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Rabiot, un marquis dans la cour des Bleus

Par Markus Kaufmann
Rabiot, un marquis dans la cour des Bleus

Ça y est, Adrien Rabiot a débarqué son pied gauche de marquis sur la moquette de Clairefontaine. Dans une équipe de France de Deschamps qui danse au rythme des qualités individuelles plutôt que sur un quelconque tempo collectif, le Parisien ressemble fortement à ce que DD cherche à tout prix : des profils complets capables de « fluidifier » le jeu. Mais si Rabiot pourrait bien devenir une solution du jeu des Bleus, il faudrait avant tout savoir en définir le problème. À quoi jouera la France en 2018 en terres russes ?

La France les a longtemps attendus. Coupé en deux par le génie offensif irrégulier de la génération 87 d’un côté et par une génération de milieux centraux trop défensifs de l’autre, le football français a longtemps attendu les héritiers de Vieira et Petit, milieux relayeurs décisifs dans les deux surfaces. Né en 1995, Rabiot s’est dévoilé à l’été 2012 après que le 4-3-3 bleu de Laurent Blanc a passé un mois à se reposer sur Alou Diarra en Europe de l’Est. Animal capillaire étrange dans l’univers des crampons, Rabiot a d’abord étonné, agacé un peu, surpris beaucoup, puis convaincu toute la cour du football français. Un mètre quatre vingt-huit élégant, un pied gauche à l’éducation élitiste et une conduite de balle furtive et noble. À moins de vingt ans, Rabiot était déjà rangé dans la catégorie des milieux complets et multidimensionnels : capable de récupérer et créer, doué pour le tacle et pour le dribble, à l’aise dans les airs et dans les petits espaces. Comme Paul Pogba, Rabiot est logiquement sur le point de devenir un atout majeur pour Deschamps, fidèle aux « compromis » : le jeu, oui, parfois, à condition que l’équilibre soit assuré, toujours.

Développement limité, capacités inconnues

Ces dimensions, Rabiot les a développées durant quatre saisons intenses à Paris (et Toulouse), de dix-sept à vingt et un ans. Sous Laurent Blanc, néanmoins, le talent ne sortira jamais de l’ombre du trio Motta-Verratti-Matuidi, subissant les certitudes d’un coach qui lui imposera une croissance désordonnée, au rythme des blessures et des aléas plutôt qu’à celui de sa progression. Enfermé à l’extérieur de l’inamovible milieu à trois, Rabiot doit tour à tour répéter les gammes de l’ordre de Motta, l’élaboration de Verratti et le mouvement de Matuidi. Ainsi, le gaucher grandit comme une espèce à part, toujours utile, jamais indispensable. Dans le cadre de la possession avant tout et de l’omniprésence d’Ibra, Rabiot développe rapidement son jeu de passes et sa protection du ballon, mais il ne trouve pas de place pour exprimer son flair ni sa lecture du jeu, pourtant largement entrevus à Toulouse. Cette progression plafonnée a un symbole : le quart de finale retour de C1 à Manchester au printemps dernier.

Contre le City de Pellegrini, alors que Verratti et Matuidi sont en tribunes et que Motta sort peu avant la mi-temps, Rabiot prend les clés du bolide, mais ne trouve pas le chemin. Dans le 3-5-2 devenu légendaire, le Français touche 95 ballons, réussit six dribbles et provoque cinq fautes anglaises, mais il ne crée aucune occasion (aucune passe clé), commet quatre fautes de trop et ne donne jamais d’air au milieu parisien pressé par la paire Fernandinho-Fernando : seulement deux tentatives de transversales, contre cinq pour Pastore en une demi-heure. Ce soir-là, Rabiot a-t-il pour consigne d’ordonner le milieu parisien comme Motta ? Doit-il plutôt relayer et aider Ibra et Di María à élaborer le jeu court de Blanc, comme Verratti ? Devait-il percuter et briser les lignes, comme Matuidi ? Les vestiaires de l’Etihad Stadium s’éteindront avec ce secret de l’histoire parisienne. Durant ces quatre saisons, Rabiot développera chaque dimension de son jeu sans choisir de direction, faisant parfois croire qu’il grandit en rond, comme la possession parisienne des mauvais jours.

La direction Emery, la maturité en Bleu ?

