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Nakamura, l’archange du Celtic

Par Romain Duchâteau
Nakamura, l’archange du Celtic

Dans un passé pas si lointain, la Scottish Premier League pouvait encore s'avérer être un championnat où les artistes occupaient une place de choix. De 2005 à 2009, Shunsuke Nakamura fut de ceux-là avec le Celtic. Par son pied gauche délicieux et ses coups francs hors du temps, le Japonais a été un émerveillement permanent. Retour sur les faits d'armes d'un homme qui a depuis acquis le statut d'immortel en Écosse.

Dans la touffeur de l’écrin majestueux du Celtic Park, ils sont peu à avoir, un jour, accédé à l’éternité. Il y a bien sûr les idoles du peuple, les Écossais, tous plus nombreux les uns que les autres. Sans oublier, aussi, l’Irlandais Packie Bonner, le Grec au visage christique Samaras ou encore l’illustre suédois Henrik Larsson. Et une place, une seule, toute particulière, est réservée à Shunsuke Nakamura. En quatre années passées sous le maillot blanc et vert du Celtic Glasgow, le magicien japonais a été un enchantement pour toute une ville. Un joueur rare et singulier, adulé, choyé. À la simple prononciation de son nom, ce sont d’ailleurs toujours les mêmes mots qui reviennent : « legend » ou « hero » . Parce qu’encore aujourd’hui, sa trace demeure indélébile malgré le temps qui s’écoule. « Nakamura était le meilleur joueur d’une équipe talentueuse du Celtic qui a remporté plusieurs championnats et lui a permis d’aller plus loin que d’habitude en Champions League, pose d’entrée d’une voix déjà empreinte de mélancolie Paul Brennan, rédacteur en chef du Celtic Quick News, l’un des fanzines les plus appréciés par les fans locaux. Son dévouement à son art était total. C’est un membre de la famille du Celtic. » Ad vitam æternam.

L’idole tant attendue

D’aucuns susurreront que celui dont une partie du prénom signifie génie en japonais (le caractère 俊 utilisé pour « Shun » dans Shunsuke signifie « génie » ) était destiné à briller de mille feux. Mais, avant la reconnaissance et avant que l’Europe ne succombe à son délicieux pied gauche, il a fallu du temps. Après cinq années aux Yokohama F. Marinos, Nakamura choisit de quitter le pays du Soleil-Levant dans l’optique de retrouver l’équipe nationale après sa non-sélection pour le Mondial 2002. Direction, donc, l’Italie et la Reggina, fraîchement promue. Un baptême du feu sur le Vieux Continent qui s’apparentera toutefois à un échec. Jamais vraiment adapté au mode de vie transalpin, sujet aux blessures et bridé par un championnat qui fait la part belle à la tactique, le milieu de terrain nippon ne s’épanouit pas. Et accueille avec félicité l’intérêt du Celtic Glasgow à l’été 2005.
Un transfert estimé à trois millions d’euros qui a tout d’une gageure pour les deux parties. Nakamura entend, à vingt-sept ans, enfin donner l’élan escompté à sa carrière alors que les Hoops amorcent tout juste une période de transition. Ils viennent de perdre le titre sur le fil face aux Rangers, leur manager chéri Martin O’Neill a plié bagages et ils ont essuyé l’affront de se faire sortir par le club slovaque de Petržalka Akademia en tour préliminaire de C1. Dans un climat pesant et où l’incertitude règne, la venue de la perle nipponne, escortée d’un certain scepticisme par une frange des supporters, éveille de grandes attentes. Paul Brennan se souvient : « Le lendemain de son arrivée à Glasgow, le Celtic a joué son premier match de championnat de la saison auquel Naka n’a pas pris part. Nous menions de trois buts contre Motherwell, mais nous nous sommes effondrés et avons égalisé sur le fil pour revenir à 4-4. L’équipe était un capharnaüm, nos meilleurs joueurs étaient vieux et lents, puis Chris Sutton venait de se blesser gravement. Nous avions besoin d’un faiseur de miracles. »

