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On a visité la « plus laide ville du monde » avec un footeux

Par Émilien Hofman, dans la ville « la plus laide du monde »
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On a visité la «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>plus laide ville du monde<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>» avec un footeux

Javi Martos a connu Barcelone, le soleil et les filles en bikini. C’était avant 2012. Depuis, il a rejoint le Sporting de Charleroi, élue « plus laide ville du monde » par un sondage néerlandais. Sur place, un petit tour de deux heures suffit néanmoins à prouver que ce n’est pas tout à fait vrai…

« Au départ, Charleroi n’a pas une laideur naturelle. On a fait en sorte que la ville soit abandonnée à elle-même au point de devenir ce qu’elle est. Prenez n’importe quelle merveille : si vous la laissez aller, elle s’enlaidit. » Le petit homme énergique qui parle, c’est Mario Notaro. Carolo jusqu’au bout des ongles, ses années passées au Sporting Carolo ne se comptent même plus. Entraîneur adjoint, il a régulièrement repris la casquette de coach en intérim quand le principal se faisait foutre dehors. Alors qu’il s’apprête – veston bien fermé pour se protéger de la brise locale – à faire le tour de sa ville, Mario interroge : « Ça consiste en quoi cette balade ? »

Cette balade, c’est une idée d’un certain Nicolas Buissart – bien entendu carolo – qui a voulu rebondir sur le titre de « Plus laide ville du monde » attribué à sa Charleroi par un sondage néerlandais. « Charleroi véhicule des dizaines de clichés, envoie ce grand bonhomme aux yeux clairs qui font comprendre qu’il vaut mieux rester attentif à ce qu’il dit. En faisant ce tour des lieux insolites de Charleroi, les gens viennent se confronter à ces clichés. Les chemins qu’on emprunte sont ceux que personne ne prend, alors que dans la société, tout le monde suit la même route. » Chaque semaine, Nico fait donc visiter sa ville aux touristes intéressés par « autre chose que ce qu’on voit partout » .

« Pas 200 000 gangsters ici »

Mains dans les poches, sourire constant, un peu interloqué par ce qui va lui arriver, Javi Martos fait son apparition sur le parking du stade du Pays de Charleroi. Débarqué il y a cinq ans chez les Zèbres, l’Espagnol se souviendra toute sa vie de ce jour de janvier où il a posé ses valises dans le Hainaut. « Tout était noir, lance-t-il d’entrée. Il n’y avait rien à faire. J’ai donc quitté l’hôtel où j’étais hébergé pour aller découvrir le quartier. J’y ai croisé des prostituées et plein de gens qui me demandaient de l’argent… Je suis vite rentré dans ma chambre. Bizarrement, je n’ai pas eu peur parce que je me suis dit que chaque ville avait son quartier déconseillé, mais c’était quand même pas top. » Depuis, l’ancien Barcelonais concède que la ville a de toute façon bien évolué… « La voirie a été refaite, les activités culturelles se sont multipliées, et maintenant, j’ai l’impression qu’il y a toujours quelque chose à faire, notamment pour les jeunes. On n’a en tout cas pas peur de sortir en ville avec ma femme… »

Engagé avec son groupe de touristes dans les recoins de Charleroi depuis le début de la journée, Nicolas donne rendez-vous devant le palais des congrès, un lieu qui parle à Mario Notaro. « Il y a 60 ans, qui pouvait se targuer d’avoir un palais d’exposition en Belgique ? Actuellement, on l’utilise toujours… mais qu’est-ce qu’on a rénové au niveau esthétique ? Rien : il est resté identique. Pourtant, il mériterait bien un coup de rafraîchissement. » Chaque année, le Sporting de Charleroi participe au Salon des arts ménagers organisé au palais des congrès en rencontrant leurs fans et en signant des autographes. Il faut dire que le club a un grand rôle à jouer dans le changement de réputation de Charleroi. « On n’est pas des politiciens qui allons tout transformer, pose Javi. Mais si on peut améliorer la réputation de la ville en étant proche des gens ou en faisant de bons résultats, c’est parfait. » Parlons-en des résultats ! Après des années de disette – notamment liées à la gestion douteuse du président iranien Abbas Bayat – les Zèbres ont retrouvé une stabilité et font désormais partie du subtop belge. « Le fait de parler positivement d’une ville est quelque chose que tout le monde recherche, analyse Mario. On doit casser la peur que les gens ont quand on dit « Charleroi ». Il y a des mauvaises choses dans cette ville, mais il n’y a quand même pas 200 000 gangsters quoi, il y a une âme, une richesse… »

Robert la frite et la centrale

À quelques centaines de mètres du palais des congrès trône l’enseigne « Robert la frite » . En dessous, on trouve une baraque classique que l’on pourrait trouver dans n’importe quelle ville belge. Mais celle-ci joue un rôle très important dans le quotidien des Carolos. « C’est un lieu de rassemblement : la friterie de la nuit, tout simplement, résume Mario. C’est courant que le soir, on se dise :« Bon, on va s’en manger une petite chez Robert ?! » » « Je connais la place, mais je n’ai jamais été manger là-bas, relance Javi. Je ne mange pratiquement jamais de frites, il faut rester professionnel… » Après la pause frites, Nicolas l’assure : l’arrêt suivant va en surprendre plus d’un. De chez Robert, il faut emprunter le ring, cette voie aussi grisâtre qu’efficace qui fait le tour du centre-ville. « Mais là, je ne sais pas trop vers où il veut nous emmener » , lâche Mario le conducteur. « On arrive sur la place Albert, indique Javi, qui semble en connaître plus sur sa ville qu’il ne le dit. C’est là où ma femme a suivi ses cours de français… avant de me l’apprendre à moi (rires). »

