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« Mario Basler était le plus fou »

Propos recueillis par Matthieu Rostac
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Ottmar Hitzfeld est une des figures emblématiques du banc bavarois. Il revient dans nos colonnes sur cette période où il a dû gérer les plus grosses têtes de cochons du foot allemand (Effenberg, Basler et Matthäus) pour en faire une machine à gagner.

Comment décririez-vous le Bayern ?

Avant tout, ce fut un grand honneur et privilège d’avoir été engagé comme entraîneur du grand Bayern Munich. J’ai eu l’opportunité et la chance d’avoir été partie intégrante de l’histoire du club, en laissant une forte empreinte lors de mon passage. Même si je suis sorti épuisé de mes six années au Bayern, je ne peux pas m’empêcher de voir ça comme une expérience incroyable. La signification de ce lub pour moi ? Bayern fait partie du top 3 mondial aux côté de Barcelone et du Real Madrid. Le Bayern représente un label de classe mondiale.

Avant d’entraîner le Bayern, vous les avez affronté à maintes reprises dans les années 90. Comment décririez-vous ces joutes ?

Le Bayern a longtemps été le champion en série, donc vous devez les affronter, ils sont « l’équipe à battre » (en VF dans le texte, ndlr). Pour chaque coach, chaque équipe, c’est le plus gros challenge qui soit de les battre. Si ça se produit, comme Arsenal l’a fait en Ligue des champions récemment chez eux, c’est simplement sensationnel. La principale raison pour laquelle il est si difficile de les battre, c’est leur capacité exceptionnelle à produire de la qualité en masse. Ils ont plus de joueurs de classe mondiale que n’importe quelle autre équipe. Donc, même s’il y a des joueurs blessés ou suspendus, l’entraîneur peut toujours compter sur plein d’autres joueurs.

Vous êtes arrivé au Bayern en 1998, juste après Trapattoni. Dans quel était avez-vous trouvé le club ? Qu’avez-vous pensé lorsque vous êtes arrivé ?

J’étais dans la forme de ma vie après un break. J’étais très positif à l’idée de devenir l’entraîneur du Bayern Munich après une expérience pas forcément satisfaisante en tant que directeur sportif du Borussia Dortmund. L’équipe me semblait très bonne, même s’il y avait soi disant des caractères difficiles que Giovanni Trapattoni avait plus ou moins couvé. J’ai très rapidement réalisé une autre chose : la classe mondiale ne se trouvait pas seulement sur le terrain, mais aussi au niveau de la direction. Avec Franz Beckenbauer comme président, Uli Hoeneß comme directeur sportif et Karl-Heinz Rummenigge comme dirigeant. Ceci dit, je dois ajouter que cette constellation ne m’a pas forcément rendu la tâche facile… (sourires)

Pourquoi vous a-t-on choisi, vous ? Que vous a dit Uli Hoeneß ?

Il n’y a pas eu de surprise. J’étais en contact avec Franz Beckenbauer avant. Il m’avait dit : « Tu seras le prochain entraîneur du Bayern Munich. » C’était simplement une question d’heure.

Uli Hoeness avait comparé l’équipe à une « meute de loups » . Que pensez-vous de cette comparaison ?

Uli avait raison, ce surnom allait très bien à l’équipe. Il y avait tellement de « stars » dans cette équipe et de gloire autour. On avait Kahn, Basler, Effenberg, Scholl, Matthäus – pour ne citer que les noms les plus célèbres de cette ribambelle de personnages.

Vous vous êtes battus pour signer Stefan Effenberg à votre arrivée. J’ai cru comprendre que plusieurs dirigeants et joueurs s’étaient opposés à sa venue. C’est vrai ? Pour quelle raison s’opposaient-ils à cette venue ?

Honnêtement, je comprenais totalement que les gens qui géraient le club n’étaient pas enjoués à l’idée de faire signer Effenberg. Le club rencontrait des difficultés en matière de discipline et Effenberg n’était pas forcément connu pour sa discipline quand il jouait au Borussia Mönchengladbach. Mais je le voulais éperdument dans l’équipe. J’étais persuadé qu’il deviendrait le leader de la meute, de cette meute de loups. J’étais en intense recherche de ce genre de profils étant donné que Lothar Matthäus venait de fêter ses 37 ans et ne pouvait plus jouer ce rôle de leader longtemps.

Et le surnom FC Hollywood, pensiez-vous que c’était mérité ?

FC Hollywood est le bon terme. C’était comme ça à l’époque au Bayern. Ça veut tout dire. Il y avait un manque de discipline, certes, mais les incidents pas très sympa dont tu aurais aimé pouvoir te passer étaient légion.
Je suis arrivé au Bayern avec mes idées : pas de libéro, une défense à 4, quadrillage du terrain plutôt et surtout, très importat, l’arrivée du pressing.

En tant qu’entraîneur, n’en aviez-vous pas assez de voir vos joueurs sans cesse dans les colonnes de la Bild Zeitung ou autres tabloïds ?