Sous les ordres d’Emery, Rabiot est le 4e Parisien le plus utilisé en Ligue 1 : 767 minutes en onze rencontres (huit titularisations). À ce rythme, il aura dépassé le nombre de minutes disputées lors de ses trois premières saisons bien avant Noël. Oscillant entre son poste de relayeur et celui de sentinelle (en première période contre Rennes) dans un milieu aux consignes nouvelles, Rabiot se retrouve enfin forcé à se réinventer, à imposer son propre style, à prendre les choses en main. Dans un PSG largement transformé qui tend parfois à se laisser guider par les surproductions de Di María, Rabiot incarne ainsi un certain ordre, une mesure, une justesse. Mais entre l’organisation, l’élaboration et l’accélération, le milieu n’a toujours pas choisi son rôle. Le style des performances de Rabiot semble dépendre largement des coéquipiers qui l’entourent : on l’imagine bien rendre des une-deux à Iniesta au Barça, mais on l’imagine tout autant en train de lancer directement en profondeur Diego Costa dans une surface anglaise à Chelsea. Bref, Rabiot s’adapte.

Ainsi, la convocation en bleu est peut-être la meilleure occasion de découvrir quelle est, loin du Parc, la vraie nature du jeu de Rabiot. Une araignée capable de tisser le jeu au milieu, c’est garanti. Et un bélier capable de percuter les défenses ? Cela devrait venir. À Paris, Rabiot a toujours joué avec une tour de contrôle capable de distribuer les ballons, et le joueur se dit lui-même plus à l’aise au poste de relayeur. Se situant aux alentours de 60-65 passes par match, le Français reste loin des 80-90 des métronomes Motta, Verratti et Krychowiak. Dans cette perspective, il vient se situer dans la catégorie de Rakitić, Vidal, Marchisio. D’où cette nécessité de venir peser dans les trente derniers mètres. Sinon, son futur devra se jouer devant la défense.

Quel marquis en bleu ?

En bleu, la question n’est pas de savoir où il faut faire évoluer Rabiot, mais plutôt ce qu’il faut lui demander d’apporter à l’équipe. D’après Deschamps, Rabiot peut « fluidifier le jeu » parce qu’il est « efficace à la transmission » et « juste à la récupération » . Traduction : Rabiot sait jouer, Rabiot sait ne pas perdre la balle, Rabiot sait défendre. Fluidifier, certes, mais quoi ? Si Rabiot était Samir Nasri, il serait tentant de répondre « tout le jeu » , comme l’ancien Gunner le fait actuellement à Séville sur les consignes de Sampaoli. Mais les Bleus n’ont pas autant de mouvements à proposer à leurs milieux, malgré les progrès réalisés par les confirmations de Kurzawa et Sidibé. Aujourd’hui, le tableau tactique des Bleus suggère naturellement deux rôles possibles pour Rabiot : faire le lien entre l’arrière-garde et Pogba ou faire le lien entre Pogba et le trio Payet-Griezmann-Sissoko.

Depuis la seconde période contre l’Irlande, Deschamps n’utilise que deux milieux centraux : Pogba-Matuidi contre l’Islande, l’Allemagne et le Portugal à l’Euro, puis les Pays-Bas et la Bulgarie en qualifications ; Pogba-Kante contre la Biélorussie. Le 4-3-3 est seulement revenu en amical contre l’Italie, dirigé par le trio Pogba-Kante-Matuidi. Si Deschamps souhaite conserver cette structure, Rabiot serait donc le remplaçant naturel de Matuidi dans le onze titulaire : plus de contrôle de la possession, mais aussi de l’espace aérien du milieu. Cette option verrait Deschamps oser une paire Pogba-Rabiot devant la défense, sorte de Vieira-Petit au doux parfum d’Highbury. Rabiot devrait alors partager avec Pogba les tâches d’organisation et d’élaboration, ce qui libérerait naturellement l’un des deux. Si Deschamps envisage un retour au 4-3-3, schéma qui a vu grandir Rabiot, il semble naturel d’imaginer le trio Kante-Pogba-Rabiot, où le Parisien viendrait à nouveau prendre la place de Matuidi. Mais à vingt et un ans, Rabiot est surtout un gros morceau du futur jeu des Bleus. Une fois de plus, la question est de savoir quel sera le projet qui emmènera l’équipe de France en 2018, 2020, 2022… Parce que le marquis n’est pas le même quand il échange des une-deux avec Sissoko ou avec Koziello.

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