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Matchs de légende (10e) : Le jour où l’Italie a condamné le Brésil au romantisme

Par Alexandre Pedro
Matchs de légende (10e) : Le jour où l’Italie a condamné le Brésil au romantisme

Les Brésiliens en parlent comme du drame « de la Sarria ». Coupe du monde 82, l'Italie élimine une des plus belles Seleção. Forcément injuste, forcément grandiose, ce match est grand parce que Brésiliens et Italiens ont été immenses. Chacun à leur façon.

Italie – Brésil (3-2)

Second tour de la Coupe du monde – 5 juillet 1982Estadide Sarria, Barcelone

Le football brésilien est condamné. Condamné par les autres et surtout par lui-même à gagner et séduire. Séduire et gagner, le Brésil a résolu l’équation en 1958 et 1970. Depuis, il pense connaître le théorème, il pense qu’il suffit d’être magique pour triompher à la fin. Alors plutôt que regarder avec plénitude ses cinq étoiles, le Brésil est pris de la plus belle des maladies : la nostalgie. Avant 1982, il y a eu le drame du Maracanãzo en 50 face à l’Uruguay, que le gardien Moaçir Barbosa paye depuis 63 ans pour tout un pays. 1950 ressemble surtout à une blessure de l’orgueil national mal cautérisée. Trente-deux ans plus tard, il est de nouveau question de larmes. Mais cette fois-ci, on ne pleure pas le déshonneur d’une Coupe du monde envolée à la maison face à ce petit voisin, non, on pleure des perdants magnifiques. Et comme tous les perdants magnifiques, le Brésil de 1982 a beaucoup gagné avant de trébucher ce 5 juillet 1982 contre l’Italie. URSS (et quelle URSS !), Écosse, Nouvelle-Zélande et Argentine, la Seleção danse sur le corps de ses adversaires jetés à terre. Treize buts en quatre matchs pour les chiffres. Eder, Junior, Sócrates, Zico, Falcao et les autres pour les noms et les magiciens. Telê Santana pour guide, penseur et sélectionneur.

« Tactiquement, on a eu tout faux »

Dans ce genre d’histoire, l’équipe qui brise le rêve a forcément le mauvais rôle. Par deux fois, la RFA a tenu celui du méchant – avec conviction – en noyant les rêves hongrois sous le déluge de Berne en 1954, puis en passant à la tondeuse le football total néerlandais et ses cheveux longs vingt ans plus tard. L’Italie campe, elle, un autre type de méchant. Il a d’ailleurs plus une tête d’anti-héros qu’autre chose pour tout dire. Son sélectionneur n’a jamais entraîné plus haut que la Serie C et sa star est un buteur aphone et marqué au fer rouge par l’affaire du « Totonero » . « Le football italien a appris aux perdants à gagner, a un jour théorisé l’écrivain Alessandro Piperno pour So Foot. Et la Nazionale de 82, plus que n’importe quelle autre, est l’incarnation parfaite de cet idéal-là. Une Nazionale formée de petits hommes, Paolo Rossi, Bruno Conti, avec un entraîneur improbable comme Bearzot, et nous avons joué un football fantastique. » Magnifique à sa façon. Au premier tour, l’Italie a fait ce qu’elle sait faire le mieux : spéculer. Trois matchs nuls contre la Pologne, le Pérou et le Cameroun et une qualification au nombre de buts marqués aux dépens des Lions indomptables. Mais le format de la compétition propose un drôle de plan à trois pour désigner son carré final. Quand la France couche avec l’Irlande du Nord et l’Autriche, le Brésil cohabite avec l’Argentine de Maradona et cette Nazionale dont on ne sait trop quoi penser. Ce Brésil-Italie ressemble donc à un faux quart de finale. Faux, car le Brésil peut cocher « N » pour se qualifier ; au bénéfice de sa victoire 3-1 face à l’Argentine, quand l’Italie ne s’est de son côté imposée que 2-1.

Un détail qui a son importance, sauf pour Telê Santana et les siens. « Le drame de Sarria » (du nom du stade de l’Espanyol Barcelone où se dispute la rencontre), c’est d’abord celui d’une équipe qui ne sait pas, ou refuse de calculer. « Tactiquement, on a eu tout faux. On n’a même pas pensé que ce résultat nous qualifiait » , reconnaît aujourd’hui volontiers le défenseur Luizinho. Alors le Brésil va chercher à gagner à tout prix, un match où il va toujours faire la course derrière. Parce que l’Italie est telle qu’on aime se la représenter : faussement attentiste et génialement opportuniste. Comme face à l’Argentine et Maradona, elle a décidé d’évoluer à dix. Gentile ignore la présence du ballon et ne voit que le numéro 10 floqué dans le dos de Zico. L’époque tolère encore le marquage individuel et Gentile réduit sa proie au silence. « En deuxième mi-temps, j’ai comme été exclu du match, souffle Zico. Gentile m’avais pris d’une telle façon au marquage que mes partenaires ne pouvaient plus m’atteindre. » En première période, le Pelé Blanc a profité d’une demi-seconde de liberté pour permettre à Sócrates d’égaliser dans un angle que lui seul avait discerné.

« Je vois la défaite d’un point de vue positif, d’un point de vue humaniste »

Derrière ses grosses lunettes noires, Bearzot a identifié les failles brésiliennes. Il a vu ses ailes découvertes, la fragilité à la perte de balle, il lui faut juste un homme pour punir. Contre tout un pays, Bearzot a maintenu sa confiance à un Paolo Rossi muet lors des quatre premiers matchs, à ce buteur déchu dont la présence en Espagne cet été-là tient déjà du miracle et d’une peine allégée au nom de l’intérêt national. En l’espace de 25 minutes, Rossi rattrape une partie de sa faute. Il y a cette tête à la réception d’un centre de Cabrini parti (comme prévu) dans le dos de Leandro, puis cette frappe limpide après une passe hasardeuse de Cerezo. Tout est beau dans ce match, parce que chaque équipe respecte le rôle qu’on lui a attribué. Quand Falcao égalise (et donc qualifie les siens) en profitant du fait que Cerezo emmène trois défenseurs avec son faux appel, le Brésil continue à jouer. Ce n’est pas du romantisme, ce n’est pas de la suffisance, c’est un peu des deux, c’est surtout l’âme de cette équipe. La suite est connue. Rossi récupère une miette d’occasion et envoie son Italie en demi-finale et vers son destin.

En bon capitaine et philosophe, Sócrates a tiré une vision du foot et donc du monde de cet après-midi à Barcelone. « Il existe une tendance à valoriser le succès et les résultats plutôt que l’art et la beauté. La victoire est trompeuse, celui qui gagne croit qu’il sera aimé comme un demi-dieu. C’est donc logique de vouloir gagner, mais moi je vois la défaite d’un point de vue positif, d’un point de vue humaniste. » Un point de vue définitivement obstrué après l’élimination sublime face aux Bleus en 1986. Le Brésil va réapprendre à gagner tout en ravivant ses fantômes de 82 et 86 pour regretter les victoires trop « européennes » des Parreira et Scolari. Le Brésil est condamné et cela fait 31 ans que cela dure.

À lire : la suite du top 100 des matchs de légende

Ivan Toney, pari gagnant

Par Alexandre Pedro

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