Patte gauche de velours

Le Celtic Park se cherchait une nouvelle idole ? Shunsuke Nakamura débarque à point nommé. À une époque où Gordon Strachan, alors tout juste en poste, cherche comment redonner un second souffle à l’équipe, le Japonais s’érige rapidement comme la solution. Dans une Scottish Premier League réputée physique et encore adepte du sempiternel kick and rush, il dépareille. Par son physique frêle, d’abord. Mais, surtout, par sa patte gauche d’une finesse inouïe, sa vision de jeu aiguisée ainsi que sa technique irréprochable. « Il avait une certaine classe avec le ballon. Techniquement, c’était quelque chose, se remémore Jean-Joël Perrier-Doumbé, son partenaire durant deux saisons (2007-2009), la voix enjouée au moment de conter ces belles années. Il aimait bien revenir sur son pied gauche pour envelopper en lucarne opposée, c’était son quotidien ça (rires). Ce n’était pas un joueur qui allait vite, mais il compensait cela par ses crochets et sa frappe de balle. Il avait un pied gauche extraordinaire. Je peux te dire que Vennegoor of Hesselink se régalait avec ses centres. La balle n’avait qu’à rebondir sur sa tête pour rentrer dans les buts. »

Vidéo

Leader technique d’une formation évoluant en 4-4-2, Nakamura – dont le poste de prédilection est numéro dix – occupe le poste de milieu droit. Et vient sublimer un ensemble plutôt séduisant alors composé d’Artur Boruc dans les bois, de la promesse irlandaise Aiden McGeady sur le flanc gauche ou encore du géant Vennegoor of Hesselink aux avant-postes. Si le magicien nippon demeure tant singulier auprès des supporters des Hoops, c’est parce qu’il leur a offert des souvenirs impérissables. Outre le fait de participer activement à l’hégémonie retrouvée sur la scène nationale au court de son passage (trois championnats, deux League Cup et une Scottish Cup), ses nombreux coups d’éclat ont façonné sa légende.

Le maître des coups francs

Il y a, d’abord, cette frappe des 35 mètres à la trajectoire sensationnelle pendant un Old Firm contre les Glasgow Rangers (2-1, 16 avril 2008). « C’est comme s’il avait défié les lois de la physique » , lâche, encore admiratif, le boss de CQN. Mais évoquer Shunsuke Nakamura renvoie, évidemment, à ses coups francs. Véritable spécialiste de l’exercice, le joueur est à l’époque l’un des tout meilleurs au même titre que Beckham, Juninho ou Mihajlović. Tellement que l’ancienne gloire de Tottenham, Steve Perryman, a dit de lui un jour qu’il « pourrait ouvrir une boîte de haricots avec son pied gauche » . « Le premier souvenir qui me vient en tête à propos de lui, ce sont ses coups francs. C’était un domaine dans lequel il était phénoménal. À la fin des entraînements, il restait toujours pour les travailler. Il mettait un mur et, parfois, il ne mettait pas de gardien. Et c’était toujours la même chose : lucarne, lucarne, lucarne… » , confie pour sa part Perrier-Doumbé.

Un tireur de coup de pied arrêté hors pair et, en plus, décisif. En 2007, il claque le but du titre face à Kilmarnock dans le temps additionnel (2-1, 22 avril). Quelques mois plus tôt, c’est contre Manchester United en Champions League que le Japonais fait parler la poudre. Un premier coup franc superbe à Old Trafford (2-3, 13 septembre 2006) en guise d’avant-goût. Avant un second exquis et passé depuis à la postérité dans son jardin du Celtic Park (1-0, 21 novembre 2006). « C’est le plus beau but de ma vie » , dira d’ailleurs plus tard le bourreau de Van der Sar. Une multitude d’exploits qui lui permettront d’être le premier Japonais à marquer en C1, de mener le Celtic pour la première fois en 16es de finale de la compétition, d’être élu meilleur joueur du championnat écossais en 2007 ou encore de figurer parmi les cinquante nommés au Ballon d’or la même année.

