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Pourquoi le football est-il meilleur que la politique ?

Par Nicolas Kssis-Martov
Pourquoi le football est-il meilleur que la politique ?

Aujourd’hui, le foot est devenu le sujet préféré des politiques quand ils veulent se faire mousser à peu de frais. Et il est rare que cela produise autre chose que banals souvenirs d’enfance au stade de la route de Lorient ou un déluge de lieux communs sur les belles valeurs du sport. Sauf qu’à trop jouer du ballon rond comme faire-valoir, on en oublierait presqu’aujourd’hui que l’élève a dépassé le maître et que ce qui se passe sur pelouse en dit plus bien plus long sur la France d’aujourd’hui que les débats à l’Assemblée nationale.

La politique fixe un cadre idéologique et intellectualisé pour raconter la société. Ses acteurs construisent des discours pour gagner des élections. Ils s’aident de think-tanks, ces laboratoires à programmes électoraux, pour construire des récits et remporter la fameuse « bataille des idées » . À l’inverse, le football raconte la société plus simplement. Plus sincèrement aussi. Miroir grossissant du capitalisme et de ses dérives, de l’être humain et de ses faiblesses, il vaut mieux que n’importe quel manuel un peu pompeux. La crise économique ? La question du protectionnisme ? Regardez la Ligue 1. Les mouvements de migration ? L’identité nationale ? Observez de près la Fédération française de foot (FFF) ou plongez-vous dans l’histoire des tribunes du Parc des Princes. Le régionalisme espagnol ? Un Clásico en parle mieux que personne. La liste est longue, le foot a cette faculté de tout prendre car il est présent partout, présent tout le temps. Il n’est pas le reflet de la société, il est dans et au cœur la société ! Il est tout à fait possible de le regretter, de déplorer son importance. Impossible de l’ignorer.

Non seulement il permet de décrypter les drames contemporains sans reformulation ni arrière-pensée, mais il permet en plus de la vivre. Avec passion. À côté du militant prosélyte qui moralise, le supporter vit ses problèmes seul, pour lui-même. S’il en discute, c’est juste par plaisir de s’embrouiller, par plaisir de la contradiction, il sait qu’il ne fera jamais changer son interlocuteur de camp, mais il s’en fout. Un militant soulève des drapeaux en meeting en attendant une malheureuse promo dans sa section de troisième zone. Un supporter donne tout ce qu’il a et n’attend rien en retour. Juste un vieux but, une vieille frappe, une émotion, un frisson. Un souvenir. Aux premières places pour observer le monde qui l’entoure. Oui, le football a quelque chose en plus.

Des vestiaires de France 98 au parcours marseillais de Tapie

Car le football peut énerver en jouant sur le velours des pires instincts sociaux, idéologiques ou culturels. D’aucuns l’accusent même de les produire, de les amplifier voire de les fabriquer. Mais quand le footballeur veut faire de la politique ou en parler, aussi ridiculement qu’il peut lui arriver de s’y adonner, il faut plutôt y voir une volonté d’ascension sociale. Alors que l’homme ou la femme politique qui s’essaie à gloser sur le ballon rond sombre généralement corps et âme dans les abysses de la beaufitude, persuadé qu’il faut en passer par cet exercice de style démagogique pour faire vibrer la corde sensible des électeurs. Puisque le foot est censé causer au peuple, l’homo politicus s’abaisse à son supposé niveau pour lui toucher deux mots. Le faux semblant de l’apolitisme qu’on dépose comme un baiser de la mort sur le front du sport le plus populaire de France… Une tentative de récupération oui ! Des récupérations qui souvent aboutissent en tragi-comédie : des vestiaires de la finale en 98 au parcours marseillais de Tapie. Le foot ne demande cependant pas à la politique de filer éternellement les métaphores sportives. Le drame, c’est que l’inverse est trop souvent hoqueté sur les plateaux télés. Exemple : dès qu’un ministre chante son amour du Barça plutôt que de répondre de la gestion sécuritaire des supporters. Et il suffit de contempler les affaires de Knysna ou la bataille sur la taxe des 75% pour mesurer que les grandes références à l’histoire des civilisations de « l’amicale des copains d’avant » de Sarkozy – animée par Christophe Barbier – n’est qu’une version érudite de certains forums de jeuxvidéo.com. Pour ensuite balancer quelques banalités affligeantes sur le foot et ce qu’il devrait être ou rester.

Le foot élève – il faut certes une certaine dose d’inconscience pour oser l’affirmer ainsi – le débat politique, tout simplement parce qu’il soulève beaucoup plus de questions qu’il ne le pense lui-même. Il l’élève au sens premier, gravitationnel, c’est-à-dire qu’il fait monter à la lumière les petites particules qui posent problème dans le pays. La politique s’est depuis un bout de temps fait un art de les camoufler derrière le politiquement correct. Le foot balance tout sans faire le tri. Le supporter peut clamer son apolitisme, il est bien contraint de se coltiner la loppsi II. Le joueur peut se la jouer rebelle avec un discours consensuel et quelques œuvres de charité, de Shanghai à la zone mixte du PSG, il tient le même discours que le Medef. La LFP peut gueuler sur le fisc, elle doit bien tendre la main vers des fonds publics plus faciles à obtenir que ceux des actionnaires pour construire ses stades. Penser le foot, c’est concevoir la politique comme du Game Rap, dix mille ordures et une vérité lumineuse sur 4 minutes. La politique cherche le consensus. Le foot ose l’opposition, même de parfaite mauvaise foi. Fillon et Copé se haïssent, ils se font la bise sur le plateau de télé. Imagine-t-on OL et ASSE organiser pareil outrage à l’intelligence du peuple un soir de derby à Gerland ou Geoffroy-Guichard. Avec le foot, la pute n’est plus maquillée.

C’est fait : Johan Cruyff à Barcelone !

Par Nicolas Kssis-Martov

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