En effet, j’en avais assez de voir tout ça. J’avais cette envie de domestiquer la meute, tout en sachant que ça ne se ferait pas en un jour. C’était une stratégie mise en place petit à petit et à laquelle je me suis tenue. Je voulais montrer aux joueurs ce qu’était la discipline et ceux qui ne suivaient pas les consignes se voyaient punis.

D’ailleurs, vous êtes celui qui a mis fin à cette période du FC Hollywood. Comment y êtes-vous parvenu ?

Par exemple, il y avait des amendes élevées à payer. Il s’est trouvé que c’était une bonne technique pour faire comprendre les choses aux gens. Je n’étais pas préparé pour faire face à tant de stars dans cette équipe, je voulais que l’équipe devienne la star du spectacle. Petit à petit. Jour après jour, en transformant, développant. Au final, j’y suis arrivé quand j’ai senti que tout le monde mettait l’équipe en avant, au-delà de tout intérêt individuel. Nous avions un très bon esprit d’équipe qui a donné naissance à une mentalité de gagnant. Tout le monde pouvait voir que le moyen choisi nous menait vers le succès.

Comment êtes-vous parvenus à museler ce trio infernal composé de Basler, Effenberg et Matthäus ?

Je suis parti du principe que je pouvais les motiver pour prendre leurs responsabilités, le leadership, au sein de l’équipe et pour l’équipe. Ils sont devenus des personnes importantes sur lesquelles on pouvait se reposer. Bien sûr, j’ai dû leur faire comprendre qu’ils pouvaient venir me parler. Ce fut, comme je l’ai dit plus tôt, un long et continuel processus comprenant de nombreuses discussions, des traitements individuels et de la correction de mon côté. Les joueurs savaient très bien que je ne les laisserais pas tomber s’ils s’en tenaient aux principes que j’avais annoncé comme être des aspects-clé.

Quand vous arrivez au club, l’équipe gagne déjà, presque invincible. Que change-t-on dans une équipe qui gagne pour qu’elle gagne encore mieux ?

Bon, la qualité des joueurs était évidente. Ce qui était un problème : impossible d’amener plus de qualités sur le terrain, dans le jeu. Donc je suis arrivé avec mes idées tactiques en décidant de jouer sans libéro. J’ai introduit la défense à quatre. Quadriller le terrain plutôt que du marquage individuel. Et surtout, très important, l’arrivée du pressing.

Vous venez de parler du poste de libéro. Pouvez-vous nous en dire plus sur Lothar Matthäus, s’il vous plaît ? Comment le décririez-vous ?

C’était le capitaine de l’équipe donc il méritait une vraie place dans l’équipe. Il avait été élu Meilleur joueur de l’année, par exemple. Je suis très fier d’avoir eu un joueur de son calibre dans mon équipe, je peux vous le dire. Ceci dit, il avait déjà 37 ans et il sentait que la fin de sa carrière était proche. Une situation pas évidente à gérer, comme lui comme pour moi.
Juste après la finale perdue contre Manchester en 1999, j’ai convoqué l’équipe pour ce qui a été la plus longue réunion de toute ma vie.

Surnommé le « haut-parleur » pour sa propension à l’ouvrir tout le temps, taupe de Bild et également en perte de vitesse du fait de son âge grandissant, vous avez quand même milité pour garder Matthäus. Pourquoi ?

Tout se que j’ai fait, c’est lui demander de ne pas quitter l’équipe durant l’hiver. C’était l’un des plus grands joueurs que l’Allemagne a connu et je ne voulais pas le voir sortir par la petite porte.

Mario Basler avait refusé de renouveler son contrat parce qu’il demandait le même salaire qu’Effenberg. Après coup, quel regard portez-vous sur cette histoire ?

C’est comme ça que Mario Basler a voulu que les choses se passent. Je ne vois pas trop l’intérêt de revenir là-dessus. Il était sûr d’être titulaire pendant les deux saisons suivantes au Bayern. Mais Kaiserslautern était très proche de sa ville natale. C’était une décision comme une sorte de retour aux racines.

Honnêtement, qui était le gars le plus fou que vous ayez entraîné au Bayern ?

(il réfléchit) Mario Basler. Il avait toujours plein d’idées, certaines étaient folles, d’autres le rendaient très difficilement contrôlable. Son plus gros problème, c’était le manque de discipline. Ceci dit, c’était vraiment un bon gars et une personne honnête.

Quelles sont vos plus belles anecdotes de cette époque au Bayern ?

(il pouffe) Par où dois-je commencer ? Bon, il y a eu Lizarazu éclatant la tête de Matthäus durant un entraînement, poussant Matthäus à quitter le terrain. Un vrai scandale pour les médias. Il y a eu Basler qui s’est battu en discothèque. Il y a eu Effenberg qui s’est fait suspendre son permis par la police parce qu’il s’est fait arrêter alors qu’il conduisait en léger état d’ébriété. Il y a eu Élber et Pizzaro qui rentraient de vacances trop tard. Et puis, il y a eu cette photo de Matthäus au ski alors qu’il était en convalescence. Pas besoin d’en dire plus, pas vrai ?

