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Monaco-Lens : quand la France découvrit Thierry Henry

Par Nicolas Jucha
Monaco-Lens : quand la France découvrit Thierry Henry

Il y a un peu moins de 20 ans, le 29 avril 1995 au Stade Louis-II, l'AS Monaco humiliait le RC Lens 6-0. Un score fleuve sans conséquence, puisque Monégasques et Lensois finiraient la saison européens, mais historique puisqu'il marquait les grands débuts et les premiers buts de Thierry Henry au plus haut niveau.

« Le match de 95 à Monaco où j’ai été remplacé par Thierry Henry ? Celui où j’ai fait un traumatisme crânien ? En fait, je ne me souviens de rien, car j’ai perdu connaissance. Même la causerie d’avant-match, c’est le trou de mémoire total. L’adversaire, le score, je ne me souviens de rien. » Mickaël Madar était aux premières loges lors de ce Monaco-Lens du 29 avril 1995. La démonstration monégasque, les premiers exploits de Thierry Henry, il n’en garde cependant aucun souvenir, la faute à un violent choc qui lui a valu de quitter la pelouse dès la 22e minute. Et ainsi précipiter les premiers pas en Première Division du champion du monde 98. Alors que le score est déjà de 1-0 grâce au Danois Petersen, le gamin des Ulis (Essonne) double la mise moins de cinq minutes après son entrée en jeu. Début du calvaire pour les Sang et Or. « C’était il y a longtemps, mais je m’en souviens encore, admet Mickaël Debève. On n’avait pas de pression particulière du côté du Racing. On essayait de se qualifier pour la Coupe d’Europe, mais c’était du bonus, donc on était sereins. » Pour l’ancien milieu lensois, l’explication d’une telle déroute est simple : « Je ne me souviens plus des faits de jeu qui ont fait basculer le match, mais quand on a un tel score, il y a deux facteurs : une équipe qui subit trop, qui est dépassée par les événements et qui, à un moment, lâche mentalement. L’autre facteur, c’est l’équipe en face qui est en réussite, à qui tout sourit. »

Gardien du RCL lors de ce match, Guillaume Warmuz garde des souvenirs assez précis : « Il y avait 3-0 à la mi-temps, alors dans le vestiaire, on s’est dit :« Hé les gars, on fait 0-0 en seconde période », et on en a pris trois de plus… (rires) » . Debève a un début d’explication : « Dans ces moments-là, au lieu de faire front collectivement, chacun se met à jouer sa partition personnelle plutôt que d’essayer de revenir dans le match ou d’arrêter l’hémorragie. » Pour celui qui avait découvert l’élite à Toulouse, la gueule de bois après une valise implique « deux-trois jours compliqués, surtout à Lens où on a un superbe public, très présent » . Pour lui, « la vérité c’est qu’on est mal jusqu’au match suivant, seul le match d’après permet vraiment de passer à autre chose. » Bizarrement, si les vaincus gardent un souvenir précis de la fessée reçue, les vainqueurs ont plutôt tendance à passer à autre chose rapidement. Contrairement à Mickaël Madar, Claude Puel n’a pas subi de traumatisme crânien, mais n’a pas trop mémoire du match, car « j’ai disputé tellement de matchs que des scores de ce type, cela ne me surprend pas. Celui qui peut en avoir un souvenir précis, c’est Thierry Henry, car c’étaient ses débuts en Ligue 1 et qu’il a marqué ses deux premiers buts aussi… »

« Je pensais être en avance sur le ballon, en fait non » Guillaume Warmuz, première victime de Thierry Henry

