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Renard : merci Claude, merci Gérard !

Par Vincent Riou
Renard : merci Claude, merci Gérard !

Hervé Renard est à un match de remporter sa deuxième CAN en tant que coach. Pas si mal pour un type qui a foulé le continent africain pour la première fois à la mi-2007, en provenance de Cherbourg. C'était au Ghana, l'adversaire de la Côte d'Ivoire, justement, dimanche soir. Retour sur un destin qui n'était pas franchement écrit d'avance.

À quoi se joue un destin ? Bien souvent, à des petits riens. Pour Hervé Renard, le coach des Éléphants, l’un de ces moments a priori insignifiants, mais décisifs dans la tournure qu’a prise sa carrière jusqu’alors très modeste, s’est joué dans un hôtel d’Accra. C’était en 2008, pendant la CAN ghanéenne. Claude Le Roy, le coach des Blacks Stars, discute avec son ami Kalusha Bwalya, le président de la fédé zambienne. Il est à la recherche d’un entraîneur pour les Chipolopolos. « Quand Claude lui sort mon nom, Kalusha répond « Ce Renard, personne le connaît, il est préparateur physique ! » Officiellement, vu que le staff existait déjà quand je suis arrivé au Ghana, c’était mon statut. Donc Claude lui a expliqué que j’étais son assistant, que j’avais déjà coaché des équipes. Comme quoi la communication, attention, ça peut jouer des tours » , racontait Renard en janvier dernier à l’occasion de l’entretien qu’il avait accordé à So Foot. « Kalusha, ensuite, s’est renseigné sur moi. Et il m’a confié longtemps après qu’il m’a beaucoup observé, puisqu’on était dans le même hôtel. »

« Le Ghana, c’était du caviar »

Et Dieu sait qu’il s’en est passé, dans cet hôtel. Le 26 janvier, par exemple, soit le surlendemain d’une victoire peu probante contre la Namibie (1-0). Renard se réveille de bonne heure, en plein milieu d’un cauchemar bien réel dont son imaginaire n’aurait d’ailleurs jamais pu échafauder le scénario : quatre joueurs – les frères Gyan, Baffour et Asa – ont fait leurs valises. Ils ne supportent plus la pression populaire et médiatique. Ils craquent littéralement, surtout Asamoah, coupable d’avoir vendangé, une fois de plus : « Ils voulaient partir, ils étaient prêts ! Les autres joueurs et le staff les ont retenus, et donc j’ai prévenu Claude, détaille Renard. Ils étaient en pleurs, la mère des Gyan avait été inquiétée au marché, ça a été assez chaud. J’étais dans les couloirs quand Claude les a persuadés de rester. » Les parents déboulent, des ministres aussi, et même, sur les coups de midi, le président John Agyekum Kufuor, qui vient participer à la séance de calinothérapie : « C’était une affaire d’État, ça n’a rien de surprenant en Afrique, ça peut prendre des proportions politiques importantes, le foot. Le président leur a dit qu’il se faisait lui-même insulté à la radio tous les jours. »

Pour l’actuel coach des Éléphants, qui n’avait jamais mis les pieds en Afrique noire avant 2007, débuter par le Ghana, pays organisateur de la CAN, « c’était du caviar » . Obligé de choper le virus : « Il y avait une ambiance de fête pendant des mois. C’est éblouissant pour un petit Savoyard qui ne rêve que de football et qui débarquait de Cherbourg, où il n’y avait parfois que 300 personnes au stade. Et là, tu côtoies Ayew, Mensah, Muntari, Gyan, on en passe et des meilleurs. Les joueurs ghanéens, ce sont des stars, le peuple en a fait des stars, mais Claude avait réussi à constituer un groupe qui n’était pas difficile à manager, et je n’ai jamais eu aucun problème aux entraînements. Un Essien n’était pas difficile à gérer sur le terrain. Après, à l’extérieur, chacun fait ce qu’il veut… » Finalement, le Ghana finit troisième de « sa » CAN, éliminé 1-0 par le Cameroun en demi-finale. Il perdra sur ce même score, quatre ans plus tard, et au même stade de la compétition, contre la Zambie de Renard qui allait remporter le trophée en finale aux tirs au but contre la Côte d’Ivoire, qu’il coache aujourd’hui. Pour lui, l’une des grandes faiblesses du Ghana, c’est la suffisance, une certaine forme de complexe de supériorité… : « Contre la Zambie, les joueurs se voyaient qualifiés. Ils ont une confiance en eux incroyable. C’est un peu comme le Nigeria, il y a eux et les autres. Ils sont fiers, c’est une force, mais parfois ça se retourne aussi contre eux. »

