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Massimo Moratti, parce que l’amour avait raison

Par Markus Kaufmann
Massimo Moratti, parce que l’amour avait raison

De février 1995 à octobre 2013, Massimo Moratti aura dépensé plus d'un milliard pour son Inter. Une histoire d'amour plus que de gros sous. Depuis la fin de la présidence d'Angelo Moratti en 68, l'Inter n'a remporté que trois Scudetti, deux Coppa Italia et deux Coupes UEFA. Le 25 février 1995, le jeune Moratti devient donc le père d'une ambition déraisonnable : faire renaître « la Grande Inter ». À coups de milliards de lires puis de millions d'euros, il aura imposé son style milanais de président tifoso : paternel avec ses joueurs, fraternel avec ses supporters, et amant dévoué avec son club. En renonçant la semaine dernière à la fonction de président d'honneur, il laisse derrière lui une histoire de coups de génies, d'excès et d'échecs, mais surtout de frissons.

Il y a une semaine, un communiqué froid et implacable de 110 mots signale à la cité milanaise que le « Dottor Massimo Moratti renonce à la charge de président d’honneur du FC Internationale Milano gentiment offerte par M. Erick Thohir en novembre dernier » . L’Italie est surprise, tout autant qu’Erick Thohir. Si les Moratti ont conservé leurs 29,5% des parts du club, la réalité est sous les yeux de tous depuis la prise de pouvoir de l’Indonésien : Moratti n’est plus qu’un symbole. Un statut insupportable pour celui qui était autrefois « l’âme de l’Inter » , dixit Javier Zanetti. « L’autofinancement et la globalisation » de Michael Bolingbroke, nouveau CEO venu de Manchester United, auront fini par le fatiguer, tout comme l’énième polémique née d’un commentaire inoffensif touchant un Walter Mazzarri nerveux.

Mais les raisons de la rupture sont plus nombreuses : Thohir n’a pas encore dépensé la moindre roupie indonésienne, des économies ont été faites sur une quarantaine d’employés historiques, Ivan Córdoba a dû quitter son poste de team manager, le capitaine Esteban Cambiasso n’a pas eu sa prolongation de contrat, et le rôle de vice-président de Javier Zanetti reste énigmatique. Difficile de se sentir chez soi pour un ex-président qui était connu pour ses superbes relations avec ses joueurs, de sa relation père-fils avec Recoba, Leonardo et Ronaldo, entre autres, à la vie sauvée de Nwankwo Kanu. Pour les tifosi, cette fonction de président d’honneur était un repère de passion au milieu de cette révolution économique violente, internationale et rapide. Concrètement, c’était la voix qui avait miraculeusement refusé à la Juve le plaisir de l’échange Guarín-Vučinić en janvier. Mais peu importe aujourd’hui : le départ du personnage Moratti laisse un vide immense dans le football italien.

Un club international, mais surtout milanais

Le 25 février 1995, c’est un jeune président de 49 ans qui succède à Ernesto Pellegrini et remet la famille Moratti au centre des actualités milanaises. « Je respire l’Inter depuis que je suis né » , déclare-t-il à son arrivée. Massimo n’est encore que le fils d’Angelo le pétrolier, et donc un enfant de la Grande Inter. Dès ses premières manœuvres, le président agit et pense comme un tifoso. Première étape : un organigramme fait de légendes intéristes. Sandro Mazzola au poste de directeur sportif, Giacinto Facchetti comme directeur général (il lui offrira la fonction de président de 2004 à sa mort en 2006), et Luis Suárez comme coordinateur du mercato. Deuxième étape : le mercato. Pas d’Éric Cantona, mais les Argentins Zanetti et Rambert, puis Roberto Carlos et Paul Ince. Sud-Américains, trouvailles, joueurs frisson, bidoni : Moratti dirige à la passion, avec un certain ton provocateur en lien avec l’histoire de l’Inter. Arriveront ensuite Djorkaeff, Zamorano, Winter, Angloma et Sforza dès le deuxième été. Après une défaite aux tirs au but en finale de Coupe UEFA contre Schalke 04, Massimo accélère : alors qu’il avait racheté l’Inter pour 55 milliards de lires, il attire les regards du monde entier en faisant venir le Barcelonais Ronaldo pour 48 milliards.

Milan est en délire, et l’Inter devient moratienne : internationale, mais surtout milanaise. La fantaisie de Ronaldo pour le côté « capitale de la mode » , la grinta de Simeone pour le côté « berceau de l’industrie italienne » . Cette saison 1997-1998 est un condensé du passage de Moratti à l’Inter : nouveaux joueurs, nouvel entraîneur avec Gigi Simoni, succès en Europe avec la Coupe UEFA gagnée à Paris contre la Lazio, et échec local face à la Juve dans un environnement polémique. L’Inter de Moratti, faite de gestes, traditions et rituels, prend forme. Ce sont les débuts des habituelles interviews du lundi matin au siège de la Saras dans le centre de Milan. Les premiers drapeaux de l’Inter accrochés aux fenêtres de la maison familiale sur la via Bigli. La légendaire disponibilité pour les tifosi intéristes et les débats animés avec les rivaux. Et puis, ces buts célébrés au stade, dans un costume toujours impeccable, cigarette à la main, immense sourire aux lèvres, embrassant tour à tour sa femme Milly, puis ses fils Angelomario et Giovanni. Après le Berlusconi des années 80, voilà un nouveau personnage prêt à faire vivre l’histoire du football italien : un pétrolier de gauche au physique fascinant et aux manières finement milanaises.

