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Marc Roger : «Paris nous a fait un coup tordu, ils l’ont payé avec le transfert d’Anelka»

Propos recueillis par Raphaël Pagano
Marc Roger : «Paris nous a fait un coup tordu, ils l’ont payé avec le transfert d’Anelka»

Rangé des camions et ruiné depuis son passage par la case prison, l'ancien agent star du football post-Coupe du Monde (Wiltord, Henry, Vieira, Makelele, Anelka, Zidane) salive encore sur son passé et crache à loisir sur ses contemporains : de ses débuts aux grand coups dans la meule de la justice suisse, en passant par quelques transferts et coups de griffe au Paris Saint-Germain qatarien. Marco raconte…

Comment êtes-vous devenu agent ? Quand j’ai arrêté l’école à l’âge de 20 ans, j’ai commencé à travailler dans l’entreprise familiale de construction et puis après, j’ai fait de la défiscalisation… Déclarations d’impôts et vente de produits immobiliers. C’est comme ça que j’ai été amené à côtoyer certains joueurs et que je suis devenu agent. A l’époque, j’étais l’agent français qui avait le plus de joueurs sous contrat… J’en avais 90 ! Ce qui faisait beaucoup trop… (rire).

Pourquoi ?Parce qu’il faut gérer le joueur mais surtout son entourage. Les parents, les frères, l’épouse… Et puis ce sont les aéroports, les trains, les taxis, les hôtels, les restaurants, les centres d’entraînement, les stades… Moi j’ai fait toutes les villes d’Europe mais j’en connais pas grand-chose à part ça quoi. Le métier d’agent n’est pas conseillé pour la santé. On prend du poids… Beaucoup. On fume… Beaucoup. On prend un coup de vieux en quelques années ! C’est un métier de célibataire hein… A l’époque d’ailleurs, on était une quinzaine d’agents et la plupart avaient divorcé…

Oui mais on en contrepartie, on en vit bien ? Moi, c’est simple, j’y ai mis toutes mes économies. D’abord parce qu’au début, les frais sont bien nettement supérieurs au chiffre d’affaires. En francs français, on dépensait plus de 5 à 6 millions de francs par an de frais. C’était énorme à l’époque ! Au bout de deux années, je suis arrivé à, au moins, en vivre quoi. C’est avec l’arrêt Bosman que ça a été un peu plus la folie. Aujourd’hui un Bernès, s’il fait 3 à 4 millions d’€ de commission… Vous enlevez les frais, il en reste autour des 2. Quand il a payé ses impôts… il lui reste 1 million d’€. Et je vous parle des meilleurs Français !

A vous écouter on dirait que le métier d’agent est précaire ?Parce qu’il s’y en a une dizaine qui en vivent, c’est le bout du monde ! Il y a plus de 800 agents dans le monde. On augmente chaque année d’une cinquantaine de licences. Or on n’augmente pas le nombre de joueurs… Sans compter ceux qui font ça en complément. Un jour j’étais avec Patrick Trottignon dans son bureau (ndlr : président d’Evian Thonon-Gaillard) et il m’a dit : « Marc, tu vois là-bas les gars qui posent des panneaux solaires ? Ben ils ont deux joueurs chez moi. Ils sont agents. » Et puis il y a les familles qui sont là parce qu’il y a une commission à prendre. Sans parler du fait qu’en France le mot « exclusivité » n’existe pas. Le dernier qui a parlé a raison.

Vous avez connu ça de votre temps ?C’était parfois le contraire. Quand Thierry Henry est parti à la Juve, on était en froid avec Monaco et son transfert s’est fait sans nous. Il voulait qu’on continue à travailler ensemble. Donc il est venu nous voir et nous a dit : « Écoutez… Moi je vous paye une partie de la commission, on continue ensemble et puis on verra après » . Et le « après » a été rapide. Six mois plus tard, on l’a transféré à Arsenal.

Apparemment il existait un axe Roger/Larios-Arsène Wenger…Parce que mon associé Jean-François Larios avait d’excellents rapports avec Arsène. Ça a commencé avec Patrick Vieira. On était à Amsterdam pour le faire signer à l’Ajax. On n’était pas d’accord sur les conditions. Les deux clubs, eux, étaient d’accord. A Milan, ils étaient fous furieux parce qu’on ne signait pas. Pendant ce temps-là, bon ben, on a réussi avec Jean-François à convaincre Arsène, en lui disant : « Écoute le Milan AC et l’Ajax ne peuvent pas se tromper ! » A l’époque, c’étaient des références en Europe. Il nous a dit : « OK. Vous allez à Londres, vous rencontrez David Dein, vous vous mettez d’accord avec lui mais vous ne dites pas le nom du club dans la presse » .

