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Olivier Baudry : « Ce n’est pas un putain de cancer qui va m’arrêter »

Propos recueillis par Gad Messika
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Olivier Baudry : « Ce n’est pas un putain de cancer qui va m’arrêter »

Le nom d’Olivier Baudry sent bon le football des années 90. Après avoir passé une bonne partie de sa carrière à Sochaux, il revient sur son passé de footballeur et sur son combat contre le cancer. Entretien avec un bonhomme jaune.

Tu es né à Vannes en 1973, comment s’est passée ton enfance ?Mon père était instituteur et s’occupait de différents centres aérés. On naviguait entre la Picardie et la Bretagne. Ma mère, quant à elle, s’occupait de l’infirmerie ou bien de la cuisine. J’ai grandi à Quiberon, et toutes les trois semaines, les classes des écoles du coin venaient profiter des activités du centre aéré. Il y avait mes potes de l’école, mais aussi les 150 gamins qui arrivaient. Ce qui fait que j’étais toujours entouré, j’avais toujours un petit groupe de copains pour s’amuser. On avait plus de liberté, donc on profitait à fond !

À quel âge tu as commencé à t’intéresser au football ?J’ai découvert le foot très tôt, mais c’est à partir de l’âge de 7, 8 ans que je ne pensais qu’au football. C’était le foot et rien d’autre. Je ne pensais qu’à ça, c’était ma passion. Même quand je me suis engagé dans le processus pour devenir professionnel, j’avais toujours cet amour pour le jeu qui me faisait avancer. En revanche, les études avaient une part importante dans ma vie, même si le football était très présent, il ne fallait pas les galvauder. Alors j’ai continué et j’ai eu un baccalauréat scientifique. Je me souviens qu’en 3e, on m’avait demandé de choisir entre l’équipe de France jeunes ou bien un championnat de maths. Je te laisse deviner mon choix ! (Rires)

J’invitais l’équipe dans les centres de mon père. Il y avait une grosse ambiance conviviale. Sochaux, c’est un club qui a plus de 100 ans, alors quand tu signes là-bas, tu entres dans l’histoire du club. Tu ne peux pas te servir du club comme tremplin.

Tu fais ta formation avec le FC Sochaux, comment cette occasion s’est présentée ?À l’époque, j’étais dans un centre spécialisé pour les jeunes joueurs. Et lors des présentations d’équipe aux parents, on me définissait comme quelqu’un de technique. Les gens du foot me voyaient comme un bon numéro 10. Pourtant, ce n’était pas suffisant pour me dire que j’avais du talent. Moi, j’aimais juste jouer. Mon prof de maths vantait mes mérites, alors ma matière préférée était la sienne. Suite aux différents concours et stages, j’ai pu faire la rencontre d’éducateurs et de personnes qui m’ont conforté dans ma vision du football. À l’âge de quinze ans, j’avais le choix entre plusieurs clubs pros, Monaco, Bordeaux ou Nantes, entre autres. Et un jour, je participais aux matchs de sélection régionale de la Lorraine, et Jacques Georges, l’ancien président de l’UEFA, qui habitait dans le coin, est venu nous voir. Avec certains joueurs, on est devenus ses « fils spirituels » et il me dit de rejoindre Sochaux. Vu que mon père prenait la direction d’un stage dans les Vosges, j’ai préféré rejoindre Sochaux pour être proche de ma famille. Je me retrouvais à 1h de chez mes parents, donc après les matchs du dimanche, je rentrais chez moi de 17 à 21h. Une chance par rapport à certains joueurs.

Comment tu te sens pour ton premier match avec les pros ? Et comment s’est passée ton intégration dans cette équipe sochalienne ?C’était un match de Coupe de France contre Rodez en 91-92. On joue le match en semaine, alors que le week-end, on doit rencontrer Saint-Étienne pour la survie. Alors pour la Coupe, l’entraîneur décide de mettre les jeunes. Le président de l’époque, M. Thouzery, était venu nous voir avant le match. Il venait nous motiver et nous dire qu’en cas de victoire, une prime nous attendait. J’avais un contrat stagiaire qui n’était vraiment pas élevé, alors cette prime, c’était une petite consécration. J’ai compris plus tard que le football était un business. L’intégration a été progressive. Je m’entraînais avec les pros cette année-là. La plupart venait du centre de formation, alors ils nous prenaient sous leurs ailes. Avant de rencontrer ma femme, on était tout le temps dehors. On sortait ensemble, on allait dîner, on discutait entre coéquipiers. Le FC Sochaux avait vraiment ce côté grande famille.

Tu arrives à faire ta place durant quelques saisons, mais en 95, vous descendez en Ligue 2. Que s’est-il passé ?C’était une question d’équilibre. Il fallait trouver une harmonie, sauf que les décisions n’allaient jamais dans ce sens. On changeait souvent d’entraîneurs. Et à chaque fois qu’un coach arrivait, on repartait sur un autre cycle. Ils avaient perdu le temps de bien analyser le groupe. Jacques Santini venait d’arriver, mais il a rapidement appris qu’il allait être remplacé par Didier Notheaux, quoi qu’il arrive. Cette année-là, on est bien les premières journées, et après, c’est la dégringolade. Et quand tu rates ton début de saison, en général ça ne pardonne pas.