Presidente tifoso et Pazza Inter

En 19 ans d’actionnariat romantique, les millions auront donné à Milan l’opportunité de voir les plus beaux joyaux des années 90 et 2000 : des génies (Ronaldo, Baggio, Eto’o, Figo, Vieri, Milito, Ibrahimović, Adriano), des leaders (Zanetti, Ince, Simeone, Mihajlović, Veron, Davids, Cambiasso, Berti, Stanković, Vieira), des artistes (Djorkaeff, Recoba, Sneijder, Emre, Maicon), des renards (Crespo, Zamorano, Cruz, Batistuta), des colosses (Materazzi, Samuel, Lúcio, Cannavaro, Córdoba, Blanc) et enfin des numéros 1 (Pagliuca, Toldo, Júlio César, Handanović). Si son père Angelo avait eu un faible pour le slalomeur Mariolino Corso, Massimo aura été séduit par Álvaro Recoba : « Tout le monde sait que le footballeur que j’ai le plus aimé a été Recoba, parce qu’il avait bien plus de qualités que ce qu’il arrivait à exprimer, et pourtant il arrivait toujours à nous surprendre. » Rêveur, Moratti construit une Inter à son image, celle de Recoba : c’est la Pazza Inter. De 1998 à 2005, l’Inter devient un fantasme. Une équipe de rêve qui est restée plus belle dans l’imagination de ses tifosi que dans la réalité. À l’époque, l’Inter vit de son prochain match ou de sa prochaine saison, en fonction du contexte. C’est le prochain missile de Vieri, la prochaine invention de Recoba, la prochaine recrue, le prochain slalom de Zanetti, la prochaine tête de Materazzi, le prochain tacle de Córdoba, la prochaine lucarne de Stanković, le prochain but de Toldo contre la Juve, le prochain petit pont de Ronaldo sur Maldini. Et le prochain titre, surtout.

Car cette Inter démente traverse une époque de douces rêveries et de cruelles déceptions. Il y a les horreurs : Helsingborgs, Lugano, Alavés ou encore le derby de tennis perdu contre le Milan. Il y a les erreurs : les échanges de Pirlo, Seedorf et Cannavaro, entre autres. Et puis, le destin intervient. D’une part, cette époque du football italien restera tristement marquée par l’ombre du Calciopoli. D’autre part, la malchance se pointe : en 2003, l’Inter est éliminée en demi-finale de C1 contre le Milan en faisant deux matchs nuls à San Siro, et les blessures du Fenomeno Ronaldo font plonger le club dans un quotidien de persévérance. La perte du Scudetto 1998 sur la fameuse faute de Iuliano à Turin aurait pu suffire à l’abandon. « On aurait pu avoir Messi, Cristiano Ronaldo et Pelé, on n’aurait pas gagné ce match » , dira plus tard Ronaldo. Le désastre du 5 mai 2002 aurait pu, aussi, être le mot de la fin. Lancé à toute allure dans une course incertaine, Moratti a même longtemps cru perdre toute sa crédibilité.

La ligne d’arrivée du marathon

Décrié pour des choix ayant souvent échappé à la raison, Moratti aura toujours répondu par un engagement total. Au lieu d’abandonner, il insiste : si ce n’est pas Ronaldo, ce sera Vieri. Et si ce n’est pas Vieri, ce sera Ibrahimović. Jusqu’en 2010, même après quinze années, même après le Calciopoli, même après les Scudetti gagnés par Mancini, le rêve l’habite encore. Finalement, ce sera Milito et Eto’o, et Sneijder, et Mourinho. Voilà, en 2010, la Grande Inter renaît. Au dernier coup d’essai, ou presque – on peut légitimement croire qu’il aurait essayé jusqu’à sa mort – Moratti a réussi à construire l’équipe du seul triplé italien de l’histoire. Aux yeux de celle-ci, d’ailleurs, peu importe si cette équipe a été trop rapidement défaite : de toute manière, le marathon était terminé. Et l’amour avait raison.

En novembre 2013, alors que le changement de présidence vient d’être annoncé, la Curva Nord remercie Moratti avec une banderole au titre cinglant : « Les joies les plus grandes et les souffrances les plus embarrassantes » . Un football de rêves et de cauchemars, fait de quelques hontes et de nombreux succès. Un football périlleux, mais finalement victorieux. Si le pétrolier a dépensé plus d’un milliard d’euros, l’investissement humain a été encore plus important : Massimo Moratti aussi a passé ses étés à fantasmer ces dix-huit différentes Inter. Et donc à les pleurer l’été suivant. Massimo Moratti aussi faisait partie de ces tifosi. Comme il l’a dit si souvent, il en était le numéro un.

Émerse Faé : « J'ai juste fait mon travail »

Par Markus Kaufmann

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