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« Papa, pourquoi un carton rouge si tu n’es pas un joueur ? »

Propos recueillis par Aymeric Le Gall
« Papa, pourquoi un carton rouge si tu n’es pas un joueur ? »

En quelques secondes, Henry de Jesús Diaz, commentateur sportif, est entré dans l'histoire du football en se faisant exclure par l'arbitre. Une première dans le foot qui méritait forcément un petit coup de fil outre-Atlantique.

Comment vas-tu depuis ce fameux 24 octobre ?Nous sommes actuellement entré dans un processus pénal puisqu’avec mon exclusion de la cabine des commentateurs, je n’ai pas pu continuer à passer les publicités qui normalement entrecoupent mes commentaires. J’ai donc dû continuer à relater la rencontre derrière les grillages, à hauteur du terrain, sous la pluie ! Donc en plus du dommage commercial pour nos clients et pour nous, on peut aussi parler de dommage personnel dans le sens où j’ai été très affecté émotionnellement. En repensant à tout cela, il m’est même arrivé de pleurer. Ils ont maltraité la liberté de la presse. Voilà pourquoi nous avons porté cette affaire devant les tribunaux.

Que s’est-il exactement passé ce jour-là ?Le fond du problème, c’est que le président de la commission d’arbitrage a déclaré qu’il y avait des hauts-parleurs qui retransmettaient mes commentaires dans tout le stade et que c’est pour cette raison que j’avais été exclu. Ce qui est totalement faux. En réalité, le juge de ligne était plus focalisé par ce que je racontais au micro que par le match en lui-même (rires) ! Et au moment où je dis « quelle honte, quelle honte, l’arbitrage a été terrible aujourd’hui » , l’assistant est juste en dessous de la cabine pour procéder à un changement. C’est là qu’il a décidé de le signifier à l’arbitre central qui m’a ensuite exclu. C’est fou. Ce n’était encore jamais arrivé nulle part ailleurs dans le monde !

Comment réagis-tu quand tu prends conscience que c’est toi que l’arbitre désigne ?Sur le moment, je rigole. Je rigole parce que je ne peux pas m’imaginer que ce qui se passe est réel. Il y avait tellement de confusion que personne ne comprenait vraiment qui était censé sortir. Il s’agissait finalement de moi et c’est là que j’ai dit : « Mais je suis le commentateur ! Monsieur, vous rendez-vous compte que vous êtes en train de bafouer la liberté de la presse ou bien faut-il qu’on aille au tribunal pour que vous le compreniez ? » Je n’y croyais pas…

L’arbitrage était trop en faveur de l’équipe adverse à ton goût, c’est ça ?Disons qu’on assiste souvent à des arbitrages bien plus favorables à l’encontre des équipes de la capitale. Et c’était encore le cas ce jour-là avec cette équipe de Barrio México, oui.

On assiste ensuite à de longues minutes de flottement. Que s’est-il dit durant tout ce temps ?Après m’avoir demandé de sortir, l’arbitre est retourné au centre du terrain avec les joueurs en leur expliquant que si je ne quittais pas ma cabine, il ne reprendrait pas le match. J’ai appris depuis que certains joueurs de Coto Brus ont demandé une explication à l’arbitre, mais sans plus de réussite. Finalement, ce sont eux qui sont venus me demander de partir en me disant qu’ils étaient menés 1 à 0, qu’ils dominaient le match et qu’ils espéraient vraiment pouvoir égaliser. C’est cette pression des joueurs, plus celle de l’entraîneur de Coto Brus, qui m’a décidé à quitter ma cabine. L’entraîneur est venu me voir et m’a glissé : « Sors, ne t’en fais pas, tu vas entrer dans l’histoire ! » Finalement, il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire. J’ai donc quitté le terrain en longeant la ligne de touche. Ça a été les trente secondes les plus tristes de ma vie… Quand je suis arrivé à hauteur du juge de ligne, j’avais toujours le micro en main et je lui ai simplement dit : « Nous nous reverrons au tribunal. » Et je suis sorti.

Après mon exclusion, je me suis installé à côté de la buvette, près des grillages, à 40 mètres de ma cabine. Il n’y avait pas de toit au-dessus de moi, il pleuvait, tous mes papiers étaient mouillés

On t’a au moins signifié la raison exacte de ton expulsion ?Non, ils ne m’ont donné aucune explication. Personne n’est venu me parler. Je me suis senti lésé et j’ai même pensé prendre ma retraite. Mais j’ai reçu tellement de soutien depuis de la part de toute la profession, dans les programmes humoristiques à la télé, dans les émissions sportives, dans la presse, dans la population que j’ai vite oublié cette idée.

Tu as vraiment songé à mettre un terme à ta carrière ?Oui, j’y ai vraiment pensé parce que ce qui venait de se passer m’avait profondément touché, je me suis senti humilié. Et une fois le sentiment de tristesse passé, c’est de la colère qui m’a envahi.

