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On était à Flamengo-Internacional

Par Arnaud Di Stasio
On était à Flamengo-Internacional

Jeudi soir, Flamengo accueillait l'Internacional Porto Alegre (2-1). Si le club le plus populaire du Brésil squatte aujourd'hui le ventre mou du championnat, on ne s'ennuie pas dans les travées du Maracanã. La preuve avec les sócio-torcedores (ultras) de la tribune Superior Norte, entre doigts d'honneur, maraboutages, prières et mains aux fesses.

Faisant fi des recommandations de la boutique officielle de Flamengo qui conseillait d’acheter un package comprenant le billet, le déplacement, un guide et la « sécurité » , nous voici dans la ligne deux du métro de Rio. Direction la station Maracanã au nord-ouest de la ville. Dans la rame bondée, un panneau publicitaire vante les mérites des cours de Krav Maga de maître Kobi. Mais on n’aura besoin de rien de tout ça. Sur la passerelle qui relie le métro à l’esplanade d’un Maracanã illuminé, on sent déjà que la Coupe du monde approche. On ne croisera pas un seul loustic tentant de nous refiler des billets au marché noir. Non, ici, on hurle dans un mégaphone le prix des locations encore disponibles pour la rencontre du soir, contre l’Internacional Porto Alegre. Et on accueille les spectateurs avec un bataillon de stadiers, casquettes rouges vissées sur le crâne, qui sautent sur tout ce qui bouge.

Au pied des palmiers qui bordent la piste cyclable qui fait le tour du Maracanã, deux bonhommes draguent une joggeuse. Tout en finesse, évidemment. À leur décharge, il reste près de deux heures à tuer avant le dernier match de la 27e journée du Brasileirão. En continuant vers la tribune Norte, on finit par trouver un peu d’animation. Des petits groupes comprenant femmes, enfants et même grand-parents se rassemblent peu à peu, tous vêtus de rouge et noir. Non loin de là, quatre flics somnolent dans une voiture aux gyrophares allumés. L’odeur de crottin nous apprend que trois de leurs collègues de la police montée sont postés à quelques mètres. Mais l’ambiance reste bon enfant. Au milieu des vendeurs de drapeaux et de salgados (des beignets salés), ça descend des bières. Et pendant que deux pères de famille visiblement éméchés entament un pas de danse, leurs fistons tapent le foot avec une canette. Comme la moitié des enfants présents aux alentours du stade Jornalista Mário Filho (le vrai nom du Maracanã), ils sont venus avec leur équipement complet, chaussures à crampons y compris. Mais des cris viennent perturber cette quiétude. Un gamin de 6-7 ans se fait pourrir par ses parents. Son tort ? Ne pas avoir réussi à photographier les tourtereaux, le temple du football brésilien en toile de fond. À une heure du coup d’envoi, les T-shirts des torcidas organizadas, les groupes de supporters locaux, commencent à fleurir. Sont présents devant le virage nord du Maracanã des membres de la Torcida Jovem, de la Raça Rubro-Negra ou de la Urubuzada. La tension monte d’un cran quand une ribambelle de mecs bourrés traversent la rue en tapant du poing sur le capot d’une voiture. Deux gardes municipaux poursuivent eux un petit vendeur de maillots avec leurs matraques longues d’un mètre.

Trente minutes plus tard, ça commence à s’affoler. Devant la tribune Norte, les petits attroupements de supporters ont laissé place à cinq files de plus de 100 mètres qui mènent aux entrées du stade. Dans un pays qui a pour devise « Ordem e progresso » , personne ne s’aventure à resquiller ou presque. Deux adolescents se font reprendre de volée. « Ça fait des manifestations pour réclamer des droits sociaux et ça essaie de doubler dans la queue » , soupire un homme aux cheveux grisonnants. Encouragé par son père, un gamin se soulage lui sur l’esplanade, face aux voitures. Les tourniquets passés, on se croirait dans un stade de sport US : odeur de pop-corn et animations improbables. Les enfants se font distribuer, au choix, des épées ou des fleurs en ballon de baudruche, tandis que les adultes peuvent poser avec des joueurs de football américain ou la mascotte de Flamengo (un gros pélican).

