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Martin Jacobson, d’ancien camé à Coach Jake

Par Jacques Besnard
Martin Jacobson, d’ancien camé à Coach Jake

408 victoires, 17 défaites et 9 matchs nuls. Qui dit mieux que Martin Jacobson alias Coach Jake ? En 20 ans, cet entraîneur d'une école défavorisée de New York a monté l'une des meilleures équipes de jeunes footeux du pays. Sans terrain, sans vestiaire, mais avec dévouement, il a surtout aidé des dizaines d'ados à sortir de la galère. Portrait de ce Pascal le grand frère du pays de l'Oncle Sam.

Ah Manhattan… La démesure de ses gratte-ciel, les lumières de Times Square, la folie de Wall Street. Autant de clichés qui fleurent bon le consumérisme à outrance, les sourires en plastique, le café sans baloches. Putain de rêve américain, tiens. Moins connue chez nous, plus romantique sûrement, l’école de soccer de la Martin Luther King Jr. High School est devenue la meilleure équipe scolaire de la ville et l’une des plus talentueuses du pays. Un exploit rendu possible grâce à la volonté d’un homme : Martin Jacobson, 68 ans, surnommé « Coach Jake » .

Meilleur entraîneur de la ville

Lorsque l’homme à la casquette, sorte d’Élie Baup local, a pris en main l’équipe en 1994, c’était pourtant loin d’être gagné d’avance. Fusillade, viol collectif, délinquance, à l’époque et jusqu’au début des années 2000, l’école publique fait plus parler d’elle pour sa violence que pour ses exploits sportifs. « On est situé dans une zone riche, mais la plupart des élèves viennent du Queens ou du Bronx. Maintenant, ils ont séparé l’école en six bâtiments distincts et y ont assigné un principal pour chaque local. C’est beaucoup mieux. En soccer, c’est pareil. L’année avant que j’arrive, l’équipe n’avait remporté aucun match sur les 13 disputés et avait terminé dernière de la ligue » , avoue-t-il un peu fier.

Un orgueil légitime quand on sait que Jake et ses poulains raflent aujourd’hui tout sur leur passage. Plus de 400 victoires, 15 championnats new-yorkais remportés, une place dans le top 10 des écoles publiques américaines… L’entraîneur a également été sacré meilleur entraîneur de la ville par la municipalité. Prends-ça, Coach Carter.

« Je donne ma carte aux taxis »

Pour sortir l’équipe de sa torpeur, Coach Jake décide à l’époque de « professionnaliser » l’organisation de sa team. Pour y arriver, il planifie plusieurs entraînements par semaine. Une galère quand on sait que l’équipe n’a pratiquement aucun budget, pas de vestiaires ni même de terrains d’entraînement. « C’est dur de trouver un endroit pour s’entraîner. On s’entraîne dans Central Park, sur un terrain de base-ball, parfois on fait des buts avec les poubelles. Ce n’est pas l’idéal, mais le principal, c’est qu’on arrive à jouer. »

La multiculturalité de ses membres est la plus grande particularité de l’équipe. Originaires des Caraïbes, d’Afrique, d’Amérique du Sud, ses joueurs n’ont pas tous l’anglais pour première langue. « Sur les 3000 élèves de l’école, il y a en a 400 dont c’est le cas. Mon groupe est à l’image de la société américaine, un vrai melting-pot. Voir des jeunes de différentes origines devenir amis, au-delà de toutes leurs différences, plus que les résultats sportifs, c’est ça qui me rend heureux. » Pour découvrir des talents, à part le bouche-à-oreille, Jake a apparemment une technique infaillible : lâcher sa carte aux chauffeurs de taxis. « Ils sont tous originaires d’Afrique de l’Ouest, d’Amérique du Sud… À chaque fois, je leur dis, si tu connais quelqu’un de très bon, appelle-moi. »

Onze professionnels formés

Dans sa carrière, Martin Jacobson a reçu beaucoup de demandes d’enfants dans la galère. Il se souvient par exemple avoir aidé plusieurs jeunes joueurs à obtenir une green card, hébergé un élève qui ne savait pas trop où aller ou encore acheté un matelas pour le gardien de but devenu professionnel Bouna Coundoul. L’international sénégalais et ancien des New York Red Bulls n’a jamais oublié ce que l’Américain avait fait pour lui. « J’étais allé chez lui, il dormait dans le Bronx sur un matelas minuscule. Il y a quelques années, il m’a invité au Sénégal pour me remercier. J’ai été traité comme un roi. »