Qu’as-tu fait après être sorti de la cabine et du terrain ?Je me suis installé un peu plus loin, là où ils vendent des sandwiches et des boissons, près des grillages. J’étais à 40 mètres de la cabine. Il n’y avait pas de toit au-dessus de moi, il pleuvait, tous mes papiers étaient mouillés, c’était n’importe quoi, mais il fallait que je poursuive mes commentaires. Les gens du public sont descendus pour me soutenir, mais j’étais trop choqué pour comprendre vraiment ce qu’ils me disaient.

Tu es un commentateur local qui supporte ouvertement son équipe ?Oui, je suis censé faire vivre le match pour nos supporters. Comme tous les commentateurs, je suis quelqu’un de passionné, je crie, je hurle. Quand mon équipe est en mauvaise situation devant son but, je crie : « Mais dégage le ballon ! » , je vis la chose comme les supporters la vivent depuis leur domicile. Ça fait partie du jeu en fait. Après, à chaque fois que les arbitres viennent ici, je les salue, je n’ai jamais eu aucune animosité envers le corps arbitral.

Le président du comité de l’arbitrage est venu ici pour obtenir des témoignages, mais il n’a parlé qu’à des gens avec lesquels je n’ai pas de bonnes relations. C’est comme si pour enquêter sur toi, on allait uniquement parler à tes ennemis ou à tes concurrents ! C’est une drôle de manière de travailler.

Cette histoire a fait la une des journaux ?Oui, dans le journal local du lendemain, on voyait ma photo en couverture avec, à côté, une main qui tend un carton rouge. Et en voyant ça, l’une de mes jumelles de cinq ans m’a demandé : « Papa, pourquoi ils t’ont mis un carton rouge si tu n’es pas un joueur ? » Je ne savais même pas quoi lui répondre (rires) ! Comment voulais-tu que je lui explique puisque moi-même, je ne comprenais pas ? Peut-être qu’un jour, l’arbitre me l’expliquera pour que je puisse faire passer le message à ma fille !

Tu as eu des nouvelles de la Ligue de football ? Quelle a été sa réaction ?L’arbitre central continue d’officier sur les terrains, mais son assistant, lui, est toujours suspendu. On aurait dû avoir des nouvelles cette semaine, mais rien n’est encore tombé. Cela fait un mois jour pour jour (entretien réalisé le 24 novembre, ndlr) que cette affaire a eu lieu et il ne s’est toujours rien passé. Mais je ne peux pas imaginer qu’ils décident de me sanctionner (rires) ! Le règlement dit que l’arbitre a un contrôle total sur le périmètre du jeu, mais qu’il n’a aucune influence vis-à-vis de la presse. Il n’y a donc pas un seul article permettant de justifier une telle décision. Mais au Costa Rica, on n’est jamais sûr de rien (rires) !

C’est une forme d’abus de pouvoir ?Oui, c’est clairement un abus de pouvoir. Il y a quelque chose de très intéressant qui s’est produit depuis : le président du comité de l’arbitrage est venu ici, à Coto Brus, pour obtenir des témoignages par rapport à cette affaire, mais il n’a parlé qu’à des gens avec lesquels je n’ai pas de bonnes relations. C’est comme si pour enquêter sur toi, on allait uniquement parler à tes ennemis ou à tes concurrents ! C’est une drôle de manière de travailler. Comment peut-on dire qu’il y avait un haut-parleur sur la cabine et que j’étais en train de monter le public contre les arbitres, alors que cela est totalement faux ? S’il y avait eu des hauts-parleurs accrochés, comment se fait-il que l’arbitre ne m’ait expulsé qu’à la suite d’une discussion avec son assistant, au bout de la 55e minute ? Celui ou ceux qui ont dit cela aux enquêteurs sont des menteurs. Je ne peux pas les appeler autrement. Et même si on peut effectivement avoir l’impression, en regardant la vidéo, que tout le stade entend ce que je dis (vous jugerez de vous-même, ndlr), il faut comprendre que ce n’était qu’un écho. Mais bon, moi je suis tranquille. Je pense que la meilleure réponse à tout cela, c’est de commenter de nouveau les matchs avec plus de ferveur, plus de joie. Je ne dois pas perdre ma liberté de parole, même si ce jour-là, je l’ai perdue…

Tu as fait ton retour aux commentaires depuis cette fameuse affaire ?Oui. Quand je suis revenu au stade pour commenter, 15 jours après, je ne me sentais pas très bien. Je ne te cache pas qu’il y avait aussi un peu de crainte de mon côté. Vu qu’aucune décision n’a été arrêtée à la suite de cette affaire, je me suis dit que les arbitres allaient m’interdire de remonter à nouveau dans ma cabine. J’étais traversé par des sentiments contradictoires en fait. De l’émotion, de la nervosité, et finalement quand j’ai vu que les arbitres blaguaient à ce sujet, en disant « Bon, c’est lequel qui n’a pas le droit d’être dans la cabine ? » , toute la pression est redescendue. J’ai vu qu’il n’y avait aucune animosité à mon égard ni aucun « contrat » sur ma tête. Ce jour-là, j’ai presque ressenti autant d’émotions que lorsque j’ai commenté mon premier match il y a de cela 29 ans.

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Propos recueillis par Aymeric Le Gall

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