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Peut-on naître après avril et devenir footballeur pro ?

Par Théo Denmat
Peut-on naître après avril et devenir footballeur pro ?

Et s’il fallait être un enfant de janvier pour réussir dans le football ? Loin d’être une théorie complotiste, le phénomène possède même son propre nom : l’effet d’âge relatif. En clair, les DTN européennes laisseraient filer 25% de leurs talents nés dans la seconde partie de l’année. Une folle et injuste fuite des cerveaux largement imputable... à la démotivation.

Trop tard messieurs. La limite est passée. Chapeau bas aux parents prévoyants, malheur aux vaincus. Si vous n’avez pas déjà soufflé vos bougies d’anniversaire à compter de ce mardi 4 avril, vos chances de devenir footballeur professionnel viennent d’être sérieusement réduites. La faute à un hasard malheureux du calendrier et, peut-être, une légère faille dans la formation française des joueurs de demain. Un phénomène bien connu qui ferait perdre aux centres de formation européens « près de 25% de leurs talents » selon Bob Browaeys, responsable des équipes nationales juniors de Belgique interrogé par l’UEFA en novembre dernier. Mais quoi, bon sang ? Une théorie à la règle simpliste, aux effets implacables et étendus. Celle de « l’effet d’âge relatif » : plus un individu est né tard dans l’année, moins ses chances de passer un jour pro sont grandes. Et avril constitue pratiquement la limite à ne pas dépasser.

La pression de finir en bière

La scène est contée par Bob Browaeys : « Je me souviens d’un petit adolescent aux cheveux noirs, il était petit – peut-être 45 kilos et un mètre soixante – et il ne faisait absolument pas partie des joueurs les plus talentueux. Le Racing Genk ne lui avait pas offert de contrat. » Ce joueur ? Yannick Ferreira Carrasco. Né le 23 septembre 1993. Le bonhomme est longtemps recalé à l’admission du programme pour les Espoirs de la Fédération belge, mais l’intègre par miracle. Pire encore pour Sofiane Boufal qui cumulait les handicaps : 1m45 à dix-sept ans, né un 17 septembre 1993. Poussé vers la sortie par le SCO d’Angers, mais là encore, sauvé par son talent. Et Oxlade-Chamberlain. Et bien d’autres. Pour les trois hommes, un point commun : ils ont su percer. Mais pour quelques réussites, combien d’éléments démotivés arrêtent le football ?

Car c’est bien le problème : la démotivation. Le tout est en réalité une question de développement. Un gamin né en décembre aura 11 mois de moins dans le bide qu’un autre né en janvier, tant dans les jambes que dans le cortex.

Le football est le sport le plus touché par l’effet d’âge relatif, tout simplement pour une question de nombre : plus il y a de joueurs, plus le processus sélectif est important.

Une institutrice prévoyante vous aura d’ailleurs peut-être expliqué en CP que les petits derniers de l’année auraient plus de mal à suivre en classe. Il faut les couver, leur expliquer. C’est normal, et le souci est applicable à peu près à tous les domaines. Mais pour Martin Lames, professeur émérite à l’université technique de Munich et auteur d’un essai intitulé On the search for reliable performance indicators in game sports (2007), le football reste roi des inégalités : « Les premières études sur l’effet d’âge relatif ont été menées en 1985 sur le hockey canadien, mais ce sujet a pris de l’ampleur ces dix dernières années. Le football est le sport le plus touché, tout simplement pour une question de nombre : plus il y a de joueurs, plus le processus sélectif est important. » À court terme, les éducateurs auraient donc tendance à sélectionner les joueurs les plus développés d’une catégorie d’âge, sans prendre en compte leur développement dit « biologique » .

