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Nicolas Vandelli : « Les joueurs sont tout petits, ils courent partout »

Propos recueillis par Pierre Boisson
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Nicolas Vandelli est le nouvel attaquant du Manila Jeepney FC, en D1 philippine. Le Français donne rendez-vous devant un supermarché de Quezon City, dans la banlieue de Manille, en short et lunettes de soleil. À pied. « J'habite pas loin. J'ai pas de voiture, et je préfère pas conduire, c'est des dingues ici », se marre-t-il. Pendant que, chaque demi-heure, des employés habillés en vert fluo applaudissent à tout rompre et chantent en cœur le slogan du supermarché, Nicolas parle football et cuisine asiatiques, et rembobine une carrière qui ressemble déjà à une aventure.

Raconte-nous, comment se retrouve-t-on à faire du football à Manille, dans un pays qui joue au basket ?

En fait, j’étais amateur en France. J’ai joué chez les jeunes à l’AS Cannes, mais c’est difficile de percer, il y a beaucoup de bons joueurs chez nous. J’ai tenté l’aventure à l’Étoile filante bastiaise, en semi-pro, parce que ma copine est corse. Je jouais et je travaillais avec les jeunes. J’ai eu aussi une opportunité pour passer pro à Mouscron. J’avais signé le contrat, mais quand je devais y aller le club s’est cassé la gueule. J’ai donc décidé d’assurer mon avenir. Je suis rentré à la fac et j’ai passé un diplôme en sport et psychologie. Avec ma copine, qui a fait les mêmes études que moi, on a toujours eu envie de voyager. Alors quand on a eu notre diplôme, on est partis en Australie, avec un visa « vacances-travail » , à l’aventure, pour un an. Je m’étais dit que je jouerais au foot là-bas, que ça pourrait m’aider à trouver un boulot. Au final, j’ai passé des essais à North Star, une équipe de Brisbane qui jouait le maintien en deuxième division et ça a marché.

C’est comme ça que tu es devenu footballeur pro ?

Non, à ce moment-là, j’avais un contrat semi-pro. Je faisais des petits boulots en plus à droite à gauche : des ménages, de la manutention, de la mise en rayon. C’était fatigantn mais c’est bien payé là-bas, environ 1000$ la semaine. Et puis au bout de 4 mois, j’étais le meilleur buteur de D2 ! À ce moment-là, un gros club, Rochedale Rovers FC, l’un des meilleurs du Queensland, est venu me chercher avec un gros contrat, ce qui est assez rare en deuxième division. Je gagnais 400$ par semaine, mais c’était que de l’argent de poche : j’avais la maison, la voiture, une carte pour l’essence et ils me remplissaient le frigo !

Cela ressemble à quoi le championnat australien ?

L’Australie, c’est du foot à l’anglaise. On balance devant, ce qui m’allait plutôt bien car je pouvais jouer sur ma vitesse. Je suis un attaquant de profondeur. Mais tu n’es jamais très loin du tacle assassin. Les arbitres ne sifflent pas. Je me suis fait découper en deux là-bas, c’est limite dangereux. J’ai vu jouer Del Piero aussi, il mettait des coups francs, mais il ne courait plus. Les matchs sont retransmis à la télé, même ceux de D2, et c’est quand même marrant quand tu viens du football amateur : t’es médiatisé, les gens te reconnaissent dans la rue, il y a des articles de journaux sur toi, c’est sympa.

Tout d’un coup, tu découvres la vie rêvée de footballeur…

On a vraiment profité de la vie avec ma copine en Australie. J’avais pas d’entraînement tous les jours, donc on a pas mal bougé. On est allé sur la Gold Coast, à « surfer paradise » . J’ai un peu surfé, ouais, mais il y a des requins partout, ça fait flipper. T’as des hélicos en survol pour les surveiller quand même. Quand l’eau était claire, j’y allais, mais dès que ça devenait sombre, je rentrais en vitesse (rires) ! Sinon, l’Australie, c’est un pays qui n’a pas vraiment d’âme. Les gens bossent, font de l’argent et vont se coucher le soir.
Je suis allé manger dans leur Jollibee, l’espèce de McDonald’s local. Bah, c’est dégueulasse…

Pourquoi les Philippines alors ?

