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  • 55 ans de Diego Maradona

« On a fait croire à Diego que le succès justifiait tous les écarts »

Propos recueillis par Aquiles Furlone // Traduction : Ruben Curiel
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Fernando Signorini, ancien préparateur physique personnel de Diego Maradona, a suivi El Pibe de Oro durant toute sa carrière. Aujourd'hui, il dresse le portrait d'un homme déchiré par les contraintes « de la jungle du monde du football ». Avec une certaine rancœur contre les médias.

À 55 ans, qui est désormais Diego Maradona ?

Aujourd’hui, Maradona, c’est le produit de nombreuses années d’instrumentalisation de personnes qui ont privilégié les intérêts économiques au sport. L’homme leur importait peu, il le voyait comme un objet de consommation prêt à être vendu. Et cela sans mesurer les risques qu’il devait affronter pour être à la hauteur des exigences de ce système. D’un autre côté, il y a un homme qui se cherche, sans pouvoir se trouver. Je pense qu’il n’y arrivera jamais. Il ne trouvera pas le calme et le bonheur qu’il mérite plus que tout. Il a offert tellement de joie à des millions de personnes, pas seulement aux Argentins, qui ont profité de sa magie sur un terrain de football. Il n’y était pas préparé. Il avait un don naturel. Ou alors, Tota et Diego (les parents de Maradona, ndlr) avaient une baguette magique, et ils ne se sont jamais rendu compte de ce qu’ils ont créé. Je pense qu’aujourd’hui, Diego est un homme qui a souffert, simplement parce qu’il n’était pas préparé à affronter les contraintes de ce système.

Comment vit-il le fait d’être une légende qui ne peut pas rechausser les crampons, et faire ce qui le rend le plus heureux ?

Je suis sûr qu’il pense encore comme un joueur de football. Il sera toujours joueur de football. Je me souviens qu’un jour, lorsqu’il me parlait de sa retraite, je lui ai dit : « Mens à qui tu veux, mais tu ne vas pas me faire croire ça. Tu ne vas jamais arrêter de jouer. » Diego est toujours le même joueur. Quand il regarde un match à la télévision, il joue, il invente et dessine des actions, et profite comme le premier jour.

En regardant du football à la télévision, il profite ou il souffre ?

Il souffre aussi. Déjà, quand il était joueur, il souffrait quand un de ses coéquipiers ne terminait pas bien les actions, ou faisait une mauvaise passe. Même quand il regardait un match. Il s’énervait, il pensait qu’il était sur le terrain. Parfois, il disait : « il aurait dû accélérer, il aurait dû lâcher le ballon » , où des commentaires de ce genre. Il ne critiquait pas, il souffrait simplement. Il était, et il est toujours, un très grand passionné de football.

Maradona est-il trop « gentil » pour le monde du football ?

Je n’ai pas la capacité de mesurer la bonté et la méchanceté. Je pense qu’avant tout, c’est un garçon qui, comme le dit un tango argentin, « est sorti du quartier sordide pour toucher le ciel » (chanson « El choclo » , d’Ángel Villoldo). Il l’a même dit une fois : « On m’a mis un coup de pied au cul, on m’a jeté sur la cime d’une montagne, on m’a laissé seul, et personne ne m’a dit ce que je devais faire. » Il est le premier qui a osé se confronter à la jungle des médias qui l’instrumentalisait. Et c’est lui qui a subi tous les coups en retour. Pour tous les jeunes, surtout pour ceux d’Amérique latine et d’Afrique, qui sortent de conditions sociales précaires, le chemin est tout tracé. Les risques sont moindres aujourd’hui, parce qu’un génie fou l’a ouvert en payant toutes les conséquences.

Tu as déjà vu un tel joueur ?

Non. Seul Messi s’en approche. Et ce serait tomber dans l’erreur de la comparaison entre les deux. Ils sont les produits d’époques et de conditions sociales différentes. Je pense que Lionel avait en tête tout ce que Diego a enduré, comme une sorte de référence. Les parents, les amis, et les entraîneurs de Messi le savaient aussi. Diego était le premier. Une fois, un journaliste italien s’est énervé avec moi parce que je lui ai dit que Diego était plus célèbre que le pape. Et oui, il est plus connu que le pape. Et cela, il le doit à son talent, sa manière de jouer au football. Mais aussi à la « marque Maradona » , utilisée pour faire des affaires sur son dos.

Quel regard les Argentins portent-ils sur Maradona ?

Pour beaucoup, il reste cet idiot, accroc à la drogue, ce dégénéré, ce fils de pute qui a des enfants partout et qui ne les reconnaît pas. Nous sommes dans une société énigmatique, mystérieuse. On juge, on aime ou on déteste, comme si c’était une chose totalement naturelle. Avec Diego, c’est la même chose. Partout ailleurs, il aurait été préservé, protégé, mais aujourd’hui, comme le dit un autre tango : « Tous les chanteurs se prennent pour Gardel. » L’Argentine est pleine de chanteurs, mais il y a très peu de Gardel.

Vivre en Argentine serait un problème pour Maradona ?

Évidemment ¡ Je ne lui conseille pas. Ici, il y a énormément de perversité, de morosité véhiculée par les médias, qui n’hésite pas à vendre avec le succès, la défaite, la vie ou la mort. Non, pour son bien, il doit rester loin d’ici. Qu’il vienne quand il veut, car les souvenirs sont toujours agréables, mais qu’il ne reste pas longtemps. Ce serait trop dangereux.

Il a vécu une sorte de renaissance. Tu penses qu’il peut en profiter pour vivre différemment ?

Non. Cela serait arrivé s’il était resté Diego. Mais Maradona l’a envahi. Maradona, c’est une invention des médias. S’il était resté Diego, peut-être que oui. Un jour il m’a dit : « Si je n’étais pas devenu Maradona, je serais encore dans le bidonville. » Et je t’assure qu’il y a des gens qui vivent là-bas, avec leurs valeurs, et qui sont très heureux. J’en connais beaucoup. On a fait croire à Diego que le succès justifiait tous les écarts. Aujourd’hui, Diego est ce que Maradona a laissé indemne. Le reste, il a tout détruit.

Vous êtes en contact avec lui ?

Non. Je ne le vois pas souvent. La dernière fois que je l’ai vu, c’était à l’enterrement de son père. Don Diego (surnom du père de Maradona, ndlr), c’est le meilleur Maradona que j’ai connu. Le fils jouait mieux au football, mais le père était une meilleure personne.
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Propos recueillis par Aquiles Furlone // Traduction : Ruben Curiel

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