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On a vu Japon-Côte d’Ivoire dans le quartier japonais de São Paulo

Par Thomas Goubin à São Paulo
On a vu Japon-Côte d’Ivoire dans le quartier japonais de São Paulo

São Paulo abrite la plus grande communauté japonaise au monde (hors du pays du territoire nippon). On s'est rendu dans le quartier Libertade, où vivent la majorité des 300 000 Brésilo-Japonais, pour assister à l'entrée en lice des Samouraïs bleus face à la Côte d'Ivoire. Où l'on rencontre des Brésiliens fous de culture japonaise, un champion de sumo, et des disciples de la « Happy Science ».

Pas de poster à l’effigie de Honda, de drapeaux nippons ou de maillot du Japon. À H-3, le quartier Libertade dont la majorité des boutiques s’annonce en japonais, signe d’un certain attachement à la culture du pays du soleil levant, ne semble pas franchement se passionner pour la sélection de Honda, Kagawa and co. Le premier maillot japonais que l’on aperçoit est d’ailleurs porté par un Brésilien qui n’a aucune attache nipponne. Davison Goncalves est pompier, a la vingtaine et va regarder le match avec des amis dont la plupart supportent le Japon. « Je n’aime pas mon pays, annonce t-il d’emblée, et je suis un admirateur de la culture japonaise, leur nourriture, les mangas, et leur musique aussi. » Davison a fait d’une balade à Libertade le rendez-vous obligé de chacun de ses week-ends et se montre particulièrement empathique avec le pays qu’il vénère. « Le Japon a beaucoup souffert, assure t-il, il a connu deux guerres mondiales, un tsunami, et des problèmes avec le nucléaire, j’aimerais qu’il gagne une Coupe du monde. »

Davison, rencontré dans un centre commercial qui s’étale sur quatre niveaux et où les petites boutiques collées les unes aux autres proposent avant tout des produits asiatiques, n’est pas le seul à renier sa patrie pour lui préférer le pays du soleil levant. Marcos William, Adriano Felipe Da Costa, et Nicolas De Carvalho ont la petite vingtaine et travaillent dans une boutique dédiée à la culture manga. Ils aiment « l’éducation rigide » des Japonais, « alors qu’au Brésil les filles dansent le baile funk à 5 ans » , « leur créativité » aussi, et « leur cuisine » . Les trois compères ne supportent cependant pas le Japon. Pas la Seleção non plus, d’ailleurs. Ils n’aiment pas le football. Une antipathie plutôt rare au Brésil. Plus généralement, le quartier Libertade ne montre que peu de signes extérieurs de passion pour la Coupe du monde. Peu de drapeaux et maillots. Moins, en tout cas, que dans le reste du centre de São Paulo.

Le quartier dit japonais est en fait aujourd’hui un quartier asiatique, des Chinois et des Coréens s’y étant installés en masse. Francisco Wen, 66 ans, tient une boutique de babioles. Il est né à São Paulo, a grandi à Hong Kong, avant de revenir au Brésil. « Pourquoi je suis revenu ? Tout simplement car le Brésil est mon pays. » M. Wen ne semble toutefois pas avoir les mêmes références qu’un Brésilien moyen. « Comme joueur brésilien j’aime bien le nº10… Comment il s’appelle déjà ? » Le Brésil a vu débarquer ses premiers Japonais en 1908. Le pays de l’ordre et du progrès constituait alors une destination privilégiée pour les ressortissants d’un archipel dont les campagnes saturaient, alors que le Brésil avait besoin de main-d’œuvre suite à l’abolition de l’esclavage en 1888. Beaucoup de Japonais ont alors commencé à travailler dans des plantations de café. C’est le cas des parents de Clarice Aiko Oki, qui tient une boutique où elle vend des vêtement pour enfants, mais aussi des gadgets à l’effigie de Sailor Moon, Naruto ou des Pokemon. « Pour moi, le Brésil est le meilleur pays au monde » , envoie-t-elle.

