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Remy Billard, le Forrest Gump rémois

Par Adrien Hémard
Remy Billard, le Forrest Gump rémois

À quatre-vingt-sept ans, Remy Billard n’est pas le plus vieil abonné du Stade de Reims, devancé par une Colette de quatre-vingt-douze printemps. Mais il s’en fout, et nous aussi, parce que c’est de loin le plus charismatique. Retraité dans son petit patelin de sept cents habitants, il a connu le foot avant guerre, la capitulation allemande, le Grand Reims, les vestiaires de l’Euro 84, la DH et la renaissance de Reims. Portrait d'un papy qui pétille.

La première fois, ça ne s’oublie pas. Sauf pour Remy, qui a complètement zappé son premier match à Auguste-Delaune, un soir de 1938. À l’époque, le Stade de Reims vient de fusionner avec le Sporting et végète en deuxième division. Âgé de huit ans, Remy découvre un lieu qu’il ne quittera plus. « Au début, j’allais au stade en vélo. On était une dizaine, on arrivait après vingt-deux kilomètres, on entassait nos vélos, et on courait dans le stade. Il n’y a jamais eu de problèmes, je ne sais pas comment on a fait. » Adolescent, il quitte sa campagne pour l’internat d’un lycée à Reims, où il assiste à la capitulation allemande, le 7 mai 1945. Trop occupé à observer Roosevelt, Churchill et les Allemands, il en oublie ses devoirs. Verdict : deux heures de colle. Mais le véritable événement pour Remy, c’est le dimanche, quand le Stade de Reims joue à Delaune. « C’était vraiment chouette la Libération, parce qu’Eisenhower avait réquisitionné l’internat et donc on dormait chez l’habitant. Du coup, on pouvait se barrer, aller au stade et découcher. »

Un précurseur des dép’ en J9

Un âge d’or vite révolu, mais sa carrière de supporter prend un tournant lorsqu’il devient camionneur. Au volant d’une Citröen B14 normande, il se rend sur la place de son village avant chaque match : « Je baissais le haillon à l’arrière, on tapissait le coffre de paille et je le remplissais au maximum de supporters. Les autres attendaient le match d’après. » Un précurseur des dép en J9. Remy et ses troupes attendaient ensuite le début du match synonyme d’ouverture des portes, quand ils ne forçaient pas les grilles : « On n’a jamais acheté un billet ! Souvent, on regardait le match debout sur les buvettes. »

Dès lors, il ne rate plus aucun match et assiste à l’éclosion du Grand Reims : « Personne n’était au-dessus, et personne ne l’est dans l’histoire. En 1958, Reims, c’était l’équipe de France. » Personne sauf le Real Madrid, qui bat les Rémois deux fois en finale de Coupe des champions en 1956 et 1959. « J’y étais en 1956, c’était en nocturne au Parc des Princes, je n’ai jamais compris comment on avait perdu. » Des années dorées avec des joueurs mythiques qui font briller les yeux du vieil homme. Mais Remy, tireur d’élite lors de son service militaire, est aussi un patriote. Alors l’Euro 84 à domicile devient vite une priorité.

Pigeons, Platini et faire-parts de décès

Camionneur de métier, éleveur de pigeons à la maison : Remy combine souvent les deux. Parfois, il conduit même les volatiles en camion jusque Barcelone. « Et ils rentraient avant moi ! » , prévient-il. Un passe-temps lucratif, puisqu’à l’époque, les grands matchs du Parc des Princes sont précédés d’un lâcher de colombes. Le supporter inconditionnel du Stade de Reims se retrouve ainsi à des rencontres de rugby. « J’étais au bord du terrain, mais je ne regardais pas les matchs, je regardais les tribunes. Les Écossais m’impressionnaient. » En 1984, c’est l’Euro qui s’invite au Parc. Une occasion à ne pas louper pour Remy et ses pigeons. Grâce à son lâcher de colombes en ouverture du tournoi, il assiste en première loge au match inaugural France-Danemark. « On m’a donné un badge et une place présidentielle, mais je suis resté au bord du terrain. Je m’en foutais des VIP ! Après le match, je me suis baladé dans les vestiaires et j’ai même fêté la victoire avec Platini, c’était une autre époque. » Avant la victoire, Remy a surtout fêté le premier but des Bleus avec eux sur le terrain, en tapant la cuisse de Platoche. Un striker ? Non, il profitait juste de son badge de lâcheur de pigeons pour squatter le bord de la pelouse. Ce soir-là, il rend même fou de jalousie les journalistes qui voient cet inconnu au bob vert s’incruster dans les coursives et le vestiaire. Avant de passer la nuit au Parc des Princes, dans son fameux camion. « On m’a volé un ballon du match que j’avais conservé, mais c’était le plus beau jour de ma vie. » Mieux que celui de la finale, qu’il a vécu sur une aire d’autoroute. Trente-trois ans plus tard, il conserve précieusement le numéro de Onze mondial qui contient les preuves photographiques.

Mais Remy n’a jamais lâché les Rouge & Blanc. Après un lent déclin, et malgré le sursaut des années 1970 avec Carlos Bianchi et Delio Onnis, Reims dépose le bilan en 1992. Retour en DH, mais toujours avec le soutien du Billard. « J’ai pleuré quand le club est tombé en DH. Beaucoup pleuré. Mais j’y suis toujours allé. Heureusement que c’est monsieur Afflelou qui a racheté nos trophées. » Alors que le Stade se reconstruit petit à petit, il entame lui aussi une nouvelle vie. En 1999, après son divorce, son amour de jeunesse le retrouve grâce aux faire-parts de décès de ses parents. Avec une nouvelle maison plus proche de Reims, Remy profite des dernières vraies années de football champagne, au sens propre : « À l’époque, on venait au stade avec nos bouteilles de champagne, on buvait dans les tribunes. Aujourd’hui, on ne peut même plus prendre de l’eau. » Il fait alors la connaissance du père du nouvel intendant du club, qui lui offre des cartes d’abonnement. À l’occasion, il discute avec les illustres Rémois de sa génération. « Une fois, je demande à Kopa ce qu’il pense du foot d’aujourd’hui, et après avoir regardé de droite à gauche, il me dit :« Ce ne sont plus des footballeurs, mais des banquiers ! »Je lui ai répondu que c’était lui le banquier quand il était parti à Madrid ! » Pas rancunier, il enchaîne : « C’était un vrai bon gars, les gars comme ça ne devraient jamais mourir. »

Premier abonnement payé à 82 ans

Doucement, Reims retrouve son rang et son statut professionnel. En 2012, après trente-trois ans d’absence, les Rémois montent en Ligue 1 au terme d’une saison exceptionnelle, « la plus belle que j’ai vue en 79 ans de stade. » Mouais. Pas de pot, l’intendant quitte le club et, à 82 ans, Remy doit payer pour la première fois son abonnement. Problème : les quatre-vingt-dix-sept marches de la tribune Méano empêchent l’octogénaire de conserver sa place. Il la refile donc à son voisin Michel, et s’en offre une en tribune d’honneur, la seule avec ascenseur. Depuis, les deux papys se rendent à chaque match en 307. Au volant, Remy avale les trente kilomètres qui le séparent de Delaune tranquillement, alors qu’il a du mal à marcher. En 1997, il avait fait mieux : sa commune se rendait en bus à Rendel, en Allemagne. À 67 ans, lui avait préféré le vélo pour parcourir les 688 kilomètres. Sur place, ses compatriotes l’ont jugé trop vieux pour jouer contre les Allemands qui, eux, l’ont intégré à leur équipe. Les Français ont perdu, sur un but de Remy. Du Billard.

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