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Qui de nous deux ?

Par Gabriel Cnudde
Qui de nous deux ?

À quelques kilomètres des Cornouailles, perdu dans l'Atlantique, l'archipel des îles Scilly vit au rythme des allers et venues des touristes massés sur les ferrys, des pêcheurs qui s'égosillent sur les marchés et de son championnat de football. Le plus petit du monde, puisqu'il ne comprend que deux équipes : les Woolpack Wanderers et les Garrison Gunners.

Ils sont quelques dizaines, assis autour de Garrison Field, ce terrain de football perché sur le point le plus haut de l’île St Mary. Ici, il n’y a pas de tribunes, pas de sièges, pas même une barrière ou un filet pour empêcher le ballon de dégringoler jusque dans la mer Celtique. Les enfants courent partout tandis que les adultes échangent les quelques nouvelles circulant sur le petit archipel. Un journaliste du Scilly Today est là, lui aussi. Il doit écrire le compte-rendu du match du jour. Son collègue de la Radio Scilly l’accompagne, comme toujours. Sur le terrain, ils sont une trentaine à s’échauffer tranquillement. Les ballons fusent, les rires et les moqueries aussi. Bientôt, ils revêtiront leurs maillots. Rouges, pour les Woolpack Wanderers, bleus, pour les Garrison Gunners. Et ils s’affronteront. Une fois de plus. Dans le lot des spectateurs, il y a même quelques touristes. Ils sont venus en ferry, pour la plupart, mais les plus chanceux – ou les plus riches – sont venus en hélicoptère depuis Penzance, la grande ville des Cornouailles la plus proche de St Mary. Pourtant, cette rencontre n’a rien d’inédite. Chaque année depuis des décennies, les deux équipes s’affrontent plus de vingt fois pour remporter le plus petit championnat du monde.

Pile ou face ?

Cette lutte d’ampleur mythologique, elle a lieu depuis 1984 sur l’archipel des îles Scilly – ou Sorlingues, comme on les appelait en France. 146 îles, dont seulement quelques-unes sont habitables, s’éparpillent sur seize kilomètres carrés. Avec à peine plus de 2 000 habitants répartis sur les cinq îles principales (St Mary, Tresco, St Martin, St Agnes et Bryher), difficile de monter une équipe de football. Alors deux… Et pourtant, dans les années 1920, il y avait bien cinq équipes qui se disputaient la Lyonnesse Inter-Island Cup. Et puis, dans les années 1984, il n’en restait plus que deux. Deux petites équipes pour un championnat. Et pour un Charity Shield, en début de saison. Et pour la Foredeck Cup, en milieu de saison. Et pour la Wholesalers Cup, en fin de saison. Reconnue, surtout pour le folklore, par la FA, the world smallest football league est une attraction en soi. Elle incarne à elle seule la passion du football la plus pure, celle qui n’a besoin que de quelques copains et d’un rectangle d’herbe pour exister. Celle qui était là avant les stades, les billets, les transferts, les salaires. Et celle qui sera là après.

Lors de chaque Charity Shield, en début de saison, les quarante joueurs, vieux et jeunes, venant de toutes les îles alentours, se regroupent sur le terrain de St Mary. Quelques minutes avant le coup d’envoi, le président de la Ligue assigne chaque joueur à une équipe… en lançant une pièce dans les airs. Pile, Woolpack. Face, Garrison. Tous rejoignent alors une équipe pour la saison à venir, en ayant joué dans l’équipe adverse l’année précédente et sans exclure de devoir encore changer de maillot un an plus tard. Les matchs s’enchaînent sans jamais vraiment se ressembler. Les effectifs se retrouvent rarement au complet, et sont souvent victimes des aléas de la vie professionnelle de l’archipel. Certains travaillent sur les ferrys, d’autres sont pêcheurs, agriculteurs, ou travaillent dans les rares usines du coin, et aucun ne peut être sûr et certain qu’il disputera tous les matchs. Alors on bricole, on appelle des renforts, on adapte les matchs… Bref, on fait tout pour jouer et pour annuler le moins de rencontres possibles.

Dès que le vent soufflera…

« Ce que j’aime, c’est cet esprit de camaraderie » , expliquait un joueur, Dave Stone, dans les colonnes du Guardian il y a quelques années. « C’est à la vie à la mort pendant 90 minutes, puis après, on se retrouve tous au pub pour s’amuser. On donne tout sur le terrain, mais on ne peut pas s’énerver contre des gens qu’on croise tous les jours et contre qui on joue tous les dimanches. » C’est avec cet esprit bon enfant que se déroule la saison sans qu’aucun accroc ne soit jamais répertorié. On travaille ensemble, on se retrouve, on s’affronte, on boit des coups et on se dit à la semaine prochaine. Puis, quand l’été arrive, chaud, avec son lot de touristes et curieux qui viennent profiter du micro climat tropical de l’archipel, les joueurs se séparent en se promettant de se retrouver quelques mois plus tard. Et puis, pendant ces six mois loin du football, tous vont faire tout leur possible pour accueillir au mieux les touristes. Car plus que de la pêche, de l’agriculture, ou de l’industrie, c’est de ça que vit l’archipel.

Aujourd’hui, les footballeurs de Scilly ont peur. Ils ont peur que la conjoncture économique actuelle ne détruise leur petit joyau, leur minuscule ligue. Si le taux de chômage est quasi inexistant sur ces îles, les emplois se font eux de plus en plus rares. Alors, après le collège et le lycée, il n’est pas rare de voir les jeunes gens s’envoler pour le continent – une île plus grande, en réalité. Là-bas, ils feront leurs études. Les plus amoureux de ces îles reviendront, et, avec un peu de chance, ils trouveront un travail et pourront continuer à jouer pour les Woolpack Wanderers ou les Garrison Gunners. Les autres resteront sur le continent et repenseront aux heures passées à jouer avec leurs camarades. « Aujourd’hui, le tourisme est la source de revenu numéro un des îles, et moins de 10% de nos jeunes reviennent » , expliquait un senior au site de la FIFA en 2011. Pour les autres, ceux qui ne reviennent pas, les souvenirs restent. Et qui sait, si le destin les conduit un jour à St Mary à nouveau, nul doute que les Woolpack Wanderers et les Garrison Gunners s’affronteront encore tous les dimanches.

Après la trêve internationale, place au festin !

Par Gabriel Cnudde

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