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Paolo Maldini, l’enfant prodigue rejeté

Par Eric Marinelli
Paolo Maldini, l’enfant prodigue rejeté

Paolo Maldini a passé toute sa carrière au Milan AC. Il y a disputé 902 matchs toutes compétitions confondues, y a tout gagné (entres autres 7 Scudetti et 5 Ligues des champions) et en a été le capitaine pendant 12 saisons de 97 à 2009. Pourtant, après avoir déjà vu sa dernière à San Siro gâchée par une partie de la Curva Sud, Paolo attend toujours aujourd'hui un appel du club pour faire son retour. Et il ne semble pas près d'arriver. Explications.

La scène est presque aussi connue que Jésus célébrant son dernier repas avec ses douze apôtres, avant d’être trahi par Judas. Nous sommes en mai 2009, précisément le 24, et Paolo Maldini entame un tour d’honneur de San Siro, au terme du dernier match à domicile de son immense carrière. Le Milan AC vient alors de s’incliner face à la Roma (2-3), mais l’essentiel est ailleurs, et le public rossonero le sait bien. Les quelque 70 000 spectateurs du jour de la mythique enceinte lombarde sont debout pour acclamer leur champion, leur capitaine, leur bandiera. Se produit alors l’impensable, une première banderole assez suspecte est déployée en Curva Sud : « Merci capitaine : sur le terrain, un immense champion, mais tu as manqué de respect à ceux qui t’ont enrichi. » Puis une seconde, encore plus claire, apparaît : « Chaleureux remerciements pour tes 25 glorieuses années de carrière. De la part de ceux que tu as défini comme des mercenaires et des clochards. » Le malaise est immédiat.

Maldini lève ironiquement son pouce en direction du groupe organisé de tifosi rossoneri, puis finit par s’emporter avec un doigt d’honneur accompagné d’un « fils de p… » très facile à lire sur ses lèvres. En réaction, la Curva Sud déploie son habituel et imposant drapeau en hommage à Franco Baresi et se met à entonner le chant « Il n’y a qu’un capitaine » , en désapprobation de Maldini évidemment. La fête est gâchée. Maldini refuse d’être porté en triomphe par ses coéquipiers et annule la cérémonie qui voulait que Silvio Berlusconi lui remette un plateau d’argent au centre du terrain. Malgré la tentative de le raisonner de Leonardo, Paolo rentre rapidement aux vestiaires, accompagné d’un Carlo Ancelotti tout aussi en colère que lui. Les seuls mots que Maldini accorde sont cinglants : « Je suis fier de ne pas être un d’entre eux » , cogne en effet le défenseur rossonero. Mais comment a-t-on bien pu en arriver là ?

Une minorité de contestataires, des origines lointaines

Avant de répondre à cette question, il convient toutefois d’abord de nuancer les événements survenus pour la der de Paolo. Fervent tifoso du Milan, habitué à effectuer deux à trois déplacements par an à San Siro depuis la France, Guillaume Maillard-Pacini se charge de rappeler l’attitude de la gigantesque majorité du public rossonero ce jour-là : « Lors de ce match, j’étais situé en premier anneau bleu(un des secteurs de San Siro, ndlr), juste en dessous de la Curva Sud (qui est en second anneau bleu, ndlr) et je n’ai jamais entendu le moindre sifflet. À aucun moment, je n’ai compris qu’il y avait un problème. C’est en sortant du stade, en écoutant la radio, que j’ai appris que la Curva avait contesté Paolo. Enfin pas vraiment la Curva, mais plutôt une petite minorité d’individus. » Guillaume se souvient même que le club avait mis les petits plats dans les grands : « Tous les spectateurs avaient reçu gratuitement une écharpe à l’effigie de Paolo et un album avec les 25 photos Panini de sa carrière. D’ailleurs, dès qu’il touchait le ballon pendant le match, l’ambiance était folle. » N’en reste pas moins qu’une frange au moins de la Curva a bel et bien contesté Paolo. Pour comprendre les origines de ce froid entre certains tifosi et lui, il faut remonter à sa première saison en tant que capitaine, en 1997/1998, celle qui a suivi la retraite de Franco Baresi. Cette saison-là, le Milan est à la peine et Maldini est contesté en tant que commandant du navire. Lors de l’avant-dernière journée du championnat face à Parme le 10 mai 1998, les Rossoneri, qui finiront dixièmes de Serie A, sont ainsi sévèrement secoués par leur public. Paolo Maldini en gardera pour toujours une certaine rancune.

