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Rogério, le chant du Ceni

Par William Pereira, tous propos recueillis par Sport TV Brasil
Rogério, le chant du Ceni

Il a fini par le faire. Après plusieurs années d’hésitation, l’immense Rogério Ceni a raccroché gants et crampons au début du mois de décembre. L’occasion de revenir sur la vie et les exploits d’un portier qui savait tout faire.

Terminer là où tout a commencé, tel est le souhait de Rogério Ceni, 42 ans et jeune retraité. Le natif de Pato Branco a confirmé, lundi 14 décembre, que son jubilé se tiendrait à Sinop, ville de son club formateur où est encore basée une grande partie de sa famille. C’est là-bas qu’enfant, le futur M1TO ( « mito » , le mythe) répète ses gammes et apprend le métier de gardien de but dans le jardin familial, au côté d’un père qui a été portier avant lui. « Un coup, j’allais aux cages et lui tirait, un coup c’était l’inverse » , se rappelle Eurides Ceni. Le jeu au pied du fiston est déjà du niveau de celui d’un bon joueur de champ, à tel point que celui-ci n’hésite pas à s’aventurer hors de sa surface pour dribbler et se donner la place de relancer. Ceni senior s’interroge et demande à son fils s’il veut vraiment rester entre deux poteaux toute sa carrière alors qu’il pourrait évoluer au moins un cran au-dessus. « Il y a des défenseurs qui ne font pas ce qu’il fait avec ses pieds » , se vante-t-il. Mais Rogério ne veut rien entendre et reste dans les buts. Excellent sur sa ligne, il se distingue très rapidement par ses réflexes hors du commun et une détente remarquable, à tel point que l’équipe professionnelle de Sinop veut en faire son troisième gardien pour le championnat de l’État du Mato Grosso, en 1989.

Âgé de 17 ans, le jeune homme est tenté par l’aventure, mais travaille déjà dans une agence du Banco do Brasil (Banque du Brésil). Pour papa Ceni, il est inenvisageable que son rejeton perde son job pour cirer le banc du club local pendant les quatre courts mois que dure la compétition. Ce n’est que partie remise. En 1990, Sinop reformule sa demande, et le néo majeur se jette sur l’occasion. Bien inspiré, le gamin reçoit en plus un coup de pouce du destin quand, le 19 avril 1990, jour de match contre l’équipe de Cáceres, le deuxième gardien, remplaçant du titulaire blessé au genou, se met à son tour hors-service sur une sortie aérienne musclée. Le tableau d’affichage est bloqué à 1-1 quand Rogério Ceni fait sa première apparition, et le restera jusqu’au coup de sifflet final. C’est que le bizut a la bonne idée de sortir un penalty et trois autres frappes cadrées afin de rassurer des coéquipiers sceptiques quant à sa capacité à s’affirmer à ce niveau avec si peu d’expérience. Une prestation qui lui vaudra de garder les poteaux de Sinop jusqu’à son départ à São Paulo, une poignée de mois plus tard. Les chiffres de son unique campagne dans le championnat mato-grossense sont édifiants. Douze matchs, cinq buts encaissés et sept clean sheets.

« C’est bon, on le prend, lui »

Né dans l’État du Paraná où sa famille a vécu jusqu’en 1985, Rogério Ceni ne répond pas à l’archétype du footballeur auriverde dont les pieds nus caressaient les vieux ballons déchiquetés des favelas brésiliennes. Ses parents ont toujours fait partie de la classe moyenne, si bien que lorsqu’ils s’installent à Sinop, ils décident d’acquérir une petite ferme. L’un de leurs voisins n’est autre qu’un ancien dirigeant du club de la ville, qui a beaucoup de contacts du côté de São Paulo. C’est ce dernier qui conseille à Rogério Ceni de faire des essais au São Paulo FC plutôt qu’à Palmeiras, moins bien structuré, où souhaitait initialement se présenter le gardien pour des questions d’affinités. L’éphémère star de Sinop n’a besoin que d’un après-midi pour convaincre l’entraîneur des gardiens du Tricolor. La légende veut même qu’après un quart d’heure d’essai, ce dernier s’est tourné vers l’entraîneur principal, Pablo Forlán, pour lui dire : « C’est bon, on le prend, lui. »

Malgré un talent certain, le natif de Pato Branco a du mal à s’adapter à l’immense capitale paulista. Son jeu en pâtit. « Il n’avait connu rien d’autre que sa petite ville, alors qu’à São Paulo, tout est loin, tout le monde est seul, y compris lui. Il vivait seul dans un appartement, c’était vraiment nouveau pour lui. » Au SPFC, il met du temps à gravir les échelons, si bien qu’il n’est toujours pas titulaire quand l’équipe junior atteint la finale de la Coupe de l’État de São Paulo en 1992. Seul un nouveau clin d’œil du destin, cette fois bien plus tragique, l’installera définitivement dans les buts des espoirs. Le prometteur Alexandre, annoncé comme l’héritier de l’illustre Zetti, trouve la mort dans un accident de voiture et laisse la voie libre à un Ceni endeuillé par le décès de son ami qui « était beaucoup plus fort que moi » . Après un titre de champion de São Paulo avec les espoirs un an plus tard, l’ancien portier de Sinop voit Têlé Santana lui accorder sa confiance à l’occasion d’un match amical contre Tenerife lors duquel il fera ses preuves. Rogério, comme on l’appelait à ses débuts, est un homme de défis. Mais il faut plus que du cran et quelques apparitions prometteuses pour déloger la légende Zetti qui devient, au fil du temps, son mentor. En fait, Ceni ne parviendra à détrôner personne dans sa carrière, puisqu’en 1996, il ne devient titulaire qu’à la faveur du départ de son « maître » pour le rival de Santos. C’est le début du M1TO.