Parlez-nous un peu du transfert d’Anelka à Arsenal…La Juve nous avait mandatés pour faire venir Léonardo. Jean-François est parti une semaine au Japon. On a convaincu les Kashima Antlers de le laisser partir. Comme ça n’avançait pas avec la Juve, j’ai donné toutes les informations à Jean-Michel Moutier pour qu’il aille au PSG : le prix du transfert, le nom de l’avocat de Leonardo… Et là, Paris nous a fait un coup tordu en nous contournant. On leur a dit : « On ne va pas vous attaquer au tribunal, ça va prendre des années. Vous êtes dans le football, mais nous aussi. On a 90 joueurs… Vous gagnez 1-0, mais un jour, on vous mettra peut-être un hat-trick » . Je n’habitais pas très loin du Camp des Loges. Six mois après, un samedi après-midi j’ai remarqué Anelka lors d’un match. J’ai pris contact avec ses frères et ses parents. Il n’était pas heureux à Paris. Il lui restait huit mois de contrat. J’en ai parlé à Arsène Wenger qui a sauté sur l’occasion… Trois ans plus tard, lls l’ont racheté 235 millions de francs français (215 millions en fait, ndlr). Sur le simple fait de ne pas avoir été correct sur Leonardo, ils ont perdu 230 millions (210 millions en fait, ndlr). Voilà.

Vous l’avez transféré au Real entre-temps…C’est la Juve qui voulait Nicolas. David Dean a essayé de faire monter les enchères… Avant il n’existait pas de contrat à terme en Angleterre. Le joueur était obligé de resigner aux conditions qu’on lui proposait. Et avec l’arrêt Bosman, ce sont les joueurs qui ont pris le pouvoir. Pour David Dein, si le joueur voulait partir, c’est le club qui décidait de sa destination. Il a préféré négocier avec la Juve d’Agnelli, qui offrait de meilleures garanties bancaires plutôt qu’avec le Real, qui, à l’époque, avait pas mal de dettes. Un jour, j’arrive à Londres, j’avais rendez-vous avec lui. Sont apparus Bettega et Moggi. Je leur ai dit : « Ce n’est pas la peine de trouver un accord entre les deux clubs. Il ne viendra pas. Il veut aller au Real » . C’est un peu l’histoire de la Sampdoria qui voulait envoyer Christian Karembeu à Barcelone à tout prix.

Pourquoi voulaient-ils l’envoyer à Barcelone ?Parce que Barcelone voulait empêcher Christian Karembeu d’aller à Madrid. Ils savaient qu’il était déjà d’accord avec le Real. Moi, ils m’ont même demandé : « Marc, si Makelele arrive à convaincre Karembeu de venir à Barcelone, on lui trouvera un grand club en Espagne. » Mais Karembeu avait donné sa parole pour le Real. Et ils lui ont tout fait avec la Samp. Il s’est entrainé à part pendant six mois à 8h du matin. Sa maison a été cambriolée… A mon avis, y en a qui cherchaient le contrat qu’il avait passé avec le Real.

Re-parlons de Makelele justement. Ce n’est pas le grand amour entre vous. Vous étiez son agent. Que s’est-il passé ? En Espagne, quand un joueur change de club, il a droit à 15% du montant du transfert. 9 fois sur 10, il est obligé d’abandonner le pourcentage sinon le club ne le laisse pas partir. J’ai réclamé cette somme-là lors de son transfert en Angleterre, soit à Madrid soit à Chelsea. Abramovitch m’a dit : « Hors de question » . S’il n’acceptait pas, ben Makelele ne signait pas. Le 31 août, au dernier moment, Chelsea a dit ok.

Votre plainte contre Makelele était en rapport avec cette transaction donc ?Oui, mais celle-là, je l’ai abandonnée… Je réglerai mes comptes dans mon livre* avec des preuves à l’appui. Claude Makelele ne sait pas compter. Lire, il sait lire, mais il n’a jamais su compter. Il n’a pas compris que la prime à la signature, il l’a touchée sous la forme d’un prêt non remboursable, ce qui lui a évité de payer 40% d’impôts au fisc anglais et de s’acheter une maison à Sainte-Maxime. J’estime qu’il m’en devait une partie…

Venons-en au PSG. Expliquez-nous qui vous a missionné lors du rachat par les Qataris ? C’est Djamel Belmadi, un de mes anciens joueurs, alors entraîneur de Lekhwiya, club du Prince Al-Thani… Il m’a demandé de prendre des renseignements sur pas mal de joueurs quoi… Matuidi, Fellaini. Lucas déjà. On a parlé de Gameiro. Ça s’est fait quelques jours après. Milito du FC Barcelone. Et quand Leonardo est arrivé, il avait les pleins pouvoirs, donc il a fait ce qu’il a voulu quoi…