Des petits rituels

En Écosse, Shunsuke Nakamura a été propulsé au rang de star. Preuve en est son accession au rôle de capitaine au sein de la sélection nippone et égérie du célèbre jeu vidéo Pro Evolution Soccer, ainsi que de la marque aux trois bandes Adidas. Un statut faisant de lui une véritable légende au pays du Soleil-Levant. « Quand des supporters japonais venaient, c’était l’hystérie autour de lui. Faut se rendre compte que c’était leur Dieu là-bas, souligne Perrier-Doumbé. C’était un joueur complètement à part. Et à tous les niveaux. Sur et en dehors des terrains. »

Singularité corroborée par Dianbobo Baldé, ex-coéquipier durant quatre saisons au Celtic, au détour d’un épisode marquant : « Il y a un moment très particulier qui me revient avec lui. Il avait raté un penalty lors d’un match. Après la rencontre, je le regarde, je l’observe et il est dans son coin, ne bouge pas pendant de nombreuses minutes. Tout le monde avait fini de se laver dans le vestiaire et je suis allé le voir en lui demandant plusieurs fois si ça allait, pourquoi il ne bougeait pas. Il m’a répondu : « Tranquille, tranquille. »Moi, je pensais qu’il gambergeait à cause du penalty manqué et je lui ai donc dit que ce n’était pas grave. Puis il m’a rétorqué : « Tu me regardes comme ça, car tu penses que, parce que j’ai raté le penalty, je suis en train de gamberger. Mais quand je marque un but et qu’on gagne, tu ne me regardes pas, alors que je suis toujours assis comme ça. C’est ma période de relaxation après chaque match, je suis toujours comme ça. »C’était son rituel à lui, c’était ça, Naka. » Chaque jour, à l’entraînement, un chauffeur l’escortait, et trois journalistes japonais le suivaient en permanence. Le double les jours des matchs. Sans oublier un interprète qui l’a accompagné durant toute son aventure britannique, le mythique numéro 25 s’accommodant très peu de la langue de Shakespeare.

« There’s only one Nakamura ! There’s only one Nakamura ! »

Tout comme de la notoriété. Lui est connu pour être un homme taciturne, discret et très famille. « Je pense qu’il est l’un des meilleurs modèles de footballeur professionnel que vous puissiez trouver. Il est accro au ballon rond, racontait en 2009 Daisuke Nakajima, son traducteur attitré. Il n’aime pas traîner dans les pubs ou dans les discothèques. Il préfère emmener sa petite famille au zoo d’Édimbourg. Son fils aime tellement le Celtic qu’il fredonne souvent des chansons celtes à tue-tête, avec le maillot de son papa sur le dos. » Et Gordon Strachan, qui l’a un jour affublé du terme « génie » , d’éclairer un peu plus sur la personnalité de son ancien joueur fétiche : « Il est différent de son compatriote Koki Mizuno(ex-milieu du Celtic, ndlr) qui est plus ouvert aux gens. Il y a la barrière de la langue, ce qui ne nous empêche pas de bien nous entendre. J’aimerais être plus proche de lui, mais c’est sa façon d’être. Si vous vous immiscez alors qu’il souhaite être seul, il se sentira sans doute un peu mal à l’aise. »

Avec 140 matchs, 28 buts et 36 assists au compteur sous la tunique des Hoops, Nakamura s’est même vu accorder un chant à sa gloire. Non sans une once d’humour : « There’s only one Nakamura ! There’s only one Nakamura ! He eats chow mein, and he votes Sinn Fein. Walking in a Celtic wonderland ! » Au moment de son départ en 2009 pour l’Espanyol Barcelone, il s’était épanché, l’émotion quelque peu camouflée derrière une sobriété toujours de rigueur : « Si j’étais glaswégien, j’aurais fait toute ma carrière ici. L’Écosse restera toujours comme une deuxième maison pour moi. » Depuis, Nakamura est resté profondément attaché au club qui lui a permis d’écrire les plus belles pages de sa carrière. Et a pu s’en apercevoir lors de son retour à Celtic Park, en décembre 2014, où le héros a été ovationné de longues minutes. L’occasion, l’instant privilégié même de constater une énième fois, comme l’a chanté tant de fois le public du Celtic Park, qu’il ne marchera jamais seul.

Vidéo
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Par Romain Duchâteau

Tous propos recueillis par RD, sauf mentions et ceux de Shunsuke Nakamura et Gordon Strachan extraits du livre The Zen of Naka : The Journey of a Japanese Genius de Martin Greig

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