Je garde toujours comme preuve qu’à un moment de ma carrière, Raymond Domenech me préférait à Zidane. C’est son point de vue, mais c’est flatteur. En 93, mon nom est avec les Thuram, Dugarry ou Zidane.

Vous restez quelques années en Ligue 2, comment ça se passe ?On voulait remonter en Ligue 1 le plus vite possible. Il était inconcevable que Sochaux joue en L2. Chaque saison, on taillait une équipe qui avait les moyens de jouer en Ligue 2, mais qui pouvait jouer au-dessus. Pour moi, c’était inconcevable de quitter Sochaux. Je me disais déjà que j’allais finir ma carrière là-bas. Quand tu ne partais pas jeune, après, c’était très compliqué. Il fallait être lucide. Alors, on me dit que je fais partie intégrante du projet sochalien. Je commençais à avoir de la bouteille, on comptait sur moi. Je dépassais mon rôle de joueur, je participais aux discussions concernant les orientations sportives des jeunes, j’organisais des sorties sur deux, trois jours. J’ai même organisé des Nouvel An avec le club. J’invitais l’équipe dans les centres de mon père. Il y avait une grosse ambiance conviviale. Sochaux, c’est un club qui a plus de 100 ans, alors quand tu signes là-bas, tu entres dans l’histoire du club. Tu ne peux pas te servir du club comme tremplin. Et durant 3 ans, on finit proches du podium, mais jamais dessus.

En 98, vous remontez en Ligue 1 après des années de disette. Qu’est-ce qu’il fallait changer, selon toi ?C’était toujours la même histoire d’équilibre, de motivation commune. On vivait ensemble, on avait créé une vraie cohésion durant ces 2, 3 ans. On s’auto-gérait et on avait en tête nos objectifs. Je me souviens de la montée avec Faruk Hadžibegić. Il y avait un partout à la mi-temps. Il s’est pointé dans le vestiaire et n’a pas décroché un seul mot. Il nous a laissés devant nos responsabilités. Le mec avait compris que les joueurs allaient trouver les ressources pour faire la différence. Il savait qui on était, ce n’était absolument pas un coup de poker. On gagne 2-1. Ensuite, ça a été une explosion de soulagement et de bonheur. J’avais connu ma première descente. Et là, nous avions permis au club de renaître. Tu as l’impression d’avoir donné un nouvel élan au club. C’était historique pour un club aussi familial, on se sentait garants de quelque chose. Quand t’es ici depuis gamin, que tu as grandi dans le club, tu te sens investi et là, tu es de retour à la lumière.

Tu joues aussi avec les sélections de jeunes des Bleus. Tu as côtoyé du beau monde, comment ça se passait ?Ça se passait bien, je faisais mon petit bonhomme de chemin. Je garde toujours comme preuve qu’à un moment de ma carrière, Raymond Domenech me préférait à Zidane. C’est son point de vue, mais c’est flatteur. En 93, mon nom est avec ceux de Thuram, Dugarry ou Zidane. Zizou a eu une évolution constante. Il est passé par la grosse équipe de Cannes, avant de rejoindre Bordeaux, puis la Juventus et le Real Madrid. Un parcours étape par étape.

La rupture s’est faite lors d’un match à Nice, où Fernandez me fait jouer en 6 et Pedretti en 10. Sa théorie de jeu se basait sur « Plus le ballon était loin, moins l’adversaire était dangereux. » J’avais 28 ans et je ne voulais pas avoir cette philosophie de football.

Tu n’as jamais pensé à un transfert ?Cette année-là, le président Gilles Daget est invité par Alain Afflelou, alors président de Bordeaux pour signer un autre joueur et moi. Sauf que le président ne voulait pas nous lâcher, ce n’était pas une question de montant, c’était qu’il comptait sur nous. Sochaux, étant un club formateur, taille ses joueurs pour ensuite les utiliser. Ces joueurs devaient prouver dans le club avant de partir. Sauf que c’est Johan Micoud qui signe à Bordeaux et il fait une belle carrière derrière. Il a bénéficié du tremplin de Bordeaux. J’avais laissé passer ma chance. Peut-être par manque de caractère…