L’offre d’Arsenal et les larmes de 2004

Auteur de son premier but après trois matchs, vainqueur du championnat de l’État de São Paulo à son deuxième essai, le gardien brésilien devient rapidement indiscutable. Et capitaine. Son professionnalisme et son attachement au club font de lui le joueur préféré de la torcida paulista. L’histoire d’amour, longue de près de vingt ans, entre le public et son goleiro aurait pourtant pu tourner court quand, en 2001, ce dernier est écarté du club pendant 29 jours. En cause, un fax d’Arsenal qui prétend alors vouloir acquérir les droits sportifs du Brésilien, et dont le président de São Paulo de l’époque, Paulo Amaral, doute de la véracité. De fait, il pense que Rogério Ceni a inventé ce document pour annoncer son refus d’être transféré à Londres dans le but de donner une légitimité à sa demande de revalorisation salariale. Le scandale éclate définitivement quand la direction du SPFC divulgue un prétendu démenti des Gunners de l’offre en question. La théorie se confirme, Amaral et les journalistes fustigent Ceni. Pourtant, il est aujourd’hui impossible de savoir qui mentait ou non dans cette histoire bouclée en coulisses en même temps que l’annonce de l’augmentation et de la prolongation du gardien de but jusqu’en 2004.

Tout aurait aussi pu se terminer à la date de la fin de ce fameux contrat. 2004 est, dans la vie de la légende au crâne dégarni, une année maudite. Trop d’erreurs, de fautes de mains, de réflexes défaillants, moins de concentration, de vitesse… Le 27 juin, alors que São Paulo se rend chez l’ennemi de Palmeiras, les chants contestataires des supporters du Tricolor ayant fait le déplacement viennent s’ajouter à l’hostilité ambiante du Pacaembu. Forcément, Ceni craque. Sur un coup franc dangereux à l’entrée de la surface, l’international auriverde est incapable de reprendre en un seul temps le tir puissant de Pedrinho. Le ballon fuit dans les pieds de Vágner Love, qui, roublard, profite de l’étonnante lenteur du portier adverse à se jeter dans ses pieds pour inscrire le but fatidique. Palmeiras l’emporte 2-1, et ce n’est pas le penalty raté de Luís Fabiano un peu plus tard qui détournera l’œil de Sauron du gardien du SPFC qui fond en larmes dans le vestiaire. Son sens du devoir le pousse à présenter sa démission sur la table du président. « Si vous estimez que l’heure est venue pour moi d’arrêter, pas de problème. Arrêtons maintenant. » Refus catégorique de la direction du club. Heureusement. Le numéro 01 avait encore beaucoup à donner.

La parade du siècle sur un coup franc de Gerrard

2005 sera l’antithèse de l’année précédente. Championnat paulista, Copa Libertadores, Coupe du monde des clubs… Le SPFC rafle quasiment tous les trophées qui se présentent à lui et Rogério Ceni n’est pas étranger au succès de sa formation. Pour 77 rencontres disputées, il encaisse, certes, 103 pions, mais en plante surtout 21, dont deux coups francs contre Tigres et l’UD Chile en Libertadores. En finale du Mondial des clubs, o M1TO soigne son ratio défensif en enlevant de l’angle droit du but un coup franc parfait de Steven Gerrard. Liverpool, qui passe alors tout près de l’égalisation, ne reviendra jamais au score. La faute à un arbitre capricieux (trois buts refusés) et un Ceni de gala qui sort trois autres occasions nettes. En plus de la coupe, le natif de Pato Branco est sacré Ballon d’or de la compétition. Un véritable exploit pour un portier. Manuel Neuer en sait quelque chose.

Mais ce n’est pas tout. Le Pelé des cages fait encore mieux en devenant Ballon d’or du Brasileirão 2008. Au pays du football, des techniciens, des otaries, de Pelé, Zico, Ronaldinho ou Neymar, un vieux chauve aux gants blancs a réussi à se hisser au sommet de la hiérarchie nationale. Vide générationnel ou pas, l’exploit est de taille et aide un peu plus Rogério Ceni à entrer dans la légende de São Paulo. Le passage de la barre des 100 buts inscrits et celle des 1116 matchs de Pelé pour un même club en font définitivement un joueur à part. À force de rester, à force de vieillir dans les cages du Morumbi, personne ne pensait un jour le voir prendre sa retraite. Pourtant, le dimanche 6 décembre au soir, o M1TO a raccroché les gants. Et les crampons. Chapeau l’artiste.

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