Doigts d’honneur et maraboutages

Une fois dans les tribunes, c’est la stupeur qui domine. Fort de ses torcidas organizadas, le virage nord est plein, mais le reste du stade sonne creux. Le bas des tribunes latérales est clairsemé, la tribune sud pratiquement déserte. Le club le plus populaire du Brésil n’a attiré ce soir que 25 000 spectateurs dans un stade qui en peut compter jusqu’à 73 000 depuis sa récente rénovation. C’est encore trop pour ce sexagénaire qui écoute bien sagement le match à la radio grâce à son walkman, avant d’exploser. Un gamin a eu le tort de se lever devant lui. La présence féminine se remarque elle aux cris aigus qui accompagnent chacune des actions offensives de Flamengo. Dans cette première mi-temps où l’Internacional monopolise la balle, les « caralho » et « filho da puta » pleuvent. Felipe, le gardien local, a déjà sauvé les siens à deux reprises. Nouvelle alerte, la fleur-ballon de baudruche de la petite blonde assise en dessous éclate. Pendant qu’elle sanglote, son frère la nargue. Plus haut dans la tribune, les torcidas organizadas qui garnissent la Superior Norte animent la rencontre au son des tambours et des batucadas. Une douzaine de drapeaux immenses, à l’effigie de Zico ou d’une chope de bière notamment, flottent au vent. Sur la gauche, une trentaine d’énervés sautillent en tournant le dos au terrain.

Contre le cours du jeu, Flamengo ouvre le score à la demi-heure du jeu. Léo Moura, capitaine et latéral droit, envoie un ballon qui traîne devant la surface de l’Internacional au ras du poteau gauche adverse. Caisse remplie de bières Antarctica sur l’épaule, le vendeur qui déambulait dans les gradins se fait chahuter par des ados soucieux de partager leur joie. Quelques minutes plus tard, l’Internacional s’installe de nouveau dans la moitié de terrain adverse. Après un coup franc raté par Andrés D’Alessandro, un jeune homme adresse des gros doigts d’honneur au meneur argentin. Son père lui montre alors qu’il a croisé ses doigts pendant la tentative du capitaine de l’Internacional. Rebelote deux minutes plus tard avec un nouveau coup franc pour les visiteurs, le maraboutage fonctionne encore.

Main aux fesses et prières

À la mi-temps, la section football américain de Flamengo vient saluer les tribunes avant de se lancer dans une (pitoyable) démonstration. Il est temps que le jeu reprenne. Posté plus haut dans le virage nord debout dans les escaliers, un parfum de weed chatouille les narines. Au pays de la prothèse mammaire et du corps exhibé, nombre de sócios-torcedores (les ultras brésiliens) ont tombé la chemise. Comme ce mec à ma gauche avec son bonnet rouge et noir vissé sur la tête malgré les douces températures du printemps brésilien. Ça n’arrête pas de chanter et de danser. Après un nouvel arrêt miracle de Felipe, Flamengo double la mise à 20 minutes de la fin par Hernane. Le virage chavire et trois chants célébrant le but s’enchaîne. Alors qu’une jolie brune se prend une main aux fesses en descendant les escaliers, mon voisin estime qu’il s’agit du bon moment pour taper une selfie. André Santos a droit à une ovation au moment de se faire remplacer. Ancienne mauvaise pioche d’Arsène Wenger et rare joueur de la rencontre à avoir foulé les pelouses européennes, il promène ce soir sa caravane sur l’aile gauche de Flamengo. Si l’atmosphère se relâche, un peu plus loin, un type à crête portant un maillot de gardien de but reste sous tension. La moindre action est prétexte à une volée d’insultes. Flamengo recule et encaisse un but de Rafael Moura à la 81e. Notre « gardien de but » reprend son show. Pendant que certains se rongent les ongles, beaucoup commencent à joindre les mains pour prier. Un petit black implore le ciel les bras levés. Chaque sortie en touche est accueillie par un tonnerre d’applaudissements jusqu’à ce que l’arbitre délivre la Naçaõ Rubro-Negra (les supporters de Flamengo). Il est temps pour les torcidas organizadas de chambrer les supporters de l’Internacional avant d’entamer une chanson pour remercier « Deus » .

Grâce à sa victoire (2-1), Flamengo grimpe de la douzième à la septième place au classement. Les sócio-torcedores quittent la Superior Norte en sprintant et en chantant à gorge déployée. Ferrinho (c’est écrit sur son maillot) a une autre façon de fêter ça. Ce cinquantenaire dépassant aisément le quintal profite du flot de supporters qui se déverse hors du stade pour piquer une bière dans la glacière d’un vendeur ambulant distrait.

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Par Arnaud Di Stasio

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