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On a lu « Comment ils nous ont volé le football »

Par Benjamin Laguerre
On a lu «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Comment ils nous ont volé le football<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Il y a deux ans, François Ruffin, réalisateur de Merci Patron publiait avec Antoine Dumini Comment ils nous ont volé le football, sorte de préambule au mouvement Nuit Debout.

Nuit Debout. Depuis le 31 mars dernier, une partie de la France rêve d’un destin espagnol à la Podemos. Paris, place de la République, aux premières loges, impossible de louper et de ne pas entendre François Ruffin, le réalisateur du documentaire Merci Patron, sur les écrans depuis le mercredi 24 février 2016, et fondateur du journal Fakir, le « journal fâché avec tout le monde » . Il y a tout juste deux ans (en avril 2014), un petit livre, publié aux éditions du même nom que le journal et coécrit par François Ruffin et Antoine Dumini, annonçait secrètement ce mouvement citoyen en décryptant la relation entre ballon rond et pognon : Comment ils nous ont volé le football. On vous explique ici pourquoi.

Un retour en 126 pages sur l’évolution du sport roi depuis 50 ans, des enjeux géopolitiques de la guerre froide à la mondialisation. Une analyse décennie par décennie pour découvrir et comprendre comment et pourquoi le football est ce qu’il est aujourd’hui. Un livre sur le passé pour mieux comprendre le présent et anticiper ce que pourrait être l’avenir du football. Peu de place pour le rêve et un constat glaçant : « Que s’est-il passé alors ? C’est le même jeu, un ballon, deux équipes, quatre poteaux, et voilà que ce sport du pauvre brasse des milliards, s’exporte comme un produit, devient la vitrine triomphante, clinquante, écœurante du capital. Que s’est-il passé alors ? Rien, en fait. Juste que l’argent a envahi toute la société, lentement, depuis trente ans, et que le football en est le miroir grossissant. »

Mondial pipé sur fond de guerre froide

Vous ne savez pas comment l’Angleterre a gagné son seul trophée lors de la Coupe du monde 1966, organisée sur ses terres ? C’est plus simple quand la géopolitique fixe les règles du jeu : « On assiste, pour de bon, cet été-là, à un affrontement géopolitique entre le Nord et les pays du Sud et de l’Est. Comment ? Dès les qualifications, déjà, les dés semblent pipés : dix places sont réservées aux équipes européennes. Une seule aux continents Afrique-Asie-Océanie. Du coup, les quinze pays africains boycottent l’épreuve. Reste le plus dur : éliminer les meilleurs, les Sud-Américains. Là, durant la Coupe, les arbitres vont jouer à plein. Stanley Rous a sélectionné les plus fidèles, dont sept Britanniques.(…)Cette parodie de compétition sera aussitôt célébrée comme la « World Cup des arbitres ». Jamais aussi clairement le football n’est apparu comme la continuation de la guerre par d’autres moyens : alors que la décolonisation s’est achevée, les Européens à l’orgueil blessé ne doivent pas, au moins, perdre cette bataille-là. Fut-elle symbolique, avec un ballon et un bout de métal pour enjeu. Et en pleine guerre froide, aucun triomphe ne sera laissé au bloc communiste… »

Ce livre est un résumé instructif de « l’ histoire économique que ce sport nous raconte, à sa manière, des années 60 à aujourd’hui, de la libéralisation des ondes à la mondialisation des marques jusqu’aux fonds de pension(…). Le ballon, comme un monde en plus petit. » Dans les années 70, la matrice du foot-business, c’est Horst Dassler, le patron d’Adidas, qui organise l’élection à la présidence de la FIFA en 1974 et installe dans un fauteuil le Brésilien João Havelange, celui qui résume sa mission à : « Je suis là pour vendre un produit appelé football. » Comme par hasard, la FIFA signera peu de temps après un partenariat avec Adidas, puis avec Coca-Cola dès 1976, deux « sponsors obligatoires » pour toutes les fédérations. Ou comment l’ouverture des marchés, même les plus fermés, passe par le ballon rond… Business is business.

La règle Adidas-Coca

Les années 80, avec la révolution télévisée du football, permettront la transition irréversible de la frite aux droits télés : « En 1980, un club pro vivait de ses ventes de billets, de ses fanions et de ses baraques à frites. Les droits télés ne représentaient que 1% de ses recettes – contre plus de 50% aujourd’hui… » Au cours de cette décennie, les grands argentiers du football (Bez, Tapie, Lagardère) et les groupes de communication européens (Murdoch, Kirch, Berlusconi) redéfiniront les règles du jeu. Dans les années 90, marquées par l’arrêt Bosman et ses conséquences, le terme de mondialisation prendra tout son sens avec la délocalisation du foot, la recherche de main-d’œuvre dans les pays du Sud… pour arriver à notre football d’aujourd’hui avec ses milliards de droits télé, l’omniprésence de la publicité, son naming, ses matchs à toute heure et tous les jours de la semaine.

Mais, au milieu de ce qui ressemble à une descente aux enfers dans les affres du libéralisme, les auteurs ont semé dans chaque décennie des « lumières » , des contre-exemples à cette vague de fond : le journaliste « sans concession » François Thébaud, Carlos Caszely le footballeur qui a dit non au dictateur Pinochet, Sócrates et son idéal démocratique aux Corinthians en pleine dictature brésilienne, Robby Fowler et son soutien aux dockers de Liverpool, les supporters du FC United qui refusent l’omnipotence de l’argent-roi ou encore les déserteurs du football, comme Javi Poves ou Gérald Cid qui ne se reconnaissent pas dans le système actuel et préfèrent ranger leurs crampons avant l’heure de la retraite. Tous ces exemples sont un peu ce que voudrait être chaque soir « Nuit Debout » . La continuité entre toutes ces « lumières » et ce mouvement citoyen saute aux yeux. Une autre voie est possible. Un autre football est possible. C’est sans doute ce qu’espère François Ruffin, dans son désormais célèbre T-shirt ironique « I Love Bernard » (en référence au patron Bernard Arnault), pour qui : « Le changement ne passera plus par les urnes, mais par un mouvement social de grande ampleur. »

Aujourd’hui, le football est donc le miroir grossissant de notre monde capitaliste et mondialisé. Ce livre n’apportera pas de solutions économiques ou éthiques. Mais l’épilogue « Le miracle des maillots pliés » , quelques pages d’une rare beauté sur la signification de notre football, comme toutes ces « lumières » d’opposition, nous rappellent pourquoi on aime profondément ce sport et surtout qu’il y a des choses qu’on ne pourra jamais acheter… ni voler. Et ça, quelle que soit la destinée du mouvement citoyen « Nuit Debout » , ceux qui y auront participé, ou qui auront partagé cet idéal, le savent.

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Par Benjamin Laguerre

Comment ils nous ont volé le football - La mondialisation racontée par le ballon, d’Antoine Dumini et François Ruffin, Fakir Éditions, 126 pages, avril 2014, 7 euros.

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