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  • États-Unis/Portugal (2-2)

Nos amis américains

Par Thibaud Leplat
Nos amis américains

À quoi ressemblerait le monde sans les États-Unis ? Sans doute un peu à une Coupe du monde de football. Ce Portugal-États-Unis nous a montré une chose qu'on pensait impossible : les Américains aiment jouer, même s'ils ne gagnent pas à la fin.

Quel est donc ce drôle de monde où le Brésil est une grande puissance qui exporte sa production dans le monde entier, inspire toutes les nations et conquiert le cœur des amateurs partout où il va ? Dans ce monde étrange où l’Uruguay, l’Argentine, le Ghana, le Chili, sont des puissances redoutables dignes d’être étudiées et observées par les plus grands savants américains, le Brésil est le maître et les USA sont un pays du Tiers-Monde. Grâce à ce sport, les Français, les Anglais, les Italiens et les Allemands peuvent paisiblement passer leur temps à se monter les uns contre les autres sans verser une seule goutte de sang. Comme ils n’en ont sans doute pas eu assez de leurs deux Guerres mondiales, tous les quatre ans, ils se retrouvent dans un pays de leur choix, y emmènent leurs joueurs, leurs présidents, leurs fans et, enfin installés dans cette contrée reculée dont ils ne parlent même pas la langue, ils se rejouent la guerre de chacun contre tous. À la fin de cette bataille générale, ils décernent le titre de Champion du monde au vainqueur. La dernière fois, c’est l’Espagne qui a gagné la guerre. Vraiment bizarre ce sport.

Les État-Unis du Portugal

Ainsi, aux États-Unis, ils sont 49% à trouver le football « ennuyeux » . Quelle statistique émouvante… Comme à des enfants, il faudrait donc leur expliquer, aux maîtres du monde, qu’un match ne peut pas toujours être gagné, que ce n’est pas parce qu’on est le plus fort qu’on remporte la victoire à la fin. Dans une Coupe du monde, le plus armé n’a que 28% de chances de remporter le titre final. Pour les attendrir, on leur parlerait donc de la magnifique incertitude du résultat, de ces équipes qui, malgré l’adversité, parviennent régulièrement à renverser des montagnes. On leur raconterait le Danemark de 1992, la Grèce de 2004, l’Atlético Madrid cette saison, comme on dirait des fables sur la destinée héroïque de la nature humaine. Ils ne voudraient sans doute pas de notre poésie : quel est l’intérêt de participer si le meilleur ne gagne pas ? C’est injuste ! Quel mauvais exemple donné à la société ! s’indigneraient-ils. Ils n’auraient pas complètement tort. Quand on passe sa vie à s’entraîner pour être le meilleur comme Cristiano Ronaldo, qu’on a investi dans presque 70 matchs cette saison et qu’à chaque rencontre, on veut être le justicier ou le gendarme du match, on mérite de gagner, d’être le maître du monde.

Pour répondre à cette objection, il faudrait évoquer avec eux leur splendide opposition contre le Portugal la nuit dernière à Manaus. Sur le spectre imaginaire de la passion pour le Soccer, le Portugal et les États-Unis sont à l’exact opposé. L’un est petit mais si fier de son Benfica, son Porto, son Mourinho, son Proença, son Cristiano. Le Portugal a beau être le plus minuscule des grands pays de football européen, à chaque compétition, il se croit toujours favori. Même s’il est toujours déçu à la fin, le Portugal ne renonce jamais. Comme leur roi Sébastien finira bien par revenir des Croisades, le football lui rendra sa patience et son abnégation en lui offrant un jour un trophée. Sa grandeur est dans cette attente. De l’autre côté du monde, il y a les States et ce statut de pays de football en voie de développement permanent depuis 20 ans. En football, les USA ne sont pas grand-chose. Comme l’Inde, les Philippines ou la Chine, les États-Unis sont des nains à côté du seul Portugal. Pourtant, c’est ce renversement qui est beau et qu’ils ont tant de mal à comprendre.

L’amour du risque

Nos amis américains ont aussi aimé ce match. Depuis le début de cette Coupe du monde, quelque chose semble avoir changé dans la super-puissance du hamburger. Les États-Unis ont l’air d’aimer sincèrement le football et de commencer à le comprendre. En jouant au petit pays pauvre mais ambitieux, les États-Unis du foot goûtent peu à peu à la délicieuse incertitude d’un match de Coupe du monde. Hier soir, Klinsmann avait ainsi installé six joueurs au milieu de terrain pour ne pas se laisser dépasser par Moutinho, Nani et Cristiano. Pour empêcher les Portugais de prendre le destin du match en main, il surpeupla l’entrejeu (six milieux de terrain au coup d’envoi) et espéra ainsi les coincer dans cette toile d’araignée délicatement dessinée. Là où il y a quelques années, ils auraient sans doute choisi d’attendre bien coincés en défense – au nom du pragmatisme et de la résistance héroïque – qu’un ou deux espaces se libèrent, cette fois-ci les States ont choisi de s’en sortir par le jeu, en dominant le ballon au milieu, en installant Beckerman, Jones et Bradley, dans les espaces, en devenant protagonistes de leur propre histoire. L’égalisation portugaise à la fin du match n’y fit pas grand-chose. La presque égalité de possession (52 pour le Portugal, 48 pour les States) fut le reflet de cette presque victoire américaine 2-2. Les States se sont pris au jeu.

Manaus forever

Désormais nos amis américains aiment tellement notre sport, qu’ils seraient même tombés d’accord avec nous. Même si 30 degrés et 70% d’humidité sont des conditions apparemment dantesques pour jouer un match de haut niveau, toutes les rencontres de cette Coupe du monde devraient se jouer à Manaus en pleine nuit. Parce qu’il n’y a que dans des conditions extrêmes et une humidité insupportable que chaque course devient héroïque. Il n’y que sous cet air irrespirable que les exploits mythologiques sont possibles, que l’on saisit tout le contenu poétique de ce sport. Tout ce qui se déroulera dans ce décor apocalyptique contribuera ainsi à inscrire ces rencontres dans notre mémoire. Quand dans deux semaines, on aura déjà tous oublié les matchs joués à Natal ou Belo Horizonte, nos amis américains parleront du plaisir de jouer au foot au milieu de l’Amazonie. Ils auront adoré quand Dempsey avait refusé de porter une protection sur son nez cassé. « Nose Broken, heart not broken » avaient-il même écrit sur leurs pancartes. Un peu plus loin sur les écharpes de tous, ils avaient aussi inscrit ce slogan qui pourrait être celui d’une campagne présidentielle « One Nation. One Team » . À Manaus, les Américains ont découvert la figure magique de ce sport qui occupe toutes nos journées et tous nos souvenirs depuis un siècle : la métaphore.

Après la trêve internationale, place au festin !

Par Thibaud Leplat

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