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René Vignal, goal voleur

Par Grégory Sokol
René Vignal, goal voleur

René Vignal s’en est allé, à quatre-vingt-dix ans. Le fantasque ancien gardien de but international fut sans doute le premier showman du football français. Hommage à un fripon dont la vie aurait pu inspirer Audiard.

Les Néerlandais peuvent aller se rhabiller avec leur Non-Flying Dutchman de Dennis Bergkamp, le poltron qui ne prenait jamais l’avion. Avant, bien avant, les Français possédaient leur Flying Frenchman. Un surnom octroyé en 1949 par la presse britannique à celui qui, devant plus de 120 000 personnes entassées à l’intérieur de Hampden Park, à Glasgow, multiplia les prouesses entre les poteaux carrés. Parmi celles-ci, un penalty stoppé grâce aux conseils avisés glissés la veille lors d’une soirée par l’ambassadeur de France en Écosse qui connaissait le côté fétiche du tireur. Les plus jeunes n’ont probablement jamais entendu parler de lui, les moins jeunes ne l’ont probablement jamais vu jouer. Pire, beaucoup se moqueront éperdument de savoir qui était ce vieillard dont on parle vaguement. René Vignal était bien plus qu’une simple ligne d’une interminable liste ressassant les joueurs ayant un jour porté le maillot tricolore sur Wikipédia.

Bébel fan de ses prouesses

Le matou est un hyperactif. Ce Biterrois né en 1926 est rebaptisé ainsi pendant l’adolescence après de multiples bagarres et bêtises en tout genre. René Vignal pratique plusieurs sports pour canaliser une énergie débordante, dont le football. Pas une passion au départ pour l’adepte de l’école buissonnière, mais un gagne-pain de par les primes de match. À quinze ans, il n’occupe même pas encore le poste de gardien de but, mais celui d’attaquant chez les seniors. « Un jour, le gardien de l’équipe première a eu un problème avec les gendarmes. C’était pour un vol de bois, donc je l’ai remplacé. Et il s’est avéré que dès le premier match officiel, ça a très bien marché. C’est le destin : si le gars n’avait pas volé du bois, je n’aurais pas fini dans les bois ! » , se plaisait-il à raconter. L’ascension peut commencer, et l’usine où il travaillait l’oublier.

Après deux saisons au Téfécé, Vignal rejoint la capitale et un club alors aussi phare qu’inconstant, le RC Paris, lui permettant de soulever la Coupe de France en 1949, premier et seul trophée de sa carrière, ainsi que dernier du club à ce jour. Coiffé de sa casquette, vêtu d’un pull col en V et sans gant, il dénote de par son style kamikaze. Il est de coutume de dire que le goal est différent du reste de l’équipe, un peu fou, lui l’était sans doute plus que la moyenne. Au-delà de ses plongeons extravagants, le casse-cou affectionnait tout particulièrement les sorties dans les pieds de l’attaquant tête la première pour un spectacle assuré déplaçant les foules, dont Bébel himself. Vedette, René Vignal succombe aux charmes de la vie nocturne parisienne et aime flâner du côté d’un Pigalle bien différent de celui que les touristes découvrent aujourd’hui. « Ce n’est pas présomptueux, mais c’est vrai qu’à l’époque, il n’y avait pas un jour sans un article sur moi » , révélait-il, à une période où le football ne monopolisait pas autant de place.

Les cabarets plutôt que les églises

Spectaculaire peut-être, mais auteur de performances suffisamment efficaces pour être appelé à prendre la suite de son modèle Julien Darui dans les cages de l’équipe de France. Dix-sept fois très exactement, avant qu’une vilaine blessure sur une énième folie ne le prive de la Coupe du monde 1954 en Suisse et ne mette brutalement un terme à sa carrière au haut niveau. Pris au dépourvu, René Vignal n’avait pas précisément songé à son après-carrière. « Quand t’as fait que ça dans la vie… C’est là que j’ai commencé à faire le con. » Certaines rencontres durant sa carrière vont le desservir, fréquentant « les cabarets plutôt que les églises… » Des soirées mondaines où ils tissent toutes sortes de liens. Jean-Paul Belmondo, le président Vincent Auriol, Maurice Chevalier, mais aussi la pègre, comme les frères Guérini, famille également vedette mais milieu corso-marseillais. Pour Vignal, ce sont des clients du bistrot dont il est propriétaire ou à qui il vend du martini, mais surtout « des gars sur qui tu peux compter, je connaissais tous les cadors de la voyoucratie quand j’étais sur Paris ou Marseille » .

Celui sur qui il pourra surtout compter, c’est en fait Just Fontaine. René Vignal se fait pincer pour de multiples braquages à main armée perpétrés dans les années 60, vingt-sept très exactement, pour un magot dérobé s’élevant à 65 millions de francs. Vignal n’en reconnaît que quatre, relativisant en expliquant que les armes n’étaient même pas chargées. Pour la première fois de sa vie, sa notoriété ne joue pas en sa faveur : « Je prends quinze ans. On était cinq et il y en a qui prennent cinq ans, trois ans. Et moi, quinze. Pourquoi ? Parce que je m’appelle René Vignal, que je suis le gardien de l’équipe de France. » Les témoignages de Batteux, Kopa et surtout Fontaine ne changent rien à la sentence. Plein de ressources, il tâte quand même le cuir en prison et se facilite la vie autant que faire se peut. « Je suis resté huit ans à la centrale de Muret en tant qu’auxiliaire des sports, le meilleur poste de la centrale. »

Un pionnier à son poste

Mais toutes les bonnes choses ont une fin et, à sa sortie de prison en 1978, vexé de ne pas avoir pu passer un stage à Reims pour s’occuper de footballeurs professionnels quelques années plus tôt car trop jeune, le cascadeur s’enterre petit à petit dans la solitude. Son ami Justo ne l’oubliera pas et continuera de lui rendre visite de temps en temps jusqu’au bout. Si Vignal reste dans les mémoires notamment de par ses frasques, les documents vidéo n’étant pas légion, il serait bien injuste de simplement le résumer à cela. « C’était le premier gardien à faire le show, à attirer les gens au stade. Il a influencé plusieurs gardiens, que ce soit par sa personnalité ou dans son jeu, dont par exemple Pascal Olmeta » , argue Vivien Couzelas, journaliste et auteur d’un ouvrage sur l’école française des gardiens de but. Lundi dernier, dans son petit appartement de Quint-Fonsegrives bien loin des standards de ceux des femmes fortunées qui l’entretenaient au sommet de sa gloire tel un gigolo, René Vignal a pris son dernier envol. Sans se soucier cette fois de l’atterrissage.

À visiter : le site http://www.rene-vignal.fr/

Dans cet article :
Jonathan Clauss sera absent pour trois à quatre semaines
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Par Grégory Sokol

Propos de René Vignal de So Foot Hors-Série 7 Faits Divers, 2013
À lire : L’école Française des gardiens de but, Vivien Couzelas, éditions du Volcan 2016

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