Pendant près de sept ans, Martin Lames a compilé les dates de naissance de 25 000 jeunes footballeurs allemands entre 12 et 18 ans. Le résultat est sans appel : « On a étudié et trouvé des équipes de la Fédération allemande de football constituées à 50% de joueurs nés en janvier. C’est profondément injuste, mais on ne peut pas faire grand-chose ! Les statistiques prouvent que plus l’effet de l’âge relatif est important, mieux les équipes sont placées au classement. »

Le bon filon : volleyeur au Canada

Un homme s’agite au bout du fil. Patrick Pion, directeur technique national adjoint, s’empresse de répondre à la demande d’interview, et pour cause : à la DTN française, on est bien conscient du phénomène.

On a mis en place une espèce de leitmotiv pour les compétitions de jeunes : tous les enfants doivent avoir le même temps de jeu. Ça doit être inscrit dans le marbre.

« On s’y intéresse depuis de nombreuses années, notamment via deux points. On a mis en place une espèce de leitmotiv pour les compétitions de jeunes : tous les enfants doivent avoir le même temps de jeu. Ça doit être inscrit dans le marbre. » Idée louable sur le papier, mais quasiment impossible à imposer et surtout contrôler sur le terrain. L’introduction de la compétition dès le plus jeune âge entraîne une dramatisation du résultat. En sorte, un enjeu. Une pression. Et donc une sélection. « À l’inverse, le volley-ball canadien n’est pas du tout touché par ce phénomène, explique Martin Lames. Pareil pour le hockey en Allemagne : il n’y a pas de sélection, ils prennent n’importe qui. » En jetant un œil au papier consacré au sujet dans la revue n°162 de UEFA Direct, on peut même noter que 135 des 288 joueurs présents au tour final du championnat d’Europe 2016 des moins de dix-sept ans étaient nés entre janvier et mars, soit 46,88%. Pour la période octobre-décembre, le taux tombe à 8,33%. Et même à la Masia barcelonaise, contre-exemple quasi parfait en matière de sélection physique, 22 des 30 joueurs professionnels formés lors de la dernière décennie sont nés dans la première moitié de l’année.

L’avantage, c’est que le souci est connu. Si à l’époque, Bob Browaeys estimait à 25% le nombre de talents perdus par le football belge, les joueurs « à maturité tardive » sont aujourd’hui couvés. « On est en train de réformer le système, on a besoin d’experts, on travaille sur la formation des entraîneurs qui pourront détecter ces talents-là, juger leur performances au-delà du simple aspect physique, détaille Patrick Pion.L’objectif, c’est de les faire entrer dans des structures, même quand on n’est pas sûrs, pour qu’ensuite, quand les valeurs se nivellent vers 16-17 ans, on ne les laisse pas sur le bord de la route. Ensuite en U20, les pourcentages commencent à s’équilibrer. » Vrai. Si l’effet d’âge relatif est particulièrement visible chez les jeunes, il s’annule quasiment en équipes premières professionnelles. En témoignent les compositions des dernières sélections françaises : 14 joueurs sur 24 étaient nés lors du second semestre pour la liste de Didier Deschamps, 11 sur 24 pour celle d’Olivier Echouafni chez les femmes.

S’accrocher

Pour répondre à la question d’origine : oui, il est possible de devenir joueur pro en ayant vu le jour après avril : il s’agit juste de s’accrocher.

Il ne faut pas se tromper entre 13 et 15 ans, mais on pense que les meilleurs joueurs du second semestre, on arrive à les récupérer.

La DTN est d’ailleurs en train de mettre en place des outils pour rattraper ce décrochage footballistique. Des détections en U16-U17 ont par exemple été mises en place pour n’intégrer que des joueurs nés au second semestre, alors qu’une détection « U15 avenir » sera appliquée à partir de la saison prochaine, composée au moins à 50% de jeunes à maturité tardive. « Nos critères aujourd’hui sont tournés vers l’intelligence de jeu et la mentalité et pas du tout sur des considérations morphologiques comme ça pouvait être le cas il y a vingt ou trente ans, rassure Patrick Pion. Il ne faut pas se tromper entre 13 et 15 ans, mais on pense que les meilleurs joueurs du second semestre, on arrive à les récupérer. » Allez donc demander au plus jeune de la dernière bande à DD, né le 20 décembre 1998. Son nom ? Un certain Kylian Mbappé.

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