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Özil et la quête de soi

Par Romain Duchâteau
Özil et la quête de soi

Donner sans jamais recevoir. Tel a toujours été le credo immuable de Mesut Özil au cours de sa carrière. Mais cette saison, sous l’impulsion d’Arsène Wenger, le meneur de jeu allemand est devenu plus égoïste et marque davantage. Et c’est Arsenal qui en récolte les fruits.

Peut-être qu’il a été divinement choisi. Peut-être que le Tout-puissant l’a pourvu de grands yeux globuleux pour toutes ces raisons. Pour toiser sans le vouloir le commun des mortels, conquérir l’espace mieux que personne et voir sans cesse plus loin que les autres. Avec son corps qui semble parfois arqué et cette impression constante d’aisance confinant à l’indolence. Mesut Özil a toujours une longueur d’avance. C’est ainsi et depuis toujours. « Mon avantage, c’est que déjà petit, je voyais des choses que personne ne voyait, exposait-il distinctement, en 2013. Avant même de recevoir le ballon, je savais où étaient mes partenaires. C’est toujours mon plus gros atout, même aujourd’hui, un truc totalement instinctif. Et c’est précieux au poste auquel je joue, parce qu’à l’inverse d’un ailier, quand je reçois le ballon, je ne suis pas toujours dans le sens du but. Au contraire, je suis souvent dos au but, donc ce temps d’avance que j’ai, c’est ce qui permet de trouver la solution plus vite. » Des équations qui paraissaient insolubles sur le terrain, l’Allemand en a résolu à foison. Avec un maître-mot constamment associé à son pied gauche : servir ses partenaires dans les meilleures dispositions.

Ton prochain, tu aimeras moins

Un talent inné autant qu’une philosophie qu’il a poli en grandissant dans le culte de Zinédine Zidane. Comprenez un amour inconditionnel pour les roulettes, le toucher délicat et un esthétisme toujours au service des autres. « Mon rôle est d’aider mes coéquipiers par mon intelligence de jeu, faire des passes décisives, poursuivait le meneur de jeu. Comme Zidane, je préfère faire une passe qui amène le but plutôt que de marquer le but lui-même… » Un leitmotiv qui se traduit depuis le début de sa carrière par un total de 187 passes décisives délivrées toutes compétitions confondues (5 avec Schalke, 54 avec le Werder Brême, 81 avec le Real Madrid et 48 avec Arsenal). À Londres, où il a atterri depuis 2013, l’international de la Nationalmannschaft a nourri encore davantage cette réputation de livreur d’offrandes redoutable. La saison dernière, il a terminé loin devant au classement des meilleurs passeurs (19), flirtant même avec le record détenu par le roi Henry au terme de l’exercice 2002-2003 (20 passes décisives). Sauf que si Özil aime servir autrui, il marque peu (28 buts en 135 apparitions). Trop peu même au goût de certains.

À l’instar de Martin Keown, figure emblématique du club londonien, qui lui a suggéré d’élargir son registre. « C’est bien d’être le Mr Assist, mais la prochaine étape est de devenir l’atout offensif phare de l’équipe et de marquer des buts » , martelait-il récemment dans le Daily Mail. Arsène Wenger, lui, l’a enjoint, au début de cette nouvelle saison, à faire gonfler ses statistiques de buteur. « À l’entraînement, il marque à peu près quand il veut, expliquait le manager alsacien en octobre dernier, après une reprise somptueuse de son poulain contre Swansea (3-2). Il a toujours eu un style et une efficacité fantastiques dans les passes décisives. Mais l’efficacité, c’est aussi marquer, et il a ça en magasin. » Sous l’impulsion profonde de son coach, le Gunner a donc entrepris et amorcé un tardif changement, à vingt-huit ans, de son style de jeu : « Chaque année, le coach vient me voir et me dit : « Il faut que tu marques plus de dix buts cette saison. Cela doit être ton objectif, tu as les qualités pour ça. »Je donnerai toujours le ballon à un coéquipier mieux placé. Mais j’essaie de finir, moi aussi, ou de prendre un espace qui m’en donne la possibilité. À l’entraînement, le coach voit que je suis plein de sang-froid devant le but et il veut revoir ça en match. »

Bergkamp, le modèle à imiter ?