Je me suis dit pourquoi pas continuer comme ça sur d’autres pays. Si c’est possible de vivre du foot pendant quelques années. Pas mal d’Australiens m’avaient parlé des Philippines, du championnat qui se développait. Je suis venu ici par moi-même, comme pour des vacances. Sauf que j’ai pris mon sac de sport, mes crampons, et je suis allé aux entraînements des équipes pros, au culot. La plupart m’ont dit non parce que c’était la pré-saison et qu’ils avaient déjà rempli leur quota de 5 étrangers. Mais j’ai fait un entraînement des Manila Jeepney, puis un match amical et le lendemain, j’avais un contrat. J’ai signé pour un an renouvelable, je touche l’équivalent d’un SMIC en France, mais ici tu manges pour 1$ donc je peux mettre de côté.

De ce que tu as vu, comment tu décrirais le football philippin ?

C’est très différent de l’Europe, quasiment impossible à comparer. C’est plus pro que l’Australie. Ici, on s’entraîne tous les jours. Il y a quelques supporters. L’autre jour, j’ai même signé des autographes. On m’a demandé des photos. Ça fait bizarre, c’était la première fois ! (rires) En France, j’étais personne, un étudiant, et là, je suis en Ligue 1, quelque chose de gros pour eux ! Sinon, les joueurs sont tout petits, courent partout, mais techniquement ils font des trucs de dingue. C’est impossible de leur prendre le ballon. À l’entraînement, les Africains, plus physiques, se font mystifier ! Tu as plus de temps aussi, les défenseurs ne t’attaquent que dans les 20 ou 25 derniers mètres. Je dirais que ça vaut à peu près la CFA 2, mais en moins rigoureux, car tactiquement, ils sont un peu en retard. C’est l’Asie quoi. Le plus dur, c’est les entraînements, qui ont lieu entre 6h et 8h du matin ! Je commence à m’y habituer, mais au début ça pique. T’es tout engourdi, tu arrives et il fait nuit…

Quand tu connais la chaleur et l’humidité de Manille, c’est peut-être pas plus mal non ?

Ça, c’est clairement le pire. T’as beaucoup trop chaud. Je souffre. Ça commence à aller mieux, mais au début, quand je rentrais, j’étais pas bien, je dormais tout l’aprem’ et je buvais des litres d’eau. Même vers 8h du matin, ça te tape sur la gueule. Et les amicaux qu’on a faits, à 10 ou 11h du matin, ça te tue. En Australie, c’était moins dur, c’était une chaleur sèche. Ici, t’as l’impression de faire 10 kilos de plus. À l’entraînement, ils ont des caissons d’eau glacée, moi je me fous les glaçons sur la gueule !

Tu as l’impression d’avoir progressé, d’avoir appris en jouant à l’étranger ?

En Australie, j’ai endurci mon jeu. Je sais encaisser les coups maintenant ! (rires) En fait, tu apprends surtout à t’adapter. Tu es habitué au football européen, mais tes coéquipiers ne réagissent pas forcément comme tu t’y attends. Quand tu fais un appel, ils te voient pas toujours parce qu’ils jouent plus la tête baissée. Parfois, ça me rend fou, mais on travaille à l’entraînement, ils apprennent à me connaître, et c’est aussi à moi de m’adapter à leur football.

Tu te vois continuer à jouer au football dans des pays exotiques pendant longtemps ?

Quand tu commences à voyager, tu y prends goût. Mon objectif, c’est de faire une ou deux saisons ici, et peut-être de chercher ensuite un championnat plus lucratif en Asie. Je sais que je ne reviendrai jamais en Europe, mais j’aimerais bien faire une carrière asiatique. Autour, il y a Hong Kong qui paye pas mal, la Thaïlande, l’Indonésie aussi. J’aurais jamais imaginé ça ! J’ai aucun regret. En France, je n’aurais pas pu passer au-dessus. Des attaquants qui vont vite et qui marquent, il y en a plein.