Soudainement, le convoi emprunte un chemin qui n’a probablement plus été utilisé depuis la cessation des activités de la centrale qui s’agrandit plus on s’en approche. Mario est bluffé : « Je vous l’accorde, c’est la première fois que je viens ici… » lâche-t-il en arrivant sur une petite plaine boueuse qui mène à l’énorme cheminée d’une ancienne centrale. « Houlala, tu veux rester près de la voiture, Javi ? » demande l’entraîneur adjoint. « Non non pas de problème » , renvoie le capitaine, dont la curiosité prend le dessus sur l’angoisse. « Je ne me rappelle pas d’avoir déjà vu quelque chose comme ça, c’est impressionnant à l’intérieur… » , commente l’Espagnol au moment de pénétrer l’enceinte de la cheminée. Il n’a évidemment pas tort : le défenseur se retrouve en plein centre d’une gigantesque enceinte qui produisait encore de l’énergie à partir de charbon il n’y a pas 10 ans d’ici. Le tout avec une liberté d’accès digne de celle d’un parc municipal. « C’est un lieu très intéressant du patrimoine de Charleroi, reconnaît Mario. Mais ce n’est pas valorisé : vous avez vu le chemin pour y accéder ? Vieillir est un truc naturel, mais bien vieillir est très important ! Là, c’est laissé à l’abandon. »

Un Blaugrana à Charleroi

Formé au FC Barcelone où il évoluera même quelques instants avec l’équipe première sous Frank Rijkaard, Javi Martos a ensuite fait ses armes à Málaga et en Grèce, à Iraklis Thessalonique. Quand il parle désormais de sa ville belge à ses compatriotes, c’est plutôt grâce au basket qu’ils parviennent à la situer. « Mais quand mes amis viennent ici, s’ils parlent évidemment du climat, du manque de soleil, etc. ils trouvent la ville tout à fait normale. » Il faut néanmoins préciser que c’est dans le Hainaut que le Carolo a découvert pour la première fois ce qu’était une usine… « En Catalogne, il n’y a pas tout ça… En plus, mes grands-parents étaient issus du monde agricole, pour moi ce fut une totale découverte quand je suis arrivé ici. » Habitué à mener des groupes chaque semaine, Nicolas se balade aujourd’hui avec une dizaine de personnes, dont Déborah, petite blonde emmitouflée dans sa doudoune. « Aujourd’hui, c’est la Saint Éloi (Patron des métallurgistes et métiers de la construction, ndlr), alors tout le monde boit. Mais nous, on voulait faire quelque chose de différent. Et comme on a deux collègues carolos qu’on embête toujours en disant « Ho Charleroi, c’est moche… », elles nous ont proposé de voir autre chose ! »

Avant de retourner vers le centre-ville, la caravane de Nicolas fait un dernier détour par le Rockerill, une ancienne usine faisant partie d’un zoning industriel typique dans lequel on n’a a priori pas trop envie de s’éterniser… « Quand j’étais gosse, c’était une rue qu’on évitait au maximum à cause de la fumée qui se dégageait de partout, se souvient Mario. Et puis c’était gris ! » Mais à l’intérieur, le site ne ressemble plus uniquement à une simple usine sidérurgique. « Ce lieu a servi de musée de l’industrie jusqu’en 2005 quand un groupe d’artistes a racheté l’endroit pour en faire une sorte de lieu culturel » , annonce le guide Nicolas. L’intérieur du bâtiment est saisissant : au milieu des tôles et autres restes de ferrailles et de tonneaux se trouve une véritable salle culturelle : ici le bar, là une décoration underground bien symbolisée par le panneau Carolofornie et des carcasses de voitures. « Jamais je n’aurais pu penser que c’était comme ça à l’intérieur, assure Javi. C’est curieux, mais ça apporte quelque chose à ce quartier et à la culture de la ville. Quand je raconterai ça dans le vestiaire demain, ils vont me prendre pour un fou, mais qui sait si je ne risque pas de venir y faire un tour ?! Ça donne envie de découvrir d’autres coins méconnus de Charleroi en tout cas… » Mario est d’accord avec son capitaine, mais il se montre cependant un peu plus mesuré. « C’est un très bon exemple d’un vieux bâtiment qui a été réutilisé. Si on fait pareil avec les anciennes usines de la rue, il y aura de la visite ! Bon, peut-être pas moi hein, ici c’est plutôt pour les jeunes… »

De la relation professionnelle à l’amour

Se baser sur le passé industriel de la ville et la culture moderne, c’est un peu le pari de Charleroi pour relancer son économie et sa réputation. « Dans le centre-ville, les anciennes écuries de la gendarmerie ont été rafraîchies et mises en valeur, désormais c’est une salle de spectacle » illustre Mario. Et puis il y a aussi cet Eden, dernière étape de la balade. Un espace culturel que Javi a déjà fréquenté… mais pas encore pour assister aux représentations. « J’ai été au restaurant, c’était très bien : la décoration est très artistique et différente de ce qu’on trouve dans les brasseries classiques. En revanche, je n’ai pas osé aller voir une pièce parce que j’ai peur de ne pas tout comprendre en français… J’ai déjà tenté le coup avec le cinéma, mais je dois chaque fois revoir le film en espagnol après. » Pour un gars qui venait au départ « juste pour faire son boulot » , Javi s’est finalement complètement intégré à la ville – il habite avec sa femme et sa fille dans un appartement neuf à 50 mètres du stade – et ne semble pas prêt à quitter le Pays noir. « C’est quand tu vois l’évolution de la ville et du club que tu te dis que tu ne peux que la suivre et la soutenir, tu ne peux pas quitter le Sporting facilement ! »

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