Le Colombien David Diosa (New York Cosmos), le Trinidadien Barry Swift, le Jamaïcain Ramon Bailey, l’ancien international malien passé par Boulogne aujourd’hui à l’Impact de Montréal Bakary Soumare… Au total, une dizaine de pépites façonnées par Jake ont tutoyé le monde professionnel, notamment en MLS. Ce n’est pourtant pas une fin en soi. L’US Soccer developement academy, le projet qu’a mis en place la Fédération américaine, inquiète d’ailleurs le coach de la Martin Luther King Jr. High School. Cette Ligue, qui réunit les meilleurs joueurs U17-U18 du pays, veut bien évidemment être le vivier de l’équipe nationale américaine et de la MLS, mais ne serait propice à l’épanouissement des jeunes. « Leur but, c’est d’attirer les meilleurs joueurs américains, de trouver des talents. C’est légitime, mais ils ne s’occupent pas de leurs études. Pour jouer, les enfants doivent faire des aller-retour entre l’école, le club et chez eux. À la New York Red Bulls Academy, ils peuvent être occupés de 8 heures à minuit. Ils ont moins de temps pour leurs devoirs. »

96% des joueurs sont diplômés

L’une des clés pour faire partie de l’équipe est, en effet, d’avoir de bons résultats à l’école. Tous les matins, l’entraîneur scrute scrupuleusement le dossier scolaire de ses joueurs sur son ordinateur. Quand il y a un problème, il contacte lui-même les professeurs pour régler les problèmes et en parler avec eux. « La règle, c’est : « pas de bonnes notes, pas de football ». Le plus important, c’est que les enfants aient une éducation pour leur carrière, mais aussi leur équilibre. Si un joueur est excellent, il ira un jour au New York Red Bulls, mais la majorité ne sera pas pro. Et même pour ceux qui perceront, leur diplôme leur permettra de rebondir après leur carrière. Pour moi, l’éducation et le football doivent aller de pair. lIs doivent profiter du lycée, on doit les aider à devenir des hommes. »

Quand on voit que 96% de ses joueurs obtiennent leur diplôme secondaire, on se dit que la carotte fonctionne. Un chiffre impressionnant puisque le ratio n’est que de 60% dans les autres écoles publiques new-yorkaises. Businessman, juriste, médecin ou encore professeur d’université, l’entraîneur new-yorkais n’a pas formé que des bons joueurs de football. Des carrières souvent rendues possibles aussi par le ballon rond. Car, comme c’est le cas pour les autres sports, les meilleurs footballeurs peuvent ainsi obtenir une bourse pour aller gratuitement à l’université.

Clean depuis 30 piges

Si Martin utilise aujourd’hui le football pour permettre à ses joueurs d’échapper à leur milieu, c’est qu’à plusieurs reprises, ce sport l’a aidé à sortir la tête de l’eau. À 10 ans, il est ainsi surpris par un policier en train de caillasser une voiture. Au lieu de l’emmener au poste, l’agent préfère le déposer dans un centre aéré. Bonne pioche. « J’étais un petit délinquant, j’ai eu une enfance difficile et c’est là que j’ai rencontré un éducateur qui venait du Brésil, Herman Druckman. C’était un Allemand qui avait fui l’Holocauste. On a joué au football plutôt que de traîner dans la rue. » Malgré quelques conneries, des vols de bagnoles, les bastons de gang, un peu de deal, Martin se range et continue de mener de front une carrière amateur correcte et des études universitaires. Il obtient finalement un diplôme en éducation physique et devient rapidement prof de sport et entraîneur de football à 21 ans. Un parcours sans tourment jusqu’à ce que Martin ne fasse d’autres mauvais choix.

Trois mariages, autant de divorces, six gosses avec cinq femmes différentes, deux faillites, Martin tombe aussi en pleine trentaine dans la drogue dure : LSD, dérivé de la morphine, héroïne. Un triptyque et un passé trouble qui lui laissent aujourd’hui une hépatite A à combattre, un avenir incertain, mais aussi la force et le courage de rendre à son tour la monnaie de sa pièce à ses jeunes. « Sans le football, je serais probablement déjà mort. Le foot m’a sauvé la vie… Je crois qu’on vit pour deux choses. Aider les autres, et apprendre des leçons de la vie. Moi, en tout cas, c’est pour ça que je suis sur terre. »

David Pereira da Costa, le dix de cœur du RC Lens

Par Jacques Besnard

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