son crack. Il sait que l’avenir de son équipe peut se jouer sur les noms qui accompagneront Messi sur le front de l’attaque. En 86, le travail de Bilardo avait été plus facile. Il laissait Maradona tranquille et il se contentait d’être sur le dos du reste des joueurs pour blinder son bloc équipe. Tout le monde avait accepté cette situation car Maradona pouvait gagner un match à lui tout seul quand bon lui semblait.

Quelle est l’équipe qui a le plus progressé depuis le dernier Mondial ?

Sans aucun doute l’Espagne. Non seulement ils sont devenus compétitifs mais en plus, ils pratiquent un football de rêve. Pour moi, c’est la meilleure Roja de l’histoire. Par le passé, les footballeurs espagnols avaient un mental défaillant, mais ils ont arrangé ce problème aujourd’hui. Ils se sont rendu compte que la Furia ne les mènerait nulle part et aujourd’hui, ce sont les meilleurs du monde. J’espère seulement qu’ils vont tenir toutes les promesses affichées durant l’Euro. En 86, la Colombie de Valderrama pratiquait un jeu très léché et au final, ils ont complètement loupé leur tournoi. Ce serait bien qu’ils s’en inspirent pour ne pas reproduire les mêmes erreurs.

Est-ce que les adversaires de l’Argentine sont accessibles ?

Aujourd’hui toutes les sélections sont difficiles à jouer. Il n’y a plus vraiment de gros écarts donc il faudra faire attention. Les Argentins ne doivent pas considérer qu’ils sont déjà qualifiés, ce serait la plus grande erreur qu’ils puissent commettre. Pour moi le Nigeria est une équipe très difficile à manier. Ils sont très physiques mêmes si c’est vrai que techniquement, ce n’est plus trop ça. Et puis il y a les Grecs. Eux, ce sont des murailles…

D’autant que leur groupe est toujours constitué des champions d’Europe 2004…

Cette année-là, ils ont gagné une compétition mais aussi le respect des adversaires. Ils se mettent tous derrière en attendant une contre-attaque. C’est pas joli, mais ça fonctionne bien pour eux. L’Argentine ne doit pas faire d’excès de confiance. Un Mondial, ça ne pardonne pas. Il y a sept matchs à jouer et autant de finales : si tu les abordes avec confiance, tu es mort.

Quel est le groupe de la mort selon vous ?

Celui de l’Uruguay. Toutes les équipes de ce groupe se valent. Bien sûr, il y a la France, mais elle n’impose plus vraiment le respect… Pour moi, son élimination ne constituerait pas une surprise.

Quels sont vos favoris alors ?

Ce sont toujours les mêmes : Allemagne, Brésil, Italie… Et je rajouterai le Portugal et l’Angleterre. J’aime bien le football portugais. Techniquement, c’est très bon. Par contre, je mise sur l’Angleterre uniquement à cause de Capello. Je garde un souvenir affreux de leur championnat. Tout le monde affirme que c’est le meilleur du monde, mais moi, ça ne m’a pas convaincu. Effectivement ils ont trois quatre bonnes équipes, mais le reste, ça ne vaut rien. Quand j’étais au stade je me disais : « C’est pas possible qu’ils jouent comme ça ! » . Ils jouent comme des sauvages, sans cerveau. Ça m’a dégoûté à l’époque, « c’est pour voir autant de médiocrité que je suis venu ici ? » ! (Rires).

Propos recueillis par Veronica Brunati ; traduction : Javier Prieto Santos

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