« Je n’ai jamais accepté que des garçons plus jeunes que moi me disent de m’impliquer davantage » , confiera à ce titre Maldini en mars 2014 à la Gazzetta dello Sport, lors de sa fameuse interview titrée « Ils ont détruit mon Milan » . « Si tu n’es pas satisfait, tu me siffles, mais ça s’arrête là » , ajoutera-t-il. Tout au long de sa carrière, Maldini a ainsi entretenu des rapports distants pour ne pas dire très froids avec les tifosi. En septembre 2007 par exemple, il n’hésite pas à faire une sortie remarquée, encore dans la Gazzetta dello Sport, à l’encontre des tifosi rossoneri : « Est-ce que je suis déçu par le public qui ne nous encourage pas ? Plus que ça, je suis très en colère, comme mes coéquipiers. Après tout ce qu’on a donné, fait, gagné, on mérite un traitement différent. […] Il y a des motivations économiques, des jeux de pouvoir derrière tout ça. Mais si ce sont les raisons pour aller au stade, je ne sais plus quoi penser. Dans tous les cas, ce n’est pas seulement la Curva qui ne nous soutient pas, mais aussi tous les autres secteurs qui restent muets. Je crois que quand on chante « On a le Milan dans le cœur », il y a ensuite besoin de le démontrer. Désormais, on joue à l’extérieur ou sur un terrain neutre, jamais vraiment à la maison. Ça ne me semble pas logique, et l’équipe en a assez. »

Pas d’eau dans le vin

Cette réaction dans la presse a été suivie par d’autres sur le terrain à divers moments. En mars 2008, Maldini s’emporte ainsi contre les sifflets après une défaite à San Siro face à l’Atalanta. En février 2009, rebelote après une élimination en Ligue Europa face au Werder, Paolo intime aux tifosi de se taire en plaçant son index devant la bouche. Mais c’est encore un autre événement que lui ont reproché certains tifosi lors de sa dernière à San Siro. Explications avec des extraits du communiqué de la Curva Sud qui avait suivi : « Nous tenons à préciser que nos banderoles n’étaient pas une contestation, mais nous voulions souligner le comportement que le joueur (sic !) avait manifesté à plusieurs reprises envers ses tifosi, durant toute sa carrière. Parmi de nombreux épisodes désagréables, nous soulignons la phrase « Pauvres clochards » prononcée à Malpensa lors du retour de la finale perdue à Istanbul (face à Liverpool en 2005, ndlr) après que les garçons avaient dépensé 800 € pour être auprès de l’équipe. […] Que Maldini serve d’exemple : seul le respect génère le respect. » .

Rappelons tout de même le contexte de cette fameuse phrase prononcée envers des tifosi qui reprochaient aux joueurs rossoneri d’avoir manqué d’implication face à Liverpool. Quand on connaît le déroulement de la finale, même la déception de ces supporters ne peut excuser le ridicule de leur réaction. Lors d’un événement de la Fondation Milan, en novembre 2014, Paolo ne s’abaissera d’ailleurs pas à éteindre le feu : « Je suis quelqu’un d’honnête et j’ai toujours dit les choses comme je les pensais. Avec le temps, j’ai compris que ce qui était arrivé lors de mon dernier match à San Siro était une victoire pour moi parce que ça a marqué une ligne encore plus grosse entre moi et ce type de football, dont je ne pense pas qu’il soit le futur du sport. » Pas question pour Paolo de mettre de l’eau dans son vin.

Rejeté par Berlusconi et Galliani

Si Maldini a donc entretenu des rapports tendus avec certains tifosi, difficile toutefois de croire que c’est pour cela qu’il n’a aujourd’hui aucun poste au Milan AC. La Curva Sud rossonera a d’ailleurs pas mal changé depuis sa retraite en 2009, puisque certains de ses membres les plus influents – et dangereux – comme Giancarlo Lombardi dit « Sandokan » ou son bras droit Claudio Tieri ont été condamnés en 2011 à de lourdes peines de prison (5 ans et 10 mois) pour tentative d’extorsions envers le club. Aussi, certains membres ont déjà déclaré qu’ils ne s’opposeraient en aucun cas à un retour de Paolo. Comme Luca Lucci en mars 2014 : « On a contesté Maldini pour les motifs que tout le monde sait, mais aujourd’hui s’il revenait au club et démontrait être un grand dirigeant, il n’y aurait aucun problème pour nous » ou le plus connu Giancarlo Capelli, dit le Baron, à plusieurs reprises et notamment dernièrement en décembre 2015 : « Nous ne sommes pas opposés à un éventuel retour de Maldini au club. Ça me plairait de le voir revenir. Personne ne peut contester le Maldini joueur et s’il revenait, personne ne dirait rien. Nous avons exprimé des choses personnelles envers Paolo, mais ça s’est fini là. Nous n’avons aucun problème avec lui aujourd’hui. » Il faut en réalité chercher plus haut, pour trouver l’obstacle qui bloque le retour de Maldini au Milan.