La vie à Manille, ça doit te changer de la Corse ?

Manille, c’est pas très beau et c’est très grand. Et des embouteillages tout le temps. Quand je reviens de l’entraînement, c’est long. Je prends soit le taxi, mais ils me rendent fous. Ils essayent toujours de te gratter un « extra » . Sinon, les Jeepney (des anciennes Jeeps abandonnées par les Américains après la Seconde Guerre mondiale, reconverties en sorte de bus collectifs, ndlr), c’est marrant, mais les chauffeurs sont des grands malades. Des fois, j’ai peur. Quand c’est bouché, ils prennent l’autoroute à contre-sens et ils engueulent les autres conducteurs ! J’aimerais bien avoir une mobylette, mais c’est trop dangereux, j’ai besoin de mes jambes. Donc, dès que j’ai un peu de temps libre, on essaye de bouger avec ma copine. Elle cherche du travail aussi. Il paraît qu’il y a de la place pour faire du phoning. Le quartier (Quezon City, en banlieue de Manille) est pratique, car c’est pas trop loin de l’entraînement, mais on s’y ennuie un peu. Si tu veux sortir, il faut bouger. Sinon pour la bouffe, il faut aimer le riz (rires). Le riz, et la viande. Ils font un truc à la banane caramélisée, pas mal aussi. Mais j’ai pas retrouvé une identité culinaire forte, comme en Thaïlande. Les plats locaux, comme en Australie, ce sont les fast food. Hier, je suis allé manger dans leur grand truc, Jollibee, l’espèce de McDonald’s local. Bah, c’est dégueulasse. C’était la première et la dernière fois ! Il faut se creuser pour trouver des bons restos. Avec ma copine, on cherche des petits coins sympas, et tous les midis je mange dans les espèces de cantines ambulantes en tôle, où ils te servent des plats maisons pour 30 pesos (environ 50 centimes, ndlr).

Ce qui te plaît le plus, c’est le foot ou c’est l’aventure ?

Les deux en fait. J’ai pris goût au voyage, à découvrir le monde. Grâce au foot, je peux découvrir l’Asie. Je suis jeune, je sais que je suis pas au Real, que je suis pas au PSG et que je ferai autre chose un jour. Mais j’apprends des langues, des cultures, c’est dépaysant. En France, j’étais un bon attaquant de sixième division, et là je suis un footballeur pro ! On me pose parfois la question de savoir ce que je vais faire après. Mais j’ai pas de pression car j’ai déjà un diplôme. Je suis là pour m’éclater, et j’aurai de quoi rebondir. Je préfère ça que de galérer en France ou de faire un truc qui ne me plaît pas.

La France te manque parfois ?

Le sacrifice, c’est d’être loin de la famille. Mais ils sont contents, ils savent que ça aurait été difficile pour moi de m’épanouir après mes études. Ils m’ont aussi poussé à partir. Ma mère a prévu de venir passer Noël au soleil. Il paraît qu’ils sont dingues avec ça ici. On est en septembre et il y a déjà des pubs à la télé, j’ai hâte de voir ça.

Ton exemple n’a pas donné envie à certains de tes anciens coéquipiers de venir te rejoindre ?

Si, il y en a beaucoup qui me posent la question. Ça leur fait envie. Mais c’est pas non plus si facile de prendre son sac, ses crampons, et d’aller toquer aux portes. C’est pas en attendant dans ton canapé que ton téléphone sonne que ça va tomber. Moi, j’ai pas d’agent, personne m’a amené aux Philippines. Il faut prendre des risques, je me suis payé le billet d’avion pour venir. C’est l’aventure, mais je suis allé la chercher.
David Pereira da Costa, le dix de cœur du RC Lens

Propos recueillis par Pierre Boisson

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