Et Tonton Arsène a vu. À huit reprises, exactement, cette saison, toutes compétitions confondues. Soit déjà le même nombre de réalisations que sur l’ensemble de l’exercice précédent. Avec notamment un triplé inscrit à l’aller contre Ludogorets (6-0, 19 octobre) en C1, avant d’assister à un chef-d’œuvre orgasmique lors du retour (2-3, 1er novembre). Mais les contours esquissés de cette mue ne découlent pas exclusivement de la volonté de l’ex-Merengue. Le 4-2-3-1 mis en place depuis deux saisons – qui s’articule aussi en 4-3-3 hybride, voire en 4-4-2 – lui permet de s’épanouir et d’exprimer la plénitude de son talent. Surtout, le repositionnement d’Alexis Sànchez à la pointe de l’attaque lui donne plus de perspectives qu’avec Giroud, lequel dévore moins les espaces et se montre moins mobile. « C’est pourquoi je dirais qu’il y a plus une évolution dans le style d’Arsenal plutôt que dans le jeu d’Özil, éclaire Dave Seager, responsable du fanzine Gunners Town. Devant, Alexis a changé la dynamique. Il ne se limite pas à son poste et se déplace sur tout le front de l’attaque. Özil et Walcott en sont les principaux bénéficiaires et occupent les espaces vacants laissés par le Chilien. Et cela permet à Özil de marquer plus souvent. » Sans oublier non plus que la présence d’un double pivot avec un joueur créatif (Cazorla l’an dernier, Xhaka cette saison) derrière lui ne le contraint plus à revenir plus bas au cœur du jeu. Özil peut ainsi briller là où on l’attend. Dans les trente derniers mètres.

Vidéo

Progressivement, les chiffres attestent de ce changement de cap. L’Allemand frappe en moyenne deux fois au but par match (1,2 fois dans la surface). C’est un début qui demande encore à s’étirer dans le temps. Mais le salut d’Arsenal passera sans doute par son meneur de jeu que d’aucuns espèrent voir se hisser à la hauteur des plus grands. « Mesut a de très bonnes qualités, et il peut normalement marquer un minimum de douze buts par saison en championnat. À mon époque, c’était notre maestro Dennis Bergkamp qui pouvait faire ça et, aujourd’hui, c’est Mesut Özil, appréciait récemment Robert Pirès, autre ancienne gloire londonienne, sur le site officiel des Gunners. J’apprécie aussi bien l’un que l’autre, car ils jouent un très bon football, mais aussi parce qu’ils jouent avant tout pour l’équipe. Pas uniquement pour eux, mais pour l’équipe. » Si « The Non-flying Dutchman » fuyait les hautes altitudes, sur la terre ferme, il prenait ses responsabilités avec maestria. Et a épousé une brillante trajectoire grâce à un équilibre parfait trouvé entre altruisme et satisfaction personnelle. « Mais pour qu’Özil jouisse, un jour, d’un statut similaire à Bergkamp, il doit être impliqué dans plusieurs campagnes de trophées remportés » , juge Dave Seager. Continuer à donner tout en devenant plus égoïste. Pour que Mesut Özil passe lui aussi à la postérité, la quête est à ce prix.

Dans cet article :
Özil, hommage à un artiste fragile
Dans cet article :

Par Romain Duchâteau

Propos de Dave Seager (auteur de deux ouvrages sur Arsenal : Supporting Arsenal is a Funny Old Game et Geordie Armstrong on the Wing) recueillis par RD, ceux de Mesut Özil extraits de So Foot n°108 et du site officiel d’Arsenal.

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