En 2000, tu décides de partir pour la Suisse, plus précisément à Lausanne. Pourquoi ce choix après 10 ans de bons et loyaux services ?Jean Fernandez était, à l’époque, entraîneur de l’équipe, et on avait de mauvaises relations. J’avais signé un contrat de cinq ans avec une reconversion à la clé au club. Je finissais tranquillement ma carrière de joueur et je me retrouvais toujours au sein de Sochaux. Sauf qu’il a préféré dégager les anciens du club, ceux qui avaient de l’influence. J’embrassais tout le monde au club et ça le faisait chier, alors il a décidé qu’on n’avait plus besoin de moi. Lors d’un match contre Marseille, on perd 4-0, je finis arrière gauche face à Pirès. Je me tape les conférences d’après-match à la place du coach. Quinze jours après, Fernandez arrive et on gagne 5-0 contre Montpellier. On fait la différence, et l’équipe tourne bien. Ce n’est pas lui, qui, en une semaine, a changé quoi que ce soit. À 20 minutes de la fin, je pars seul au but, et Franck Sauzée me pète la cheville. Je suis capitaine du club et je fais tout pour revenir. Depuis ce moment-là, c’est le début de la fin. En mars, je suis de nouveau sur pied, et ils me font faire quatre matchs avec la réserve. Un d’accord, mais quatre… Je vais voir l’entraîneur, et il n’est pas capable de me dire les choses en face. Camel Meriem vient de percer, et la seule chose qu’il trouve comme excuse, c’est : « Olivier, t’es trop proche du club. » Des excuses bidons. On finit la saison, mais je n’étais pas à 100%. On redescend en Ligue 2 et je ne fais pas partie des plans de Jean Fernandez. La rupture s’est faite lors d’un match à Nice, où Fernandez me fait jouer en 6 et Pedretti en 10. Sa théorie de jeu se basait sur plus le ballon était loin, moins l’adversaire était dangereux. J’avais 28 ans et je ne voulais pas avoir cette philosophie de football.

D’un point de vue personnel, tu te sentais bien ?Moi, j’ai toujours donné le maximum. Je me suis senti bien et à l’aise sur un terrain. Je le faisais pour le club et pour moi. Le FC Sochaux, c’est ma famille, ma maison. Quel que soit le propriétaire de la maison, c’est le FC Sochaux qui m’a éduqué, qui m’a appris à jouer. J’ai toujours tout donné au club. J’ai justement eu la connerie de dire ce que je pensais et ça m’a joué des tours.

Moi, tant qu’on me fout pas dehors, je joue.

Après cette pige en Suisse, tu te retrouves à Sainté. Comment s’est passé le transfert ?Sainté, c’était l’enfer. Je me retrouve au milieu de gens qui n’en avaient rien à foutre. Il y avait des histoires bizarres avec les agents. Mon contrat était caduque. À ce moment-là, je touche vraiment les bas-fonds du foot.

Tu deviens ensuite éducateur sportif, c’était une logique pour toi de rester dans le sport ?
Je sortais de Saint-Étienne dégoûté et je me retrouve à l’été 2003 à me demander ce que j’allais faire. Donc, j’ai commencé à passer mes diplômes d’entraîneur, ça a pris trois ans et j’ai vraiment aimé cette période. C’est ce qui m’a permis de créer mes stages de foot. J’ai quand même continué à jouer en D2 suisse avec le SR Delémont. J’entre dans un monde semi-pro qui me permettait quand même de vivre du foot. Et ça me libérait un peu de temps pour faire mes petites choses et de, pourquoi pas, attendre une opportunité d’entraîner en Suisse ou en France.

En 2012, on te diagnostique un cancer du pancréas… Ça a été un véritable choc. Le fait de ne pas savoir si je pouvais encore jouer ou pas, c’était trop. Je suis resté suspendu au mot du docteur, jamais je ne me suis senti malade. Mais ce n’était pas une issue fatale. J’avais un employeur, donc j’ai demandé aux spécialistes quand est-ce que je pourrais rejouer au foot. Durant tout mon combat, j’avais en ligne de mire de rechausser les crampons. Le dernier match que je joue, je suis malade. Le lendemain, j’allais à l’hôpital pour les premiers soins. On jouait contre le FC Bâle en amical, l’année où ils font une bonne campagne européenne avant de se faire éclater par le Bayern. Tu vois un peu comment j’arrête. Mais c’est pas un putain de cancer qui va m’arrêter à 40 ans. Moi, tant qu’on me fout pas dehors, je joue. J’étais dans un monde semi-pro et il ne savait pas comment réagir avec cette nouvelle. Dès le lendemain, il l’annonce à tout le monde, même à la presse. On était dépassé par les événements. Dans tous les stades, il y avait des banderoles de soutien. C’est toujours les autres qui vont te faire comprendre ce que tu as pu accomplir. Avec du recul, c’est comme si j’avais vécu mon propre enterrement. À ce moment-là, j’étais comme condamné. Heureusement que ma femme et mes enfants étaient là. J’ai la perspective de rejouer, mais j’ai surtout deux enfants adorables et une femme dont il faut que je m’occupe.

Et maintenant, ça va ?J’ai rechuté il y a trois semaines, mais les nouveaux soins se sont bien passés. Je te le répète, ce n’est pas un putain de cancer qui va m’arrêter.

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Propos recueillis par Gad Messika

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