Il paraît que vous avez aussi négocié avec Guardiola à la demande de Makelele…On n’a pas eu le temps… (rire). En décembre 2011, on lui a dit : « Voilà Claude, Ancelotti vient de signer. Il faut que tu sois son adjoint » . Ils ne lui ont pas trop laissé le choix. Une manière de mettre un terme à la rumeur Guardiola. Parce que Makelele aurait pris la place de Leonardo… Tout simplement. Il n’a jamais accepté qu’on prenne Leonardo. La place était pour lui ! C’est ce qui était prévu ! Mais son contrat était très mal fait. Sans ça, il n’y aurait pas eu de Leonardo. Je pense que Makelele n’est pas forcément en odeur de sainteté au PSG. La preuve, à trois mois de la fin de son contrat, il n’a toujours pas été prolongé. Je crois qu’il a été mal conseillé ces dernières années par un avocat qui travaille sur l’affaire Bettencourt…

Vous êtes en conflit avec le PSG aujourd’hui…J’estime avoir travaillé pour le PSG en juillet. Personne ne peut dire le contraire. Djamel Belmadi travaillait sous les ordres du Prince, qui était aussi son président. J’ai des SMS, j’ai des mails, j’ai des preuves qu’effectivement, j’ai travaillé un mois et demi, deux mois pour le PSG. Je leur réclame 230 000€. Il y a beaucoup de frais à l’intérieur. C’est pas une somme élevée quand on voit le salaire de Leonardo quoi !

Comment êtes-vous intervenu dans le transfert de Zinédine Zidane de la Juve au Real ? J’habitais à Majorque à l’époque et je voyais le président Florentino Perez tous les week-ends. La Juve ne voulait pas transférer Zidane. Et comme j’étais proche de Moggi, ils m’ont demandé d’essayer de convaincre Moggi de le lâcher.

On parle d’une très grosse commission pour Moggi…Je ne peux pas rentrer dans les détails, il a assez de problèmes comme ça… (rire).

Ça n’en rajouterait pas beaucoup plus…On savait qu’à la Juve, c’était Moggi qui décidait. Alors disons que son fils a fini par être impliqué dans le transfert. Vous savez, il y a beaucoup de pères qui essayent de mettre leur fils dans le football. Alors bon voilà, on s’est arrangés comme ça. Le transfert s’est fait. Tout le monde était content. Madrid a payé une commission au fils de Moggi. 8 ou 10% du montant du transfert qui était de 75 millions d’euros, je crois.

Comment êtes-vous passé du métier d’agent à celui de dirigeant de club ?Ben d’abord, on en a marre des joueurs en fait. L’usure… Et puis on a des enfants en bas âge. On veut les voir le plus souvent possible. En fait ou vous divorcez, ou vous arrêtez le métier d’agent. Au Servette, j’avais des horaires de bureau. J’amenais mes enfants à l’école, je les récupérais le soir. Et puis, c’est passionnant. C’est une autre vie quoi voilà.

Ça ramène plus d’emmerdes en revanche…C’est pas de ma faute si Lorenzo Sanz avec qui je me suis associé n’a pas été réélu (ndlr : à la présidence du Real) et que ses sociétés immobilières ont fait faillite. Ce n’est pas de ma faute non plus si on perd les cinq premiers matchs et qu’on n’a pas de sponsor. Ou encore si on nous enlève des points à cause de la gestion de mes prédécesseurs. Si j’en avais la possibilité, je reprendrais un autre club. Mais en France cette fois. Pas chez les Suisses !

On vous a reproché quoi là-bas ? La gestion fautive… J’ai fait 23 mois fermes alors que j’ai été condamné à 24 mois avec sursis. Faut savoir que la quasi-totalité des clubs européens font de la gestion fautive. Pour autant, on ne voit pas tous les présidents en prison. Mais bon, c’est la Suisse.

Aujourd’hui vous faites quoi pour vivre ?Comme beaucoup d’agents de mon époque font… On bricole ! Je fais un peu du consulting auprès d’agents comme Mamadou Bakayoko (ndlr : conseiller du président de Luzenac, Jérôme Ducros). Et puis je me bats aussi pour récupérer de l’argent. Cette fois-ci, je suis du bon côté. J’ai déposé des plaintes. Je me bats pour récupérer l’argent qu’on m’a volé. Et puis quand ce sera fait, j’essaierai de racheter un club en France.

Vous réclamez combien aujourd’hui pour espérer racheter un club ?6 à 7 millions d’€. Un bon club de D2, ça vaut entre 2 et 3 millions. Ça me permettrait de vivre ma passion.

*Livre à venir au mois de septembre aux éditions Archipel – Co-rédaction Michel Biet

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Propos recueillis par Raphaël Pagano

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