Thierry Henry, justement, est la star de ce match pas tout à fait normal. Entré en jeu au pied levé à la 22e minute pour remplacer un Mickaël Madar KO, le futur capitaine des Bleus frappe dès la 26e. Suite à un long ballon de Franck Dumas mal négocié par la défense adverse, l’attaquant est lancé par Djorkaeff. La suite, c’est Guillaume Warmuz qui raconte : « C’est un ballon en profondeur. Je ne le connaissais pas du tout et je pensais être en avance, mais c’est allé très vite. Je croyais avoir le ballon, et en fait non, il l’avait pris et avait ensuite réussi à le mettre au fond avec un angle incroyable. » Pour le gardien, pas de doute, il vient de se faire crucifier par un tout bon : « Ce but où je pensais que j’étais en avance sur le ballon, cela m’a marqué durant toute ma carrière. Je me suis dit : « Attention, avec lui, ça va vite ».Et puis après, on a vite compris, vu la carrière qui a suivi, il avait un truc en plus. Mais nous, en 95, on ne le connaissait pas encore. Enfin ce jour-là je peux dire que j’ai appris à le connaître. (rires) »

Warmuz n’est pas le seul à avoir été interpellé par le cas Henry. « On en avait discuté après le match entre joueurs : dans les déplacements, dans la prise de risque, on voyait que c’était quelqu’un qui ne doutait pas, qui avait envie de réussir. C’était presque logique de le voir entrer et marquer. Et le fait qu’il ait répondu présent dès le premier match, c’était une garantie quant à ses aptitudes au plus haut niveau » , se remémore Debève. Malgré tout, l’ancien taulier lensois n’imaginait pas encore « tout ce qu’il y aurait ensuite dans la carrière de Thierry Henry » . Mais pour lui, cette entrée en jeu contre Lens était annonciatrice malgré tout, car « un jeune joueur qui répond présent si vite à ce niveau, forcément il a un potentiel élevé. Entrer en première division en marquant deux buts, cela présage d’un bel avenir » . Et à croire que le karma de Debève est légèrement foireux, Henry n’est pas le seul petit jeune à s’être fait les dents sur son dos : « J’ai connu aussi les débuts d’Anelka avec un 4-0 au Parc des Princes où il avait mis le dernier but. Un jeune qui entre et qui est décisif, c’est révélateur. Henry ou Anelka, on voit les carrières qu’ils ont réalisées derrière. » De son côté, Mickaël Madar a beau ne plus avoir de souvenir, il a malgré tout une opinion bien tranchée : « Il n’y a pas besoin d’être joueur pro pour savoir qu’Henry avait un énorme potentiel. Pour être dans le groupe pro à son âge, dans l’effectif que nous avions à l’époque à l’AS Monaco, il fallait quand même être costaud. » Costaud pour s’imposer en Ligue 1 à 18 ans, il faut l’être. Mais aussi pour se remettre d’une déroute collective. Et visiblement à Lens, la claque a eu ses effets salvateurs.

Un acte fondateur du titre de champion 98 ?

Paradoxalement en fin de saison, c’est Lens qui termine le plus haut, à la cinquième place, devant Monaco seulement sixième. Les deux équipes valident néanmoins leur billet pour la Coupe de l’UEFA où l’ASM perdra dès le premier tour contre Leeds, mais où Lens, après une longue disette européenne, passe deux tours pour ne buter qu’en huitièmes de finale face à l’équipe surprise, le Slavia Prague. « Cela a été un mal pour un bien de se prendre une raclée. On avait une équipe de Lens en train de se construire. Cela a permis de recadrer des choses, cela nous a poussés à rester réalistes et à nous remettre au travail derrière, se souvient Debève. Quand on voit ce que notre groupe a fait derrière, c’est clair que cela a été une bonne chose pour le club. Après, dans ces défaites-là, chacun se recentre sur l’objectif commun. » Ce à quoi pense l’ancien milieu, c’est au titre de champion en 1998, aboutissement du groupe humilié à Louis-II ce 29 avril 1995. « Patrice Berguès, l’entraîneur de l’époque, ne nous a pas accablés, ce n’était pas dans sa pédagogie. Il nous a plutôt amenés à nous recentrer sur la suite. » Même si selon le témoignage de Debève, l’atmosphère était pesante : « Il y avait une énorme déception. Une défaite, ce n’est pas facile, une défaite de cette ampleur, on entend les mouches voler. Il y a une grande frustration et personne n’ose vraiment parler, pour ne pas dire quelque chose qui sera mal interprété ou qui dépassera le fond de la pensée. Il y a des mots qui peuvent faire mal, donc on se borne à l’explication du coach et à un recentrage qui s’impose. »