Vous faites partie du club très fermé des entraîneurs ayant remporté la Ligue des champions avec deux clubs différents : Dortmund et le Bayern Munich. Quelle victoire est la plus importante pour vous ?

Ça ne sert à rien de comparer. Les deux finales ont une signification pour moi. Gagner la Ligue des champions avec le Borussia Dortmund était une véritable sensation. La gagner avec le Bayern Munich était plus attendu, même si la pression était beaucoup plus difficile à gérer que lorsque j’étais à Dortmund parce que nous n’avions rien à perdre.

Quand vous perdez en Ligue des champions contre Manchester United en 1999, vous revenez plus fort et battez Valence deux ans plus tard. Comment est-ce qu’on remotive ses troupes en si peu de temps, surtout après une défaite comme celle-là ?

Juste après la finale perdue en 1999, j’ai convoqué l’équipe pour ce qui a été la plus longue réunion de toute ma vie. Ce fut la base de la victoire en 2001, le début d’un nouveau processus lent et sûr pour souder les joueurs les joueurs comme s’ils étaient de la glu. Je me rappelle être assis aux côtés de Franz Beckenbauer dans le bus après la défaite à la dernière minute contre Manchester United quand il m’a dit que cette défaite pouvait finalement avoir du bon… Je n’en croyais pas mes oreilles ! C’est par la suite que je me suis rendu compte qu’il avait raison. On venait de nous donner une leçon et on n’a pas oublié d’apprendre par la suite.
Celui qui me manque énormément, c’est Uli Hoeneß. Il est la figure de proue du Bayern depuis si longtemps…

Vous êtes surnommé « le général » . Pensez-vous que ce surnom vous correspond ?

Non, pas du tout. Complètement exagéré. Pour la petite histoire, ça vient de l’époque où j’étais à Dortmund. Quand nous avons célébré notre titre en Bundesliga, il y avait une sorte de fanfare militaire. Tous les musiciens portaient des casques de l’armée ou quelque chose dans ce goût-là. Pendant que nous fêtions le titre avec l’équipe et les fans, ils m’ont demandé de jouer au chef d’orchestre. J’ai accepté et ils m’ont mis un casque sur la tête. Bien sûr, des gens ont pris des photos et l’info s’est propagée. C’est comme ça qu’on crée une image de général…

Vous êtes revenu brièvement au Bayern pour remplacer Felix Magath en 2007. Dans quel état avez-vous trouvé le club à cette époque ?

Bayern était loin d’être un club au fond du trou. Ils étaient quatrièmes ou cinquièmes, je ne me rappelle plus. Ce dont je me rappelle, en revanche, c’est que la situation était suffisante pour être un club en crise. Alerte rouge partout. Avec tout ce que ça implique de compliqué pour rendre la vie dure à n’importe quel coach. L’équipe n’était pas si mauvaise, mais les joueurs avaient perdu toute confiance en eux. Il n’y avait pas grand-chose à changer pour revenir sur les rails. Et on s’y est remis. Pas à pas.

Votre successeur était Jürgen Klinsmann. Quel regard portez-vous sur son passage au Bayern ?

Je pense que Jürgen voyaient les choses trop en avance. Non seulement il voulait changer le visage de l’équipe, mais il voulait aussi donner une nouvelle image au club. C’est comme s’il avait voulu tout retourner en oubliant que le FC Bayern Munich est une institution, un club plein de traditions et qui n’est pas devenu Rekordmeister pour rien. Autant de changement n’était pas nécessaire.

Pensez-vous que Guardiola est l’homme de la situation pour le Bayern ? Peut-il se fondre dans un club avec une telle histoire, une telle identité ?

Bien sûr qu’il l’est ! Il est l’architecte des récents succès. Comme vous l’avez dit plus haut, le Bayern est devenu invincible. C’est le travail de Pep. Le succès. Être imbattable. C’est tout ce qui compte dans ce club.

Quels sont ses points forts ? Ses points faibles ?

Pas de désavantage quel qu’il soit. L’un dans l’autre, c’est du win-win pour le club comme pour Pep Guardiola. Le Bayern est fier d’être dirigé par un homme comme lui et Pep est fier d’être le coach d’un si grand club. Que demander de plus ? En disant ça, j’espère une seule chose : qu’il ne quittera pas le club avant de l’avoir mené à la victoire en Ligue des champions cette année.

Reconnaissez-vous toujours « votre » Bayern, à l’heure actuelle ?

Le Bayern Munich a toujours été le Bayern Munich et le restera. Très bien dirigé de bas en haut. Celui qui me manque énormément, c’est Uli Hoeneß. Il est la figure de proue du Bayern depuis si longtemps… S’il y a bien quelqu’un qui a construit ce club à notre époque, c’est Uli Hoeneß. Il avait des visions à tous les niveaux : sportif, économique. Ils les a toutes accomplies grâce à ces incroyables et uniques compétences.

Retrouvez le dossier complet sur le Bayern Munich, Das Football, dans le SO FOOT #131, actuellement en kiosque.

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Propos recueillis par Matthieu Rostac

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