Quand le Japonais n’était pas le bienvenu

Les relations entre migrants japonais et brésiliens n’ont toutefois pas toujours été au beau fixe. Les premiers ont longtemps été victimes de préjugés. La Deuxième Guerre mondiale où le Japon se trouvait dans le camp ennemi du Brésil n’a alors rien arrangé. « Son mode de vie méprisable représente une concurrence brutale à l’encontre du travailleur du pays ; son égoïsme, sa mauvaise foi, son caractère réfractaire font de lui un énorme chancre ethnique et culturel installé dans une des plus riches régions du Brésil » , envoyait ainsi le ministre de la Justice, en 1941. Clarice, 66 ans, ne semble toutefois pas traumatisée. « Le travail de mes parents était dur, mais on était heureux » , assure la sexagénaire qui a grandi à l’intérieur de l’État de São Paulo. Le père de Clarice a 97 ans. Il est arrivé au Japon au moment de la Deuxième Guerre mondiale. Clarice dispose de quelques notions de français. Elle chante la première phrase de la Marseillaise et a même assisté au France-Brésil de 2006, à Cologne. « J’étais dans la tribune française, raconte-t-elle, j’étais la seule avec mon maillot de la Seleção, mais ça c’est bien passé. » Si elle va regarder le match du Japon, Clarice est avant tout supportrice du Brésil, comme son mari, Domingos Danno. Elle est aussi fan des Corinthians, alors que son mari en pince pour Palmeiras. « Nos parents sont pour le Japon, mais notre génération est pour la Seleção » , assure-t-elle. Il n’existe toutefois pas de règle. Des jeunes rencontrés un peu plus loin dans la rue Galvao Bueno assurent ainsi être avant tout supporters du Japon, même si leur passeport indique qu’ils sont Brésiliens.

Dans un restaurant japonais traditionnel du quartier Libertade, les serveurs portent des vestes de kimono, mais prennent les commandes sur leurs portables. Aucune télé en vue, alors que se termine Angleterre-Italie. Une heure avant le coup d’envoi de Japon – Côte d’Ivoire, on commence toutefois à voir se multiplier sur les trottoirs les maillots de la sélection japonaise. Un groupe de supporters porte même des pancartes à l’effigie de Keisuke Honda. Ils sont installés devant les locaux de la société brésilienne de culture japonaise et d’assistance sociale. Couple de trentenaires, Maya Fukusawa et Mauro Goto espèrent que le Japon sera « champion du monde » . « On aime aussi le Brésil, mais ils ont déjà cinq titres » , se justifie Maya, qui ne s’est rendue que deux fois au pays de ses parents. Elle ne connaît que quelques mots de japonais, n’a plus vraiment de famille au Japon – « à part un oncle pas vraiment bavard » , dit-elle -, mais se sent très attachée à la culture de ses parents. « Ici, il y a beaucoup de corruption, assure Maya, et j’aime qu’au Japon les gens soient centrés, c’est un pays harmonieux. » Maya et Mauro sont des disciples de la « Happy Science » , une religion qui n’a rien à voir avec Pharrell, et qui est née au Japon il y a une vingtaine d’années. Selon Wikipedia, la Happy Science comprend notamment un réjouissant volet politique qui encourage l’expansion militaire japonaise.

Un ado en Pikachu et un président alcoolisé

22h à São Paulo. Coup d’envoi de Japon – Côte d’Ivoire. Au moins trois cents personnes sont rassemblées au sein du centre culturel japonais. La plupart sont jeunes et entament des « Nippons, nippons » . Leur apparence indique que leurs parents n’ont pas franchement fait dans le mariage mixte. Comme le cliché est le meilleur ami du supporter, un ado porte un costume de Pikachu… Tous parlent en portugais. Le président de l’association aussi, mais il n’est plus en état de répondre à une interview. « J’ai trop bu » , reconnaît-il en riant. Premier but et scènes de joie, mais ce n’est pas le feu non plus. Brésiliens sans aucune attache nippone, Riberia et Vinicius, couple à la vingtaine bien tassée, sont aussi de la partie. Ils admirent, eux aussi, la culture japonaise.

À la mi-temps, William Takahiro Higuchi, champion de sumo de 31 ans, prend le micro. Il vend des tee-shirts et lance un appel au soutien de l’équipe brésilienne de sumo. « São Paulo est la seule ville hors du Japon qui dispose d’une arène de sumo » , renseigne-t-il. Retour au football : la deuxième période va évidemment ne pas plaire aux Brésilo-Nippons, mais tout le monde se contient. Pas de drame. Au coup de sifflet final, l’assistance applaudit poliment, malgré la défaite. L’animateur de la soirée monte alors sur l’estrade et rappelle que le Japon peut encore se qualifier. Il rappelle également qu’il faut supporter le Brésil, pour que la Seleção remporte son sixième titre de champion du monde. De l’intérêt d’avoir deux sélections de cœur.

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Par Thomas Goubin à São Paulo

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