Pour Claude Puel, être le vainqueur d’un tel match peut être un cadeau empoisonné : « Je me souviens d’un match contre Bordeaux, à Louis-II, et on leur avait mis 9-0. C’était Vautrot l’arbitre, et les Bordelais avaient leur équipe au complet. Le public monégasque était assez chaud et réclamait un dixième but, « dix, dix, dix ». Les Bordelais ont demandé à Vautrot de siffler le plus vite possible, et je crois qu’il l’a fait dès la 89e minute pour arrêter les frais. On a gagné 9-0, mais on a perdu le match suivant. Bordeaux de son côté a terminé champion et nous dauphins. Ce n’est pas grave de prendre un tel score. Ce qui est important, c’est de savoir relever la tête et enchaîner. On avait une jeune équipe, on s’est laissé bercés par ce succès et on a eu du mal à redescendre sur terre. » Le coach de Nice sait de quoi il parle, encore très récemment ses Aiglons ont atomisé Guingamp avant de rentrer dans le rang. « Chaque match a sa vérité. Il faut retirer quelque chose de chaque match. On retire beaucoup plus de choses positives pour la suite, en termes de vécu, après une défaite, dans l’adversité, qu’après une victoire. La victoire est importante, car une série de bons résultats permet d’enclencher une dynamique, d’engranger de la confiance. Mais parfois de prendre une claque, cela peut avoir du bon, si on sait rebondir, c’est salutaire. »

Guillaume Warmuz est sur la même longueur d’ondes que le technicien, avec un net bémol cependant : « Pour une équipe qui est en progression, prendre un 6-0, cela peut être une bonne chose. Prenons l’exemple de Saint-Étienne aujourd’hui, qui ressemble au Lens de l’époque. Il y a un entraîneur qui construit sur la durée, s’ils prennent un 6-0 au prochain match, cela ne remettra pas en cause tout ce qu’ils ont réalisé et leur qualité. En revanche, cela va pointer des lacunes et les aider à s’améliorer. Pour nous, en 95, on était sur une spirale ascendante aussi, donc on peut s’imaginer que cela nous a aidés à voir où on pouvait progresser. C’est une sorte de marqueur pointant les lacunes restantes. Et puis une raclée vaut mieux qu’une série de défaites sur le fil… Mais un 6-0 ne peut pas être bénéfique pour une équipe en difficulté, qui est fragile. Une équipe dans le doute qui prend une valise, cela ne peut pas être un acte fondateur. » Quid de la position du gardien, crucifié six fois dans la même rencontre ? Warmuz relativise : « Cela fait très mal de se prendre six buts pour un gardien, mais ce n’est pas aussi compliqué à gérer qu’une grosse erreur individuelle qui fait perdre l’équipe. Pour nous les gardiens, le plus difficile, c’est de devoir assumer une faute évidente qui a plombé l’équipe ; pour la confiance, c’est dangereux. Mais la vérité, c’est qu’on a tous dans nos carrières un panel de bourdes commises. » Au moins, l’ancien gardien de Lens, d’Arsenal et du Borussia Dortmund a des choses à raconter à son fils, gardien en U16. « Je lui ai dit : « Regarde, il y a des matchs où rien ne va ».Moi, j’ai déjà pris six buts dans une seule rencontre et je suis toujours vivant (rires) ! » De son côté, Mickaël Madar ne pourra vraiment pas évoquer ce match avec sa progéniture : « Ce n’est pas seulement ce match que j’ai oublié. Le choc m’a fait oublier des choses avant le match, même dans ce qui est arrivé après, je n’ai plus énormément de souvenirs. À part la perte de mémoire heureusement, je n’ai pas d’autres séquelles, mais cela aurait pu être pire. Je ne sais même pas quand j’ai repris connaissance, le seul truc dont je me souvienne, c’est l’identité de celui qui m’a fait ça, je crois que c’était Wilson Oruma, un truc comme ça. » Perdu, Oruma n’était pas sur la pelouse…

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