Claude Le Roy, l’entremetteur

De la confiance en lui, Renard n’en manque pas non plus : « Dès le début, quand je l’ai suivi en Chine, j’ai dit à Claude que je n’avais pas vocation à être numéro deux toute ma vie. Au Ghana, j’animais les séances, je m’occupais de la préparation physique, et après, tout ce qui est tactique et mise en place, c’est Claude qui s’occupait de ça, les rôles étaient bien définis. Mais il déléguait beaucoup, me laissait beaucoup de place. C’était une super école pour moi. Je lui dois tout, à Claude. Sans lui, je serais en CFA, ou en National. » Comme tous les ambitieux, Renard apprend vite. Et Le Roy n’est ni le pire ni le moins bavard des professeurs : « Je suis une vraie éponge. Avec Claude, en Chine déjà, on partageait au moins un repas par jour et on parlait tout le temps de l’Afrique, notamment du Cameroun où il a vécu des expériences extraordinaires. » À quoi se jouent les destins ? La rencontre avec Le Roy, ô combien cruciale donc, est elle aussi un improbable concours de circonstances. C’est Pierre Romero, un ami commun, qui fait les présentations, quand il apprend que son copain Claude cherche un adjoint pour partir entraîner un club en Chine. La rencontre entre le sorcier globe trotter et le jeune entraîneur inconnu qui vient de faire monter Draguignan en CFA a lieu en Avignon : « 24 ou 48 heures après, il m’a rappelé pour me dire « Prépare tes bagages ». Ma femme a gardé la boîte quelques mois, puis on l’a vendue, il fallait prendre un autre virage, définitivement. Rapidement, j’ai compris que ça pouvait durer, j’avais confiance, et aucune envie de revenir à ce que je faisais avant. J’allais y arriver, devenir entraîneur professionnel. »

C’était déjà ce même Romero qui avait soufflé à Renard l’idée de créer son entreprise. Un plan business servi sur un plateau, alors que le joueur de 26 ans évolue en National, à Vallauris : « Il gérait un syndic de copropriété et en 1994, il me propose de monter une boîte pour prendre le secteur d’Antibes. Il avait déjà les clients pour commencer. Donc je me suis lancé avec ma femme dans la prestation de services et nettoyage pour résidences. Ça a bien marché, on a fini avec quatre employés. Ça m’arrivait de sortir les poubelles, mais c’est réducteur, je faisais aussi de la gestion, du commercial, un peu tout, comme tous ceux qui ont une petite société. Comme entraîneur, à Draguignan, je gagnais 1 500 euros, ça ne suffisait pas, et je savais très bien que ça prendrait des années avant que le football puisse faire vivre correctement ma famille. » Au moment où il crée sa « boîte » , Renard gagne déjà « plutôt bien » sa vie en tant que joueur de Vallauris. Il évolue aux côtés de joueurs du calibre de « Zoran Vujović, Bernard Grax, le père de Sébastien, Roger Amalfitano, le père de Morgan, et Romain. Je les ai entraînés, d’ailleurs, en poussin. » Si la paie est plutôt bonne, c’est que le club est alors généreusement financé par Francis Guillot, le président de la Serel, une entreprise de signalisation routière, qui sera bientôt poursuivi – et condamné à 5 ans avec sursis – pour abus de biens sociaux et corruption active dans l’une des nombreuses affaires dans lesquelles sera impliqué l’ancien maire de Nice, Jacques Médecin.

Un coup de fil à Gérard ?

Finalement, l’argent n’aura jamais été vraiment un problème pour Renard. Ni avant, donc, ni après qu’il ne réalise son rêve de devenir entraîneur de football professionnel. Quand il quitte Alger pour la Zambie, puis la Zambie pour Sochaux, il accepte de baisser son salaire. Il a refusé des ponts d’or à plusieurs reprises pour coacher dans le Golfe. Selon la presse ivoirienne, il n’aurait exigé « que » 32,5 millions de FCFA (50 000 euros) mensuels pour coacher les Éléphants, afin de mettre toutes les chances de son côté et ne pas se faire doubler par Frédéric Antonetti ou José Manuel de Jesus. C’est évidemment énorme quand on sait combien sa situation professionnelle était précaire, il n’y a pas si longtemps. En 2004, à son retour d’Asie (après la Chine, il aura une aventure sans lendemain au Vietnam), il chôme pendant trois mois et s’apprête à accepter un boulot dans un hôtel quand Claude Le Roy, engagé avec Canal Plus, lui propose le poste d’entraîneur à Cambridge qu’il vient de refuser. Dans le club de D4 anglaise, il aura d’ailleurs l’honneur d’un coup de fil d’Alex Ferguson himself. Mais pas pour lui proposer de devenir son assistant. « Au début, il m’a parlé un peu en français. C’était pour John Ruddy. Il avait 17 ans, il était deuxième gardien, et j’ai décidé de le mettre numéro un. Ferguson, comme d’autres, était intéressé, mais finalement il est parti à Everton. » Viré par Cambridge, Renard voit ses économies fondre dangereusement et son destin dans le football s’éloigner un peu plus quand le président de Cherbourg, Gérard Gohel, lui tend la main après six mois d’inactivité. Ce sera la première personne qu’il appellera après avoir gagné la CAN avec la Zambie. « Pour le remercier de sa confiance. Quand je lui ai dit que je partais au Ghana rejoindre Claude, que je ne pouvais pas faire autrement, que c’était un rêve, je me souviens de son visage, ça a été dur. Je pense que sportivement, il savait qu’il pouvait me remplacer sans problème, mais qu’humainement… » À Abidjan, on prie très fort pour que dimanche soir, Hervé Renard passe un coup de fil à son copain Gérard.

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