Même tout en haut, puisqu’on peut affirmer sans trop se mouiller que ce sont Adriano Galliani et Silvio Berlusconi qui ne veulent pas d’un retour du prodige. Pour preuve, on peut commencer par citer le jugement énoncé en décembre 2015 par Gianni Rivera, l’autre bandiera totalement ignorée du Milan : « Je n’ai jamais eu de problèmes avec Berlusconi. C’est seulement que nous avons deux façons de penser différentes. Et je pense que c’est la même chose pour Maldini qui vit aujourd’hui la même situation que moi dans le passé. Je crois que lui comme moi avons une grosse personnalité qui, d’une certaine façon, aurait pu faire de l’ombre à certains. Je connais Berlusconi depuis tant d’années, et je n’ai jamais eu de frictions particulières avec lui, mais c’est évident qu’il n’accepte pas quelqu’un qui a une personnalité qui peut se mettre à son niveau. » Mais c’est surtout en lisant entre les lignes de Paolo Maldini lui-même, que les tensions avec Berlusconi et surtout Galliani apparaissent comme évidentes. Et il ne faut pas chercher bien loin puisque depuis sa retraite, Paolo a au moins allumé à trois reprises dans la presse. Comme en février 2012 dans le Corriere della Sera : « Je l’ai dit et le répète : je suis plus considéré comme un problème que comme une ressource. Je suis quelqu’un qui a une indépendance intellectuelle. Le message que je veux faire passer est simple. Je n’invoque l’aide de personne, je ne dis pas qu’il faut m’appeler parce que j’en ai besoin. Les choix du club sont légitimes, mais, s’il vous plaît, évitons au moins la fausse hypocrisie de certaines déclarations : « Il est l’un des nôtres, il sera toujours le bienvenu. » La vérité est autre : il n’y a pas les conditions pour que je revienne. »

Liaisons dangereuses

On remarquera d’ailleurs que, contrairement à Franco Baresi qui avait eu droit à un énorme jubilé, Maldini n’a jamais disputé ce type de rencontres pour faire ses adieux. De même, si son numéro a été retiré, il n’y a pas eu de cérémonie officielle pour le faire, mais simplement une déclaration d’Adriano Galliani. On a connu meilleure façon d’honorer une légende du club. Et si ce n’était pas assez clair comme ça, Maldini s’est chargé en mars 2014 dans la Gazzetta dello Sport d’énoncer sans détour le fait que Galliani avait bloqué son retour : « Je crois que les succès dépendent avant tout des hommes. Au Milan, beaucoup sont passés lors des 25 dernières années, mais qui travaille au club aujourd’hui ? Personne. […] Je me souviens quand Leonardo me voulait à tout prix pour être directeur sportif, Galliani avait dit : « C’est un poste dépassé. » Mais ce n’est pas vrai. Si tu t’entoures de gens compétents, tu fais quelques erreurs de moins. » Enfin, dernièrement, en décembre 2015, lors de l’émission I Signori del Calcio, diffusé sur Sky Sport, Paolo en a remis une dernière couche. Sur sa façon de voir les choses d’abord : « Quand j’étais à Milan comme joueur, nous avions une grande équipe parce que derrière il y avait un club ambitieux avec chacun à sa propre place avec son propre rôle. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Je suis né et j’ai grandi à Milan, mais j’ai toujours joué avec mon indépendance intellectuelle. C’est facile de dire aux personnes qu’elles sont bonnes et belles, mais c’est bien plus utile de leur dire les choses comme elles sont. Ma position critique envers le Milan est un acte d’amour, rien d’autre, parce que j’éprouve encore beaucoup d’affection pour ce club. »

Puis, sur ses relations avec Galliani : « Je ne crois pas que ce sont des désaccords. Nous avons simplement toujours eu des opinions et des visions différentes. Ça n’a pas changé, c’est comme ça. J’étais capitaine, il était administrateur délégué. L’objectif était commun, mais pas la vision de la gestion du club. Je ne m’en suis jamais caché. » Ou encore sur ses relations avec Silvio Berlusconi : « Je n’ai pas vu ou parlé avec le président Berlusconi depuis des années. C’est pour cela que je ne me suis jamais senti proche d’un retour au club. Je sais très bien que c’est lui la personne qui décide et comme je ne lui ai plus parlé depuis le dernier match que j’ai joué… » Sans oublier, enfin, de donner ses conseils et d’égratigner le Zio Fester au passage : « Si le Milan veut redevenir grand, il faut un plan clair, des investissements, de bonnes idées. Il faut des gens qui connaissent le football. C’est ce qui manque en ce moment. Je considère Galliani comme un très grand dirigeant… un très grand dirigeant… mais il a probablement quelques manques concernant le plan footballistique. Il devrait être épaulé, pour décider et évaluer les joueurs. » Il n’y a donc plus franchement de doute : il faudra très probablement attendre la fin de l’ère Berlusconi-Galliani, pour revoir enfin Paolo Maldini au Milan AC. Les tifosi rossoneri n’attendent que ça. Enfin, au moins ceux qui ne l’ont pas sifflé pour sa dernière à San Siro…

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